Tout d'abord, un grand merci à Balelio et aux éditions Densité.
Ah quelle lecture que j' ai bien évidemment accompagné de l'écoute de la musique de cette artiste. Au fil des pages j'ai découvert une femme de combat qui a su laisser derrière elle ses démons, un style de vie, une époque pour ainsi mieux se réinventer et nous apporter une musique incroyable, régénérée, un personnage réinventé pour notre plus grand plaisir. Elle est passée de l'ombre de très grands artistes pour en devenir une à part entière.
J' ai adoré cette lecture, cette plongée dans ces années mythiques de la musique.
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Si ses créations s'inscrivent dans la pâte du temps,si Broken English capte le Zeitgest,l'esprit epocal des années 70 finissantes, elles engendrent aussi un dialogue avec l'éternité, celles des émotions ,des interrogations métaphysiques qui traversent nos existences,celles des oeuvres d'art dont la portée excède l'époque et le lieu qui les ont vu naître. Le clavier sur lequel joue l'artiste est double, composé des touches du temps et de l'éternité. C'est une des raisons pour lesquelles la colére et la hargne de Broken English ne sont pas soluble dans le paradigme punk.
À cette cristallisation du Zeitgeist objectif,l'album ajoute la signature subjective, la composante intime du Weltschmerz de l'Europe centrale,un héritage venu de sa mère, Eva Sacher-Masoch,baronne Erisso,une aristocrate austro-hongroise née d'une mère juive, petite nièce de l'écrivain Léopold Von Sacher-Masoch. L'écrivain Jean Paul consacré le terme Weltschmerz afin de définir la douleur éprouvée face au monde, un sentiment d'abattement propre aux auteurs romantiques. Marianne Faithfull injectera l'abîme du romantisme allemand dans le cocktail du punk et du rock.
La reine de ce chef d'oeuvre,c'est la voix de la chanteuse. Une voix écorchée, déchue, traversée par les failles,les échos du passé, porté par les ténèbres. Nous entendons une voix voilée à laquelle la nuit est accrochée, une voix palimpseste composée de strates temporelles,de niveaux de profondeur,de couche de blessures. Puissante et fragile tout à la fois, se brisant lorsqu'elle élève le ton,la voix nous parvient comme une arche de Noé glissant sur une mer ivre. Un arche qui accueille les naufragés de la vie, les égarés.
Des années après ,"Brain Drain" délivre les cristallisations des haïkus silencieux de Soho. Des échos d'un mode de vie régi par le démon de la défonce,des fragments d'une odyssée stone dont elle dépeint le pourquoi (et ultimement l'absence de pourquoi ),le comment,l'avant,le pendant et la promesse de l'après .
Avec Broken English, Marianne Faithfull s'arrache à la légende noire qui lui colle à la peau et construit son propre mythe. On n'écrira plus sa légende. Elle s'en charge.
Véronique Bergen présente Marolles. La Cour des chats, CFC-Editions (2022)