10 OCTOBRE 2022, BLOG D'
ELISE FISCHER, LILIAUFILDESPAGES
Mes Allemagnes, récit de
Laurence Gantois-Domange, préface de
Michel Quint, éditions L'Harmattan, collection Graveurs de mémoire
Dans un précédent ouvrage titré
Geneviève,
Laurence Gantois-Domange rendait hommage à sa mère (j'en ai parlé en juin dernier) d'une plume fine et sensible.
L'auteure ne s'est pas arrêtée à la femme qui, en quelque sorte, l'a en partie façonnée. Avec
mes Allemagnes (avec un S, s'il vous plaît), elle décrit la très jeune lycéenne apprenant l'allemand en première langue et qui, le temps de plusieurs étés, va aller passer ses vacances à Traben-Trarbach, chez les Lubisch qui recevaient à quelques 160 km de Bouligny en Moselle des jeunes gens désirant se perfectionner dans la langue de
Goethe.
Accueillie à bras ouverts par cette famille, Laurence découvre un autre pays, une façon de vivre un peu désuète d'une famille tendre, ouverte sur la nature, le sport, les chants, à tel point que Laurence parlera de cette femme, comme étant sa mère allemande (d'où sans doute le chagrin pour
Geneviève, sa mère).
Laurence vibre au coeur de cette petite ville qui a été préservée des bombardements pendant la guerre et elle pense à son père qui fut envoyé en Allemagne dans le cadre du STO et qui, malgré les difficultés, ne retint que le rire, les filles d'Allemagne, alors que sans doute la réalité avait pu être difficile, même si ce n'était pas les camps de déportés ou d'extermination.
Chez les Lubisch tout était raffinement, beauté, sourire. Dans le coeur de Laurence, c'est l'émotion. Elle en est sûre, elle sera professeure d'allemand.
Quelques années plus tard, sa curiosité et ses engagements très à gauche, la poussent à aller plus à l'Est, une partie courageuse de cet ouvrage, car elle écrit quasiment ne pas vouloir regarder la réalité qui s'offre à elle. La dictature de l'Est, ce qu'elle produit sur les habitants… À Berlin Est, elle rencontre dans le cadre d'échanges universitaires, de jeunes Polonaises, des Russes (certaines sont mariées) et elle admire leur besoin de liberté, quitte à s'offrir des aventures extra-conjugales. Laurence aime tant l'Allemagne, la langue, les chants, (elle évoque
Brecht et Weill) qu'il y a comme un écran, sans doute, le même que mit son père sur ses souvenirs dans les années 42 au STO. On ne garde que le meilleur. Si elle trouve que la chute du mur, c'est bien, la joie est loin d'être démesurée. Quelques réserves subsistent… Pour elle, le géant de l'Ouest a absorbé un pays moribond.
En conclusion, l'auteure écrit qu'on ne peut pas parler d'une ou deux Allemagnes, mais d'un pays multiple qui l'a profondément marquée et a fait d'elle ce qu'elle est devenue, une femme engagée et qui a tenté au cours de son métier de transmettre les belles histoires comme les monstruosités.