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EAN : 9782140284472
182 pages
Editions L'Harmattan (12/09/2022)
4.83/5   9 notes
Résumé :
Résumé : Mes Allemagnes
« L’Allemagne de l’Ouest, découverte en 1967, fut incarnée par une figure maternelle pleine de douceur. L’autrice fut plongée dans un univers désuet et immergée dans une langue poétique. Une Allemagne sentimentale était née. L’enfance se poursuivait, certes, mais s’élargissait à un monde douillet et rond. C’était le pays de l’émotion, le prolongement de la relation à la mère. Ce pays-là, cette deuxième « Heimat » (pays natal) était ... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (11) Voir plus Ajouter une critique
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Quand j'étais un jeune enfant dans mon lointain sud-ouest, l'Allemagne était une terra incognita. C'était pour mes proches une terre de malheur dont on parlait avec gravité mais rarement avec haine, malgré la fureur « des boches », nazie disait-on chez moi en distinguant quand même ces deux termes. Cela n'empêchait pas de regarder les premiers touristes allemands qui jouaient aux Robinsons sur la côte landaise avec suspicion : qu'avaient-ils commis quelques années plus tôt ? Mais au lycée, une aspiration à mieux connaître ce pays fut la plus forte, en découvrant avec un professeur de lettres remarquable les voyages romantiques de Madame de Staël.
C'est pourquoi, des décennies plus tard, je me suis emparé avec intérêt de ce livre écrit par Laurence Gantois, pour y retrouver a priori ces émois adolescents, ceux qui vous poussent à aller vers l'autre que l'on ne veut plus regarder seulement comme un étranger. Et je n'ai pas été déçu, bien au contraire : une lecture haletante ininterrompue jusqu'à atteindre la dernière page.
Emporté j'ai été par le rythme de ces récits car la construction du livre est ainsi faite : une succession de chapitres courts, denses aussi de par une langue très travaillée, précise dans ses descriptions, riche et colorée par sa matière, jamais avec pédantisme mais toujours sous le regard de l'enfant, adolescente puis jeune adulte que fut l'autrice, un regard acéré et sensible.
La première partie est un peu l'éloge de l'immobilité, de ce temps qui passe identique à lui-même, un éternel retour sur la face immuable des choses. Mais un temps qui a ses secrets, lourds de non dits : quelles belles descriptions de tous ces objets qui meublent la pension de madame Lubisch, théâtre des premières impressions de la jeune Laurence, sur ce pays si différent et si proche de sa Lorraine proche ! Cette Allemagne éternelle se découvre sous le regard à la fois sévère et bienveillant de l'hôtesse mais aussi une certaine distance et froideur de l'hôte, monsieur Lubisch qui semble garder en lui quelques secrets d'un passé enfoui qui a du mal à transparaître. Toute cette joliesse si rococo d'un intérieur photographié avec une précision quasi balzacienne, tous ces chemins menant au village tellement germanique avec cette nature à l'exubérance et aux parfums si brillamment transcrits nous imprègnent d'une éternité un peu désuète, stéréotype d'une Allemagne qui commence à connaître une certaine opulence. Un miracle qui tait aussi son passé comme si le temps n'existait pas.
C'est pourquoi, la deuxième partie du livre est aussi l'éveil à la révolte, l'aspiration à changer le cours des choses que nous avons tous (espérons le) connue. C'est l'autre Allemagne, celle honnie de l'est qui est au coeur de cette deuxième partie. On retrouve le temps où le bel hymne de la DDR créé par Hanns Eisler nous faisait presque croire à nous adolescents que c'était l'hymne officiel des compétitions de natation. C'est aussi un récit d'apprentissage, un éveil aux autres, à la sexualité, aux rencontres, à la culture, aux projets chimériques, aux espoirs portés par cette génération marquée par Rudi Dutschke. Mais le gauchisme n'était pas la maladie infantile du communisme à cette époque. Et tout l'art de Laurence Gantois est de faire revivre de l'intérieur ces années qui ont marqué toute une génération de jeunes gens.
On referme à regret le livre qui porte en lui cet optimisme sans lequel il n'y aurait pas de jeunesse.
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Quand j'ai vu ce titre, j'ai aussitôt pensé au courage de son auteure lorraine. Ce « mes » possessif ; ce « s » à Allemagne fleuraient bon l'empathie pour un pays si longtemps maudit pour ses horreurs guerrières commises sur notre sol. de plus l'auteure a fait ses études à Verdun, avant d'y revenir plus tard y enseigner… l'allemand ! Verdun, la zone rouge, des villages rayés de la carte, l'Ossuaire de Douaumont, ses sites de mémoire… ici on a plus qu'ailleurs des raisons de ne pas chérir l'Allemagne. Certes le temps a passé ; les jumelages franco-allemands, l'Europe ont permis d'aplanir bien des rancoeurs. Comme il a fallu aussi du temps à Laurence Gantois-Domange pour écrire ce livre, évoquer le STO, où son père fut enrôlé et déclarer son amour pour un pays qu'elle découvre très tôt. A 13 ans, avec son allemand scolaire qu'elle va perfectionner sans cesse au fil de ses études et de séjours répétés chez un couple bienveillant et aux petits soins pour ses jeunes hôtes. « Mes Allemagnes » n'est pas un guide touristique où on se balade de ville en ville, c'est plutôt une analyse sociologique et impressionniste du milieu où vit ce couple sexagénaire, avec ses rituels, ses petits travers que l'auteure nous révèle page après page. Multipliant les descriptions, de la maison où elle passe l'été, du potager, du bureau de Monsieur Lubisch, des randonnées en culottes de peau et chaussures de montagnes, la jeune Lorraine décrypte la langue, sans cesse, expliquant comment sont formés les mots en allemand, sans jamais oublier de les traduire pour ses lecteurs qui n'auraient pas fait allemand première langue (les plus jeunes sans doute). Avec le souci du détail, quand elle note les noms allemands des épices du jardin, quand elle évoque les chants et poésies populaires (La Lorelei) ou lorsqu'elle fait allusion au classique livre d'allemand que tous nous avons feuilleté plus ou moins fébrilement, le Spaeth et Real avec sa « couverture vert vif ». Oui, oui, je le revois très bien.
Bref, tout est précis et documenté même la vie politique ou défilent des nom très connus : Adenauer, Kiesinger, Willy Brandt et son Ostpolitik, la bande à Baader… Et petit à petit, tous ces morceaux d'Allemagne, s'agrègent telles les pièces d'un vaste puzzle saupoudrées de beaucoup d'émotion et forment un tableau plus que plaisant que viennent compléter d'autres images plus austères. Celles de l'Est que l'auteure découvre bien plus tard, sans avoir « le sentiment d'être surveillée », mais dont elle a pu voir « les incohérences et les insuffisances ». Elle ne juge pas, mais on perçoit son désenchantement quant à Berlin du haut de la tour de la télévision elle a vu le l'Est plongé dans la nuit alors que l'Ouest scintillait. D'un côté manipulation, obscurantisme et propagande et de l'autre, l'excès, le clinquant, la liberté. Toute la guerre froide résumée en quelques phrases. Dans un livre attachant qui nous permet de mieux connaître ce pays et ce peuple qu'on aime tant battre… au football.
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Ce qui m'a frappé d'emblée, c'est l'aisance du style de Laurence Gantois Domange, elle écrit bien, sans emphase, dans un français accessible à tous et un langage du coeur parfaitement clair car dénué d'hypocrisie, de grandiloquence sans se départir de passion et finalement d'une clairvoyance qui étonne jusque dans l'enthousiasme de la jeunesse et de son idéologie.
La première partie consacrée à ses expériences chez Margarete et Waldemar Lubisch représente l'illustration typique de ce qu'elle énonce dès le début de son écrit à savoir l'appréhension de la grande politique à travers le vécu d'une famille simple du Palatinat et de sa plongée dans ce milieu. Les odeurs, les perceptions et la langue du coeur donnent encore et toujours à son récit un côté très personnel et très pratico-pratique qui m'a fait penser à un petit fascicule que j'ai étudié à l'université "L'Allemagne dans votre poche", avec une accroche bien plus intime. J'ai adoré ses commentaires sur l'art culinaire de Frau Lubisch et le côté professeur Tournesol de Waldemar. le rapprochement des anciens combattants et la construction de l'Europe ont été des idéaux auxquels nous avons tous cru à l'époque et qu'elle décrit avec brio.
La question de l'attitude des vieux Allemands dans la période nazie est très bien posée. J'ai toujours ressenti un léger picotement lorsque je serrais la main d'un vieil Allemand et me suis posé souvent la question de savoir si ces mains-là n'étaient pas couvertes de sang....
La deuxième partie m'a beaucoup plus touché car elle rejoint complètement mes interrogations, à part le fait que ma famille a eu la chance de ne pas être déportée. La confrontation avec le socialisme réel et son adéquation avec l'idéologie libératrice du marxisme-léninisme, la naissance d'un homme nouveau, d'une société plus juste ne peuvent trouver qu'un écho favorable chez les jeunes qui frise à l'aveuglement et à l'idéalisme béat. Les questions que l'auteure se posait et les réponses qu'elle apportait ont fait mouche chez moi et, je le parie, chez l'ensemble de ses lecteurs. J'ai adoré l'image évoquée en fin d'ouvrage, du puzzle dont les pièces ne s'assemblent pas et ne s'assembleront jamais. Il y aura toujours des morceaux d'Allemagne où l'humanisme le plus fin sera condamné à côtoyer la barbarie la plus abjecte. Il ne nous reste plus comme choix que d'en prendre notre parti sans chercher à valoriser ou dévaloriser un phénomène par rapport à un autre.
La description que Laurence Gantois Domange fait de la RDA, de son peuple et de son régime politique est d'une grande justesse, justesse que tous ceux qui ont fréquenté ce pays d'un peu près ont pu ressentir. Je ne connais pas Erfurt mais la description qu'elle fait de Berlin est très fidèle.
Comme elle, j'ai ressenti la gêne vis-à-vis de ce système politique que j'ai défendu contre vents et marées et pour lequel j'éprouve encore de la nostalgie car je crois sincèrement qu'ils étaient sur la bonne voie malgré la dictature.
Pour finir, nous sommes à la recherche de notre jeunesse perdue et c'est bien cela qui nous fait nous émouvoir lorsqu'on évoque ce pays disparu.
Merci beaucoup pour ce moment passé avec cet auteure talentueuse et avec ce pays que nous aimons tant.
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10 OCTOBRE 2022, BLOG D'ELISE FISCHER, LILIAUFILDESPAGES
Mes Allemagnes, récit de Laurence Gantois-Domange, préface de Michel Quint, éditions L'Harmattan, collection Graveurs de mémoire

Dans un précédent ouvrage titré Geneviève, Laurence Gantois-Domange rendait hommage à sa mère (j'en ai parlé en juin dernier) d'une plume fine et sensible.
L'auteure ne s'est pas arrêtée à la femme qui, en quelque sorte, l'a en partie façonnée. Avec mes Allemagnes (avec un S, s'il vous plaît), elle décrit la très jeune lycéenne apprenant l'allemand en première langue et qui, le temps de plusieurs étés, va aller passer ses vacances à Traben-Trarbach, chez les Lubisch qui recevaient à quelques 160 km de Bouligny en Moselle des jeunes gens désirant se perfectionner dans la langue de Goethe.
Accueillie à bras ouverts par cette famille, Laurence découvre un autre pays, une façon de vivre un peu désuète d'une famille tendre, ouverte sur la nature, le sport, les chants, à tel point que Laurence parlera de cette femme, comme étant sa mère allemande (d'où sans doute le chagrin pour Geneviève, sa mère).
Laurence vibre au coeur de cette petite ville qui a été préservée des bombardements pendant la guerre et elle pense à son père qui fut envoyé en Allemagne dans le cadre du STO et qui, malgré les difficultés, ne retint que le rire, les filles d'Allemagne, alors que sans doute la réalité avait pu être difficile, même si ce n'était pas les camps de déportés ou d'extermination.
Chez les Lubisch tout était raffinement, beauté, sourire. Dans le coeur de Laurence, c'est l'émotion. Elle en est sûre, elle sera professeure d'allemand.
Quelques années plus tard, sa curiosité et ses engagements très à gauche, la poussent à aller plus à l'Est, une partie courageuse de cet ouvrage, car elle écrit quasiment ne pas vouloir regarder la réalité qui s'offre à elle. La dictature de l'Est, ce qu'elle produit sur les habitants… À Berlin Est, elle rencontre dans le cadre d'échanges universitaires, de jeunes Polonaises, des Russes (certaines sont mariées) et elle admire leur besoin de liberté, quitte à s'offrir des aventures extra-conjugales. Laurence aime tant l'Allemagne, la langue, les chants, (elle évoque Brecht et Weill) qu'il y a comme un écran, sans doute, le même que mit son père sur ses souvenirs dans les années 42 au STO. On ne garde que le meilleur. Si elle trouve que la chute du mur, c'est bien, la joie est loin d'être démesurée. Quelques réserves subsistent… Pour elle, le géant de l'Ouest a absorbé un pays moribond.
En conclusion, l'auteure écrit qu'on ne peut pas parler d'une ou deux Allemagnes, mais d'un pays multiple qui l'a profondément marquée et a fait d'elle ce qu'elle est devenue, une femme engagée et qui a tenté au cours de son métier de transmettre les belles histoires comme les monstruosités.

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Très beau récit,excellent même !
À travers son histoire personnelle, l'autrice nous parle de la grande Histoire, celle des deux Allemagnes : la RFA et la RDA. En 1961, l'autrice, jeune adolescente découvrait l'Allemagne de l'Ouest, parmi la famille Lubisch, sa famille de coeur, famille attachante et aimante. Huit ans plus tard, jeune fille, elle parcourait l'Allemagne de l'Est avec l'enthousiasme d'une jeunesse avide d'idéal égalitaire, sans y voir d'emblée les dysfonctionnements et la censure sous-jacente de la société.
Mais c'est plus qu'un récit car on s'identifie à cette jeune adolescente, puis jeune fille, comme dans un roman d'apprentissage qui a fait d'elle une femme accomplie, amoureuse de la langue allemande. Comme toujours chez Laurence Gantois Domange, dont j'ai lu le premier livre « Geneviève » dans lequel elle fait revivre sa mère aujourd'hui disparue, les personnes prennent l'épaisseur de personnages et évoluent dans un environnement qui nous devient familier.
Beaucoup de sensibilité transparaît dans ce livre qui nous porte en empathie avec son autrice car elle fait ressurgir du passé des souvenirs lumineux, les siens, mais aussi ceux de ses parents : un père, qui malgré le STO en Haute-Silésie y retrouvait sa jeunesse, une mère quelque temps institutrice dans l'Allemagne d'après guerre …. Une filiation en quelque sorte dont elle se revendique.
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