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EAN : 9782492895104
48 pages
Labyrinthe[s (11/12/2023)
5/5   1 notes
Résumé :
"Les nagas sont les esprits des eaux salées comme des eaux douces, des eaux extérieures comme des eaux intérieures. Par le poème, nous nous familiarisons avec leur existence, en douceur, suivant les pas de la poétesse qui, elle aussi, « avai[t] perdu / ce contact délicat / des dizaines d’années sans voir / sans ressentir ».

Écrire et lire de la poésie comme celle d’Amandine Gouttefarde-Rousseau est une façon d’aiguiser les « perceptions subtiles ». A... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (1) Ajouter une critique
Je ne le répèterai jamais assez mais s'installer confortablement dans un fauteuil et lire à la lampe d'un soir hiémal un nouveau recueil d'Amandine Gouttefarde-Rousseau relève de l'authentique plaisir livresque, cher aux souvenirs d'enfance, lorsqu'on découvrait le monde des livres et se perdait des heures durant entre les pages d'une histoire qui nous habitait tout entier…
Ainsi avec « Nagas », ai-je retrouvé ce bonheur intime et incomparable de me plonger au coeur d'une légende contée ici avec ardeur et sensibilité par Amandine, qui ne cesse d'inventorier de manière pénétrante un cheminement spirituel qui l'anime depuis maintenant de nombreuses années et lui donne à grandir, à s'élever tout en éclairant par le truchement de son verbe le propre chemin intérieur du lecteur… et qu'importe que celui-ci soit dans une démarche spirituelle ou non, car le propos d'Amandine sait se faire pluriel et ouvert offrant ainsi plusieurs niveaux de lecture et donc de compréhension.
« Nagas » ce sont ces êtres mythiques venus de l'hindouisme, mot qui veut également dire serpent. Les nagas sont les gardiens de la nature, ces esprits rattachés à l'eau, qui apportent la prospérité. Ces créatures serpentines lorsqu'elles sont en colère peuvent répandre le malheur, la maladie ce qui en faisaient et en font toujours des esprits craints par le commun des mortels croyant en leurs pouvoirs.
Tout le long de ce nouveau recueil, Amandine brosse en parallèle un portrait sans équivoque de l'état de l'eau sur notre planète, constatant combien les rivières, les fleuves, les étangs, les lacs, les cours d'eau de toutes sortes ont souvent été pollués, détournés, asséchés par la main de l'homme et les abus de notre ère industrielle et moderne, mettant en danger l'équilibre même de la terre, faisant fuir les « nagas » et nous coupant des esprits de l'eau, et le portrait de son lien à l'eau depuis qu'elle est petite fille et de sa redécouverte assez effrayante des nagas et de façon plus générique des esprits lorsqu'est venu pour elle le temps de « l'oeuvre au noir »… *
Si « Nagas » nous offre la possibilité de faire plus ample connaissance avec les esprits de l'eau, il nous permet aussi et surtout à en saisir toute la dimension spirituelle en appréhendant nos peurs intérieures, en les apprivoisant pour s'en faire des alliées et non des ennemies ; car il s'agit bien de conscientiser que nous portons en nous les réponses et que les manifestations extérieures, qu'elles soient douces et prospères ou terribles et douloureuses, ne sont que le reflet de notre intériorité. D'ailleurs Amandine évoque avec beaucoup d'à-propos la kundalini que l'on identifie par ce serpent de feu lové dans notre corps qui s'éveille souvent brutalement, et qui n'est autre qu'une énergie de vie puissante qui une fois domptée s'avère source d'harmonie et de reliance au Tout.
Avec « Nagas », Amandine Gouttefarde-Rousseau poursuit la reconquête de sa féminité, mettant en lumière par sa poésie dépouillée et essentielle, la nécessité à s'extraire de ces sociétés patriarcales où la femme est devenu objet lorsque ce n'est pas esclave d'un masculin égocentré et tout puissant, il n'est pas question ici de faire le procès de l'homme mais bien de retrouver un juste équilibre entre nos polarités féminine et masculine d'abord pour induire ensuite un changement véritable à l'échelle du collectif.
Lorsqu'on observe et se relie à l'eau qui coule, court, cascade, fait fi des barrages de pierres, des remous, on ressent en soi ce mouvement de vie qui est plus fort que tout, on sait intuitivement qu'il ne sert à rien de chercher à le contrarier, le contourner, il nous suffit de le suivre, d'entrer dans son flow pour faire corps avec lui, et donc avec le Vivre… C'est ni plus
ni moins le message que « Nagas » infuse en nous et dont Amandine se fait la voix, vibrante et envoûtante.
A noter la très belle illustration de couverture signée Mathilde Foignet et la pertinente préface de Mélanie Leblanc.

Nathalie Lescop-Boeswillwald
Directrice de « Les Amis de Thalie » revue littéraire et picturale
Poète, critique, Docteur en Histoire de l'art
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Citations et extraits (4) Ajouter une citation
"On ne compte plus les rivières disparues de leur lit, les sources taries ; dans de nombreux lacs, les cyanobactéries ont tout envahi, on ne s’y baigne plus, les chiens qui s’en approchent sont en danger. Une forme de sidération peut s’emparer de nous, qui nous laisse sur le rivage, bras ballants. Les discours écologiques ne suffisent pas pour dire tout ce qui meurt avec l’eau. Avec Nagas, le constat va plus loin : « quelques années après / la forêt avait été rasée / le cours d’eau avait disparu / tout était mort // l’esprit était parti ». Certes, on peut toujours « prendre des cours de sirènes / acheter une queue en plastique / sur internet », mais pour rencontrer les esprits de l’eau, il est préférable de plonger dans la lecture de Nagas.
Les nagas sont les esprits des eaux salées comme des eaux douces, des eaux extérieures comme des eaux intérieures. Par le poème, nous nous familiarisons avec leur existence, en douceur, suivant les pas de la poétesse qui, elle aussi, « avait perdu /ce contact délicat / des dizaines d’années sans voir / sans ressentir. » Écrire et lire de la poésie comme celle d’Amandine Gouttefarde-Rousseau est une façon d’aiguiser les « perceptions subtiles ». Ainsi les nagas peuvent-ils être apprivoisés, ne plus prendre les « formes effrayantes » nées de notre ignorance. Plus encore, Nagas nous invite à nous souvenir de la présence disparue des esprits de l’eau, à les saluer et à les honorer : « écrivez à Soucouna / ses louanges // juste pour être agréable au fleuve ».
Une façon de se relier, au plus éloigné dans l’espace et le temps – à travers la référence au mythe ou à la langue grecque avec « les petits potami » – comme à l’infiniment petit en soi. En effet, la troisième section du recueil propose de laisser travailler pour nous les « lutins intérieurs ». Une invitation à expérimenter également ce que l’on appelle la montée de kundalini, « le serpent de feu / lové dans le sacrum / depuis la naissance ».
Lire Nagas est traverser à la fois une expérience intime et une expérience politique. Les nagas ont dérangé l’Église, la femme serpent a été diabolisée, leur rendre honneur est aussi, pour la poétesse, retrouver sa place : « aller à la pêche /de tout ce qui avait été chassé de moi ». Pour ce faire, elle nous rappelle la force incantatoire du verbe :
« la source ne se tarit pas
tant que le nom de la Vouivre est prononcé
même avec crainte »
Ainsi, Nagas confère à la langue un pouvoir qui nous permet de sortir de la sidération. Le poème serait une façon de retrouver la langue de l’enfance : « Avant je disais toujours bonjour à l’eau /même quand je ne savais pas encore parler ». Retrouver aussi une forme de culte païen, puisque la poétesse déplore, à propos des dauphins et des baleines : « nous avons perdu leur culte / notre amitié s’est éteinte ». Retrouver notre ancienne complicité, par la langue : « Je cherche les noms anciens des fleuves /des rivières / pour être plus familière ». Le poème se fait poignée de main, comme dirait Celan, pour partager l’expérience intime et l’éveiller chez l’autre si elle est ensommeillée : « J’espère que les autres ressentent ça aussi ».
Puisse la lecture de Nagas éveiller nos sources intérieures. "
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Je ne peux pas oublier les yeux lagons
ou plutôt vert glauques
c’est-à-dire glauques comme la mer
d’Alkinoos
et le visage mangé par un chant

Καίγομαι καίγομαι
Ρίξε κι άλλο λάδι στη φωτιά
Πνίγομαι πνίγομαι
πέτα με σε θάλασσα βαθιά

Je brûle je brûle
Lance encore de l’huile dans le feu
Je me noie je me noie
Jette-moi dans la mer profonde
Thalassa dans la voix d’Alkinoos
c’est la mer grecque
et éternellement couleur de mer

c’est un soir en bas de Delphes
sur un petit bout de plage

J’imagine toujours qu’on me jette
dans ce bout de mer-là
quand il chante cela
celui-là précisément
et aussi
quand il chante

comme un éclair dans le ciel

astrapi ston ourano
astrapi dessine l’éclair
derrière la colline face à Delphes
ouranos ciel éternel
de mes Grecs
glauques

la mer ne reflète jamais que les couleurs
du ciel
est une échappée vineuse
de ce ciel changeant
où volent toutes ces divinités
qu’on n’attrape jamais
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Pour désenflammer
je pense aux ondins
je les vois passer
dans les articulations

avec des bancs de poissons
qui se dispersent dans les tissus

qui font pschittt
sur la brûlure
la foulure

poissons qui brillent
tournent et envahissent le corps

et l’ondin devient argent
humide et agile
se faufile partout

emmène avec lui
du cartilage de crabe
pour boucher les trous

C’est la guérison par la mer
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Des galets
avec des trous
que la marée
exhume des profondeurs

Me rappellent les colliers de coquillages
de la classe de mer
les colliers des Sauvages
qui rendent lourd et grave
le corps des danseurs

Plus près de la Terre
toujours plus près
avec des pierre dans la poche de mon manteau

Il fait encore froid en avril

et juste entre la terre et le ciel
et l’Eau

ce trou de galet
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