Le Moyen Âge. 10 siècles de profonds changements sociétaux marqués par la féodalité et le christianisme. C'est, personnellement, une période de l'Histoire qui me fascine depuis mon enfance. Et je suis la première scandalisée par les raccourcis que l'on fait souvent à son sujet : violence, obscurantisme, vie sombre et sale… Bref, une époque souvent – mal – représentée sur nos écrans et qui subit donc des préjugés difficiles à effacer.
Heureusement, certains auteurs (historiens ou passionnés) tentent de rétablir la vérité, on ne peut que les en remercier.
Alors une société principalement patriarcale pour les royaumes d'Occident oui, mais des femmes ont quitté l'ombre pour gouverner, pacifier, se rebeller, se travestir, organiser des évasions et des meurtres, aimer… bref, pour vivre un semblant de liberté.
Elles s'appelaient Isabelle, Marie, Chrodielde, Audr ou Gerberge. Elles vivaient dans le royaume de France, en Angleterre, en Espagne ou en Norvège. Elles étaient reine, prostituée, nonne ou mercenaire. Elles étaient adolescente, mère ou ancienne. Elles étaient femmes dans une société européenne dominée par les hommes.
Elles ont souvent subi des outrages, ont souvent été manipulées et placées dans des situations qu'elles n'avaient évidemment pas choisies. On peut rarement parler de vie heureuse pour les femmes que l'on rencontre dans ce recueil mais si leurs histoires ont traversé les siècles, c'est qu'elles ont su s'imposer, d'une façon ou d'une autre, dans un monde essentiellement masculin, vécu par des hommes, raconté par des hommes.
Stéphane William Gondoin propose 20 portraits assez étonnants, contés avec clarté, simplicité et humour. Il n'hésite pas à replacer son récit en contexte, précisant régulièrement – et encore une fois avec beaucoup d'humour et d'ironie – que les témoignages qui nous parviennent ont souvent été rédigés par des hommes (religieux) qui n'avaient qu'une bien piètre estime des femmes. Il prend parti et apporte souvent beaucoup d'humanité aux propos très froids (et négatifs donc) qui ont traversé les siècles. Il nous parle de ces héroïnes comme des êtres de chair et de sang, leur prête des sentiments et émotions (crédibles) et explique ainsi leurs agissements avec une certaine tendresse et même admiration.
A noter que chaque portrait contient à chaque fois une petite carte, un arbre généalogique et une « flèche du temps » pour le contexte ; une bibliographie pour ceux qui auraient envie d'aller plus loin. C'est l'équilibre parfait entre la vulgarisation grand public et le travail minutieux d'historien.
C'est un recueil documenté mais qui n'est jamais indigeste. L'auteur fait preuve d'une grande fluidité et apporte de la légèreté grâce à des anachronismes utilisés à bon escient, toujours là pour aider la comparaison et étayer son propose. Les néophytes trouveront donc ici un titre abordable, les historiens aguerris s'amuseront des anecdotes particulièrement bien racontées.
Et parce que la grande Histoire est souvent liée à la petite dans la littérature,
Stéphane William Gondoin nous offre un bel entracte – en plein milieu du recueil – dans lequel il revient, encore une fois avec beaucoup d'humour et d'intelligence, sur les figures féminines que l'on peut trouver dans le Roman de Renart, une des oeuvres littéraires les plus connues du Moyen Age… et certainement écrite par des religieux, encore une fois ! Des portraits de femmes caricaturaux, des farces et surtout la satire sociale d'une époque !
Intéressée par le sujet, je doutais pourtant de la légèreté de ma découverte. J'imaginais un essai scientifique un peu indigeste, bien que passionnant. Alors oui, passionnante et documentée cette lecture l'a été… mais jamais indigeste, ça non !
Stéphane William Gondoin fait preuve d'une grande fluidité dans son récit, notamment grâce à l'humour utilisé (les anachronismes) ; c'est un régal à parcourir ! Un grand merci pour ces 20 beaux portraits qui offrent une nouvelle visibilité à ces femmes bien trop souvent oubliées.
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