Les éditions Treville, japonaises, contrairement à ce que leur nom pourrait laisser croire, publient de très jolis livres d'art pour qui aime la noirceur et l'étrangeté. Je ne suis pas familière de l'ensemble de leur catalogue mais ceux que je possède, les livres d'art de
Takato Yamamoto et le magnifique
The Doll de
Hans Bellmer, sont de petits formats très soignés que ce soit au niveau de leur mise en page ou de l'objet en lui-même.
The Doll Bride of Frankenstein d'
Etsuko Miura, relié sous jaquette et dédicacé, dont le format réduit (environ 16 x 22 cm) contribue à lui donner un caractère intimiste, ne déroge pas à cette règle. Dans ses 128 pages alternent les photographies noir et blanc et couleur des ball-jointed dolls de l'artiste, chaque oeuvre ou série étant présentée par un portfolio.
Les photographies d'Atsushi Tani, qui magnifient et dissèquent les poupées un angle après l'autre et saisissent en gros plan les cicatrices comme le mariage dérangeant de la chair et du métal, ainsi que les mises en scène de ces créations parmi des instruments médicaux en inox d'apparence ancienne, bacs métalliques aux allures de tables d'autopsie, clamps, seringues et loupes, dessinent une atmosphère oppressante et servent l'évocation d'expérimentations cruelles dont les poupées sont le résultat.
Ces dernières sont pour la plupart d'apparence juvénile : fillettes et adolescentes surtout. Quelques-unes, enceintes, semblent plus « âgées » : leurs ventres distendus forment un contrepoint douloureux à leur extrême maigreur. Les corps des poupées, aux membres difformes, trop longs, aux bustes trop étroits et bosselés par leurs côtes, nous sont présentés morcelés, tronqués, scarifiés, amputés. Des agrafes métalliques couturent les chairs, parent la série des Doll Brides à l'instar de dentelles ou de bijoux, fixent des bandes de peau successives donnant à certaines créations aux membres amputés des allures de chenilles, ferment des yeux ou des vulves proéminentes.
Le plus saisissant est peut-être le contraste entre ces corps malmenés, dont il ne reste parfois que la tête, et les expressions des visages, très travaillés, dans leur forme comme leur coloration subtile, dont les yeux et les lèvres apparaissent humides, qui n'évoquent ni douleur, ni peur, ni résistance, mais plutôt une forme d'apaisement. On lit dans leurs yeux une certaine résignation, peut-être, quand le photographe choisit de faire se croiser le regard du spectateur et celui de l'objet à apparence humaine. Mais qu'y a-t-il à voir dans les yeux d'une poupée, sinon ce qu'on y projette ?
(quelques illustrations sur le blog)
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