À peine refermé, ce livre hante les pensées.
On quitte Paul, le je qui raconte, presqu'à regret tant ses mots ont percuté et provoqué des remous.
Au-delà de l'histoire personnelle douloureuse, en quête continuelle, il y a l'histoire des hommes, de leur place indécise dans une société qui les nargue et les oublie.
Hommes et femmes travailleurs, logés dans un extérieur pavillonnaire répétitif…
Hommes et femmes repoussés dans un extérieur plus lointain, la Cité, où l'avenir, dès le début de leur vie, semble condamné à quelques exceptions près.
Classe moyenne, d'où s'échapper est difficile et si cela advient, crée un fossé qui risque de s'approfondir.
Le héros de l'histoire subit les conséquences de sa réussite et se retrouve en « lisière » de son milieu familial, de son ancien cercle de vie et surtout de lui-même.
Au bord de tout jusqu'à ne plus savoir où ni comment être.
Il y a des descriptions dures voire noires mais qui reflètent une réalité observée avec une lucidité impitoyable qui fait mal voire qui peut choquer certains.
Il y a aussi des interventions cruelles et réalistes sur le ressenti des livres qu'écrit Paul, incompréhension, trahison…
Il y a l'amour pour sa femme perdue, la jalousie, la violence.
Il y a l'amour pour ses enfants, bouées de sauvetage lorsque la Maladie tourne autour de lui et en lui.
Il y a parfois une cruauté (l'amie retrouvée), un égoïsme maladif qui le rend absent aux autres, la difficulté de communiquer, le silence familial, trop de non-dits…
Il y a un regard impitoyable sur
les journalistes, le milieu parisien côtoyé, la société endormie par la médiocrité (émissions, livres, consommation…).
Il y a des passages sur le racisme de bistrot, les lieux communs, les jugements hâtifs (sur les bobos par exemple), la politique, etc… qui montrent un fonctionnement de degré zéro de la pensée.
Puis il y a la magie de la nature, les ciels illuminés, la couleur de la mer en contraste de la grande ville et de la ville insipide, incolore, banale de l'enfance où déjà il se démarquait par ses attirances et ses goûts musicaux, de lecture, de cinéma.
Mais… « On n'est pas innocent quand on dérange la société » -
Balzac.
Il y aussi beaucoup d'alcool, de médicaments… et la séance avec un psy caricaturé?
Magistral!
Le livre ne laisse pas indifférent, des phrases happent, touchent, mordent, émeuvent, font sourire et surtout font réfléchir.
Le style coule simple et sans fioritures, le narrateur est installé face à nous et lance sa logorrhée qui atteint son but : dire les choses, montrer et démontrer la superficialité, la dangerosité et surtout la difficulté du vivre ensemble.