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EAN : 9782815930420
180 pages
L'Aube (06/09/2018)
4/5   1 notes
Résumé :
Ce livre est un dialogue entre Jean-Paul Alduy, sénateur-maire de Perpignan, ville des records nationaux de pauvreté, de chômage, de criminalité, de diversités culturelles, et le sociologue Alain Tarrius, qui étudie les formes et destinées de la mosaïque cosmopolite de cette ville. La ville de Perpignan est abordée sous toutes ses coutures, "par le haut" (réseaux culturels mondialisés, développement culturel, transformations urbaines...) et "par le bas" (économies s... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (1) Ajouter une critique
Archipel et stratégies de contournement et de retournement des assignations

« La ville de Perpignan est abordée sous toutes ses coutures, « par le haut » (réseaux culturels mondialisés, développement culturel, transformations urbaines…) et « par le bas » (économies souterraines, trafics de drogues…) »

Dans sa préface, Jean Viard indique que les auteurs n'ont ni écrit un livre ensemble, ni fusionné leurs regards, « Non ils ont écrit côte à côte et confronté leurs lectures »

Cette confrontation offre l'avantage de faire ressortir des creux et des évitements dans les politiques municipales, la difficulté de prendre en compte les multiples éléments structurant la vie des citoyen·nes, les impasses cognitives faute de larges débats politiques…

Dans leur avant-propos, Jean-Paul Alduy et Alain Tarrius indiquent, entre autres : « Tous deux avons retenu des odeurs, des couleurs, des nuances de gris, des scènes de rue, et nous sommes attachés aux personnes côtoyées. C'est dans ces proximités que nous avons construit nos adolescences, nos sensibilités sociales ». Ils expliquent ce que pourrait signifier la notion d'« Archipel », « Singularité des îles, comme autant de populations affirmant leur proximité de vie, et de solidarité de tous autour d'un destin commun », la place de deux communautés importantes, les « Marocains » « récente et active « minorité migratoire » » et les « Gitans » « plus pauvres et anciens résidents catalans ».

J'ai de substantielles divergences avec Jean-Paul Alduy, que ce soit en termes d'analyses que de choix politiques dans la gestion municipale. (des éléments politiques sans nommer le capitalisme, les classes sociales, le système de genre, etc.). Il me semble cependant plus intéressant de souligner certains éléments partagés. L'auteur parle de comprendre l'économie urbaine et le fonctionnement des groupe sociaux et de la non-formation sur ces sujets de l'ingénieur-urbaniste, de la cité fragmentée, de mosaïque sans ciment, des dogmes de l'« intégration-assimilation », de l'apprentissage de la langue catalane, duréseau de villes, de l'aggravation des moyens et des temps de déplacement domicile-travail, de lecture réductrice de la laïcité, d'absence de lieux décents de culte pour les musulman·es, des questionnements « impropres à élucider les interactions multiples de la société urbaine et de ses tensions », des exclusions sociales, de l'islamophobie… Il aborde aussi sa lecture des analyses d'Alain Tarrius sur la société gitane, sur la communauté marocaine, sur l'ampleur de l'économie « poor to poor », sur les réseaux mafieux russo-géorgiens contrôlant le marché de l'héroïne et de la cocaïne, sur le trafic d'êtres humains et la prostitution…

Il remarque « Ainsi, je m'intéressais moins à la vie interne des communautés qu'à leurs relations aux autres et à leurs projections extérieures. Ce fut une force pour combattre l'esprit des frontières, mais une faiblesse pour comprendre les spécificités des groupes sociaux, des îles… »

La partie écrite par Alain Tarrius s'intitule : « Perpignan laboratoire social. Deux populations témoins, Gitans et marocains. Frontières politiques et frontières morales ».

L'auteur s'est attaché « à lire les turbulences et les potentialités de populations pauvres, aux contours désignés ou revendiqués comme communautaires, les Gitans catalans et les Marocains de Perpignan, dans le contexte cosmopolite d'un autre Archipel, social et imprévisible ». Je partage sa position sur l'évaluation des exécutifs politiques à « leur attitude vis-à-vis des populations les plus désavantagées, classes sociales comme groupes d'origines spécifiques » et à « l'étude des possibles résiliences de populations désignées comme marginales, notamment par leurs initiatives en mobilités ». Il ne s'agit ni d'enfermer des populations dans des « particularités » ni de nier leurs potentialités. Favoriser les auto-organisations et auto-déterminations doit être au centre des politiques municipales, et non le clientélisme ou la confiscation des décisions au nom d'une élection périodique.

Alain Tarrius développe autour de la notion d'« espace moral » transversal aux nations. Il aborde notamment, les mobilisations des milieux gitans contre la toxicomanie, les jeunes mères gitanes, les conjugaisons entre mobilités et sédentarités, l'espace Perpignan-La Junquera-Sitges-Andorre structuré par le commerce de femmes et de drogues, l'apparition « localement et internationalement, d'une population marocaine circulante et commerçante ». Il rappelle que « les Gitans de Perpignan sont citoyens français de très longue date et les Marocains sont généralement des binationaux conscients de leur double statut ».

Il consacre un chapitre aux « mobilités gitanes », aux métiers exercés de longue date, au commerce « poor to poor » comme forme de mondialisation, aux pôles de santé (Barcelone, Toulouse, Montpellier, Gênes-Turin), aux « arbres gitans qui cachent la forêt des payos », au Gitan devenu l'étranger ou « l'alter radical », au cosmopolitisme des « gens de la route »… Un monde vivant et actuel, loin des clichés stigmatisants et essentialisants.

Un autre chapitre traite du transnationalisme migratoire et des réseaux – « devant être lus comme liens économiques-et-sociaux le long des territoires transfrontaliers unifiés par les mobilités des transmigrants commerciaux » – de marocains, des socialités jamais réductibles aux dimensions religieuses, « Les différences attachées à l'ethnicité en sont de plus en plus bannies dès lors que se manifeste cette éthique sociale intermédiaire ; en somme, l'identité commune à tous les arpenteurs des territoires circulaires est faite de la plus grande interaction possible entre altérités… Ainsi naissent de nouveaux mondes cosmopolites et, souvent, des métissages, lorsqu'il y a installation d'un transmigrant sur la route », des territoires circulaires des transmigrants européens, des « docteurs égyptiens », de la concentration-diffusion des richesses. « Les temps de l'entre-deux, du déplacement sont pleins, favorables aux rencontres, aux découvertes, à la production de rapports sociaux originaux ». L'auteur ajoute que les catégories de l'é-migration ou de l'im-migration font moins sens pour rendre compte de nouvelles formes urbaines. le terme trans-migration est plus adapté. « Nous tentons de penser l'urbanité comme expression d'un temps social et non comme une forme spatiale qui imposerait des conduites aux populations résidentes. Il s'agit d'une problématique ouverte, pour concevoir mobilité et territorialité comme phénomènes articulés et explorer, à leur croisement, les formes et les systèmes de liens qui s'y fabrique ». Cela me semble un apport incontournable pour repenser les politiques territoriales.

« Moral aera » transfrontalière, « Perpignan-La Junquera, centralité criminelle », les placements rentiers de français dans le « dispositif prostituto-psychotropique », les investissement dans les puticlubs légaux, le blanchiment d'argent, le visible/masqué et le souterrain/officiel, les mercenaires des milieux criminels internationaux, le dressage de femmes et leur double fonction de prostituée et de dealer, les bordels et leurs ramifications, la déstructuration d'un département et de son chef-lieu, la prostitution et la diffusion des psychotropes, les virées de jeunes, « Dans les Pyrénées-Orientales, la frontière politique avec l'Espagne est effacée, absorbée par la frontière morale, trafics de femmes et de psychotropes, depuis La Junquera jusqu'aux portes du département de l'Aude.Ce d'autant plus facilement que l'omerta clientélique locale invisibilise l'omerta mafieuse ». Une preuve de plus que la prostitution ne peut être abordée sur le registre de relations inter-individuelles « consenties », mais bien comme un rapport social imbriqué aux autres rapports sociaux, asymétrique et de domination/exploitation très majoritairement au seul bénéfice des hommes.

Alain Tarrius reviens au projet d'Archipel, « Les Gitans et les Marocains ne sont pas d'abord des populations fracturées de la société qui les entoure, pas plus qu'immobilisées par des communautarismes archaïsants : elles prouvent leurs capacités de résilience par autant de mobilités que d'initiatives d'autant plus efficientes que la société alentour refuse de les voir ». Il souligne que la « zone de moeurs » déjà décrite est ravageuse pour bien des jeunes et captatrices d'investissements qui seraient bien nécessaires à l'Archipel…

En conclusion, Jean-Paul Alduy et Alain Tarrius formulent des questions croisées, reprenant certains thèmes traités, ajustent leurs connaissances. Je souligne la question des élu·es de quartier.

Rachid Id Yassine propose une postface « Perpignan, d'une île à l'autre : Marocains et catalanité urbaine ».

Une ville, des populations, des politiques urbaines, encore faut-il appréhender les réelles singularités et autonomies des populations (confère les analyses d'Alain Tarrius)…

Reste une question, que je pose maintenant à toustes les auteurs et autrices, pourquoi ne pas utiliser une écriture plus inclusive ? – le point médian, l'accord de proximité, les habitant·es, les résidant·es, pour rendre visibles les unes et les autres, les iels et toustes. Sans oublier la nécessaire prise en compte du prisme du genre pour analyser les politiques de la ville.

Lien : https://entreleslignesentrel..
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Citations et extraits (7) Voir plus Ajouter une citation
La ville de Perpignan est abordée sous toutes ses coutures, « par le haut » (réseaux culturels mondialisés, développement culturel, transformations urbaines…) et « par le bas » (économies souterraines, trafics de drogues…)
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Les différences attachées à l’ethnicité en sont de plus en plus bannies dès lors que se manifeste cette éthique sociale intermédiaire ; en somme, l’identité commune à tous les arpenteurs des territoires circulaires est faite de la plus grande interaction possible entre altérités… Ainsi naissent de nouveaux mondes cosmopolites et, souvent, des métissages, lorsqu’il y a installation d’un transmigrant sur la route
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Nous tentons de penser l’urbanité comme expression d’un temps social et non comme une forme spatiale qui imposerait des conduites aux populations résidentes. Il s’agit d’une problématique ouverte, pour concevoir mobilité et territorialité comme phénomènes articulés et explorer, à leur croisement, les formes et les systèmes de liens qui s’y fabrique
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Les Gitans et les Marocains ne sont pas d’abord des populations fracturées de la société qui les entoure, pas plus qu’immobilisées par des communautarismes archaïsants : elles prouvent leurs capacités de résilience par autant de mobilités que d’initiatives d’autant plus efficientes que la société alentour refuse de les voir
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Dans les Pyrénées-Orientales, la frontière politique avec l’Espagne est effacée, absorbée par la frontière morale, trafics de femmes et de psychotropes, depuis La Junquera jusqu’aux portes du département de l’Aude.Ce d’autant plus facilement que l’omerta clientélique locale invisibilise l’omerta mafieuse
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