Crépuscule à Delhi est un très beau livre, plein de mélancolie, et parfois même de tristesse, et que traversent de temps à autres des moments joyeux.
Ecrit en 1966 et publié en français en 1989 seulement,
Crépuscule à Delhi retrace une décennie importante dans l'histoire de l'Inde, les années entre 1910 et 1920 qui ont vu émerger les mouvements qui mèneront à l'indépendance du pays.
A travers l'histoire d'une ancienne et riche famille musulmane de Delhi, et son lent déclin, c'est le déclin de la ville qui nous est conté : la toute fin de l'Inde moghole, qui jette ses derniers feux à travers des fêtes de mariage somptueuses, le poids, de plus en plus lourd, de la puissance anglaise, l'effacement progressif de la culture indienne devant un mode de vie occidental, et la détestation croissante des habitants de la ville envers les Anglais, face à ces changements.
Ahmed Ali, né à Delhi en 1910, arrive merveilleusement à nous transmettre la nostalgie pour ce Delhi dans lequel, si les enfants font - comme aujourd'hui encore - voler leurs cerf-volants, les adultes n'élèvent plus de pigeons pour leur apprendre à effectuer de gracieuses chorégraphies dans le ciel de la ville.
Sa plume nous amène à faire nôtre l'indignation des habitants de Delhi face à la destruction de leur ville par les Anglais qui ont décidé de construire une nouvelle Delhi - la New Delhi d'aujourd'hui - abattant les murailles de la ville (qui pourtant la protégeaient du vent), remplaçant les égouts souterrains de l'époque moghole par des conduits à ciel ouvert (une aberration évidente pour n'importe qui) rasant maisons et vieilles ruelles pour y percer de larges avenues rectilignes.
C'est plein de mélancolie à notre tour que l'on referme
Crépuscule à Delhi (dont on se dit qu'il y a là véritablement matière à un superbe film) mais le sourire aux lèvres cependant, tel l'orpailleur qui, dans le flot boueux de productions éditoriales médiocres et de peu d'intérêt, vient de trouver une magnifique pépite.