AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet
3,52

sur 48 notes
5
4 avis
4
4 avis
3
4 avis
2
1 avis
1
1 avis
°°° Rentrée littéraire # 18 °°°

Royaume-Uni. Une jeune femme embauche une détective privée pour retrouver son compagnon qui a disparu après un voyage à Paris. Point de départ qui semble bien paresseux pour un polar. Sauf que Conquest est un roman de haute volée qui propose une expérience ( c'est vraiment le mot juste ) audacieuse, très éloignée du mainstream littéraire, tour à tour ludique, lucide, cérébrale, inquiétante.

L'intrigue centrale est donc une enquête, à la fois catalyseur qui propulse le lecteur dans des directions inattendues, et ossature à un structure fragmentée parsemée de nombreux textes interstitiels ( notamment des essais sur le cinéma ou la musique ), et tout particulièrement une nouvelle de SF ( totalement inventée par l'autrice ) qui aurait été écrite dans les années 1950 et obsède le disparu, Franck. La Tour raconte comment la Terre a vaincu la planète Gliese. Pour célébrer la victoire et commémorer les nombreux soldats morts, une tour résidentielle est construite à partir d'une roche extra-terrestre prélevée sur Gliese, une roche qui semble vivante et menace l'écosystème terrestre.

On découvre la personnalité de Franck à travers le portrait qu'en dresse sa compagne à Robin, la détective : « C'est comme s'il était au bord d'un précipice et qu'il risquait à chaque instant de tomber parce qu'il est trop occupé à contempler le ciel, les étoiles, les montagnes au loin. » Franck est un génie des mathématiques et du codage informatique, sujet à la maladie mentale, obsédé par Bach ; il fréquente un forum complotiste ufologique qui considère La Tour comme une prophétie codée qui est en train de se réaliser, une guerre interstellaire et l'invasion extra-terrestre ayant commencé, évidemment caché par les gouvernements.

Conquest renvoie une image inquiétante de notre monde avec une sous-couche qui presque être lue comme une allégorie de la crise COVID. C'est le grand roman de l'anxiété, ici représenté par l'obsession complotiste

« La réalité fait peur, surtout avec le changement climatique, surtout depuis la pandémie. Croire aux extraterrestres, c'est comme croire en Dieu : soudain il y a une explication pour tout ce qui va mal dans le monde. Soudain il y a une cause en laquelle vous pouvez croire, une famille toute faite (...) le déclin de la spiritualité et l'essor de la société laïque ont conduit à la fragmentation des systèmes de croyance établis en une multitude de micro-religions.(...) Les théories complotistes sont la nouvelle religion : un systèmes de croyance postmodernes fondés sur un mysticisme ésotérique. »

La proposition est complexe, exigeante du point de vue intellectuel mais terriblement stimulante, conservant le lecteur engagé même dans les moments où il n'y voit pas clair. Nina Allan est parvenue à induire une lecture paranoïaque, en tout cas très proche de la vision du monde de Franck et ses amis complotistes. Même la voix rationnelle du récit, celle de l'enquêtrice, est ébranlée par ce qu'elle découvre sur la disparition de Franck et sa propre histoire personnelle. L'incertitude est permanente, jusqu'au dénouement, proposant un double scénario d'élucidation. le lecteur est sur ses gardes, avançant dans le labyrinthe des vérités cachées du complotisme et du récit.

Ce roman est captivant, assurément brillant. Il mériterait une deuxième lecture de ma part car je ne suis pas sûre d'avoir saisi toute sa richesse.



Commenter  J’apprécie          10615
[Critique parue sur le forum du prix du Roman FNAC le 26/06/2023]

Dans Conquest, on rencontre d'abord Frank Landau. Il se passionne pour le codage informatique et la musique de Bach et il possède de multiples interprétations des Variations Goldberg.
Rachel, sa petite amie, préfère Bowie... Dès le début, il est question d'Eddie dont on ne sait presque rien, mais on comprend qu'il influence fortement Frank. Ils ont fait connaissance sur un forum, LAvventura, dont les membres se préoccupent essentiellement d'une probable invasion extraterrestre en cours ou sur le point d'advenir. Selon eux, un « truc » est peut-être enfoui dans le sol en Écosse ou ailleurs, et des substances toxiques s'en échappent, contaminant tous les organismes vivants. Rachel s'inquiète beaucoup de la fragilité psychologique de Frank et de sa perméabilité aux diverses théories du complot. Elle doute évidemment du bien-fondé des craintes de Frank. Celui-ci décide un jour de rejoindre ses amis du forum à Paris, et Rachel n'aura plus de nouvelles : Frank disparaît complètement. Elle fait alors appel à Robin, une ex-flique devenue détective privée, pour qu'elle enquête et tente de le retrouver. Robin partage avec Frank une passion pour Bach, mais le lecteur découvrira au fil du récit qu'ils ont d'autres points communs et que plusieurs personnages sont liés par leur passé respectif…
***
Si le début du roman paraît un peu déroutant, c'est parce que les liens entre les personnages et leur histoire ne sont pas clairs, pensais-je au début. Mais non, c'est plus que ça. L'autrice réussit à diffuser une incertitude et à provoquer des interrogations tout au long de ce récit passionnant. le lecteur est confronté à un texte, La Tour, de John C. Sylvester, présenté comme un court roman de science-fiction de 1958, dans lequel un architecte construit un formidable édifice avec un matériau possédant d'incroyables propriétés thermiques : la masonite, originaire d'une planète vaincue par les Terriens. Ce texte s'avère capital, car Frank est ses amis sont persuadés qu'il raconte ce qui est en train d'arriver ou qu'il annonce l'avenir. Plus loin, on trouvera un essai sur le cinéma écrit par Edmund de Groote (Eddie) et un compte rendu de concert écrit par Jeanne-Marie Vanderlien, son amie, (JeanneDark sur le forum !). Tous deux parlent de cinéma ou de musique, et imbrique dans la narration des souvenirs personnels qui permettent de mieux les connaître. Mais le complotisme n'est jamais loin, JeanneDark appelant même Stephen Hawking à la rescousse... Dans les chapitres dévolus à l'enquête de Robin comme dans les autres, les références culturelles abondent (musique, SF, peinture, cinéma), et je me suis parfois surprise à rechercher si elles étaient réelles ou fictives. Nina Allan sème nombre de références allusives, et je suis certaine de ne pas les avoir toutes vues. Il est bien difficile de dire quel est le personnage principal de ce roman. Paradoxalement, l'absence de Frank le rend présent à l'esprit de Rachel et de Robin et, partant, à celui du lecteur. Les imbrications entre les histoires de chacun, leurs liens avec les théories du complot, les doutes omniprésents ont rendu pour moi ce roman addictif. de plus, il recèle de vrais moments de poésie et l'écriture de Nina Allan m'a enchantée. Bref, je me suis sentie manipulée et transportée, et j'ai beaucoup aimé… jusqu'à la toute fin.
Commenter  J’apprécie          392
Tout ça pour ça !
Pourtant ça commençait bien : Frank, un garçon un peu différent des autres, aimant Bach, avec sa petite amie Rachel, pense qu'on est en guerre car des "extraterrestres" seraient déjà là. Puis d'un coup, il disparait et une détective nommée Robin prend l'enquête en main (je résume très vite, oui).
Ensuite cela part dans tous les sens d'histoires en histoires, de digressions en digressions interminables.
C'est voulu ? Bon...
Puis quand Robin retrouve enfin Frank cela redevient attrayant.
Mais que de temps perdus à pas grand chose.
Bref, j'ai failli laissé ce livre en plein milieu.
Deux points sont positifs néanmoins :
- l'intrigue en elle-même et l'obstination de Robin.
- le style littéraire de Nina Allan qui nous offre de temps en temps de grands morceaux d'écriture.
Mais je trouve ce livre sans intérêt malgré quelques idées séduisantes.
Dommage, pour moi c'est raté, je n'ai pas aimé.

Lien : https://laniakea-sf.fr/
Commenter  J’apprécie          273
Frank Landau est là, peut-être le personnage principal. Génie du codage, on le suit dans ses délires paranoïaques, les agents extraterrestres n-men qui le surveillent, sa passion obsessionnelle pour les "Variations Goldberg" de Bach. On le découvre, fragile et anxieux, apeuré par la guerre qui menacerait l'espèce humaine, par l'invasion extra-terrestre qui a sûrement déjà commencé, sur les forums en ligne où il échange avec d'autres "éveillés" comme lui.

Au moins il a Rachel, un ancrage dans le réel, une passion commune pour Bowie et quelques grammes de douceur.

Et puis Frank n'est plus là, il part à Paris retrouver ses complices du forum et il s'évanouit dans la nature.

Alors que Rachel contacte Robin, une ex-flic devenue détéctive privée pour comprendre ce qui est arrivé à son petit ami, on s'engage avec frénésie dans les recherches, les hypothèses et les hasards qui ne cessent de faire écho entre l'histoire de Frank et celle de Robin, entre une novella intitulée "La tour" (très aboutie) et les théories complotistes les plus invraisemblables (vous ne regarderez plus jamais la moisissure sur votre fromage de la même façon👀).

Ce roman de Nina Allan m'a aspirée dans son labyrinthe sophistiqué de manière irrésistible : si on croit d'abord lire un thriller anxiogène carrément addictif, on se retrouve rapidement confronté à une foultitude de théories d'invasions alien, l'autrice britannique s'amusant à nous faire douter de tout, à coup de vraies ou fausses pistes, insèrant des récits dans le récit, nous balladant avec délectation pour mieux nous perdre et c'est parfaitement exquis!

Débordante de références (j'ai dû en rater des tas) et de réflexions sur le complotisme, sur le rapport complexe de notre époque à la vérité, je ne peux que vous encourager à vous engager entièrement dans cette réjouissante expérience de lecture.

#thetruthisoutthere

Un roman qui sort brillamment des sentiers battus et qui m'a complètement conquise.
Commenter  J’apprécie          80
Conquest est un roman tout à fait stupéfiant. Une exploration autour de la façon dont naissent les théories les plus folles, à partir de l'extrapolation de faits et d'une volonté affirmée de les relier entre eux pour leur donner un sens. Ce qui permet autant de construire que de déconstruire. Prenez par exemple Frank, le petit ami de Rachel. Il a toujours été différent des autres, a subi des épisodes dépressifs mais son intelligence hors du commun lui permet d'être un codeur très demandé. Un beau jour, Frank disparaît et Rachel fait appel à Robin, une détective privée pour tenter de le retrouver. Pour cela, Robin va devoir se couler dans l'univers de Frank, ses groupes de discussion, ses centres d'intérêt. Si leurs goûts partagés pour la musique classique semblent naturels à Robin, plus curieuses sont les théories qui émergent des échanges de Frank sur certains forums : il y est question d'une guerre prochaine, de matériau extra-terrestre, et surtout d'un roman de science-fiction paru dans les années 1950, La Tour. Frank et son intelligence ont-ils sombré dans un délire complotiste ou mis à jour des vérités ignorées ?

Si l'enquête menée par Robin permet de révéler des personnalités singulières et de fouiller le passé familial enfoui de certains protagonistes, c'est surtout l'emboîtement des faits et des sources qui impressionne. La manière dont l'autrice interroge la façon dont naissent les idées, se forgent les influences et finalement se racontent les histoires. Elle plonge littéralement le lecteur au coeur de la fabrique qui s'inspire de théories très argumentées autant que de fictions pour finalement ne plus savoir - comme de la poule et de l'oeuf - qui est à l'origine de l'origine. En multipliant les formes, faux rapports et vrais romans à moins que ce ne soit l'inverse, elle parvient à instiller le doute aussi bien dans l'esprit de ses personnages que dans celui du lecteur. C'est assez vertigineux. Néanmoins, je dois avouer que certaines notions me sont passées au-dessus de la tête, que mon inculture sur Bach et mon inappétence pour la musique classique ont rendu certains passages totalement transparents. Si je reconnais et admire volontiers le savant exercice de construction, j'ai déploré tout au long de ma lecture que l'intellect domine le récit et que la démonstration prenne finalement le pas sur tout le reste.

Résultat : un roman que j'ai trouvé brillant, stimulant, très en prise avec des enjeux majeurs de notre actualité mais dont la froideur a empêché un véritable plaisir de lecture faute de proximité, de sensations, d'empathie.
Lien : http://www.motspourmots.fr/2..
Commenter  J’apprécie          70
Conquest
Nina Allan
Tr. de l'anglais par Bernard Sigaud
Tristram, 2023

À douze ans, Frank entend les Variations Goldberg de Bach pour la première fois de sa vie. Il les écoutera des centaines de fois par la suite et en collectionnera les interprétations. Exceptionnellement doué pour travailler avec du code et en interpréter les schémas récurrents, il finit par imaginer que Bach n'a peut-être pas existé et que les Variations sont un code extraterrestre.
« le code ne pouvait pas mentir et la musique non plus. »
Lorsque sa petite amie Rachel lui fait découvrir The Rise and Fall of Ziggy Stardust, Frank s'interroge. Ce n'est que bien plus tard qu'il comprendra que le message extraterrestre inhérent à cet album lui est parvenu de manière subliminaleet qu'il parle de « la guerre ». Et Frank a entendu résonner dans son corps le système d'alerte de la Terre. La théorie d'Eddie, qu'il a rencontré via le forum ufologique LAvventura, est que l'Art est une histoire secrète de la guerre, un commentaire critique codé sur la structure du pouvoir, un manifeste de résistance.
La fragilité psychologique de Frank lui a valu d'être interné une première fois à l'adolescence pour anxiété généralisée et une seconde fois à la fin de ses études supérieures. Cependant, Rachel a porté avec lui le poids de sa peur et a continué à l'aimer au fil des années.
Bien que Rachel tente de l'en dissuader, Frank se rend en France rejoindre Eddie – qu'il n'a jamais vu en vrai – pour y rencontrer des membres actifs du groupe LAvventura qu'Eddie nomme le cabinet de guerre.
Neuf mois plus tard, il n'a pas réapparu. La police a interrogé Edmund de Groote (Eddie) qui déclare n'avoir jamais rencontré Frank à Paris. Rachel est persuadée qu'il ment. Devant l'attitude attentiste de la police, elle se décide à faire venir chez elle une détective, ex-policière, Robin. Il se trouve que Robin, elle aussi, collectionne les enregistrements des Variations Goldberg de Bach. de plus, le nom De Groote ne lui est pas inconnu. Au fait du peu de moyens de sa cliente, elle accepte tout de même le contrat.
À l'époque où les deux amis communiquaient sur LAvventura, Eddie a recommandé à Frank un ouvrage des années 50 : La Tour de John C. Sylvester. Cet ouvrage va littéralement obséder Frank qui le qualifiera de livre sacré : à la suite d'une guerre avec une planète extraterrestre, Gliese, qui a fait un nombre incalculable de morts, un architecte mégalomane entreprend la construction d'une tour de la victoire (la Tour Conquest) assortie d'un complexe d'appartements de luxe, à l'aide d'une roche importée de cette planète, la masonite, qui emmagasine de la chaleur et diffuse une énergie rayonnante, de la même façon qu'un radiateur. Mais ce qu'il ne sait pas, c'est que cette roche est en partie vivante…
La recherche de Frank – qu'on ne retrouvera peut-être jamais – est propice à l'exploration de toutes sortes de domaines parfois très éloignés les uns des autres : psychologie et fonctionnement des sectes conspirationnistes sur les réseaux sociaux et interprétation de la musique de J. S. Bach, par exemple.
« La musique de Bach est un carburant pour le cerveau, et tout cela à cause de la manière dont Bach se sert du contrepoint. »
La culture musicale de Nina Allan est stupéfiante, tout autant que sa connaissance de la science-fiction et de ses oeuvres fondatrices. Comme dans ses autres romans, on retrouve des histoires dans l'histoire : la novella La Tour, retranscrite intégralement, a été inventée pour servir le roman, mais le film Upstream Color de Shane Carruth existe réellement et sa critique cinématographique dans un essai d'Edmund de Groote, incrusté lui aussi dans les fils narratifs, distille un certain malaise qui contribue à brouiller les pistes. Il est vrai qu'on retrouve par moments dans ce roman une atmosphère ballardienne. de petite touche en petite touche, Nina Allan estompe la frontière entre réalité et théorie du complot (ici une invasion extraterrestre imminente) et on se demande dans quelle mesure l'enquêtrice Robin ne commence pas à être infectée elle aussi : « Tout cela sera balayé, se dit-elle : le froid de l'hiver, le merle solitaire, le doux susurrement des feuilles mortes dispersées en gouttes d'or sur l'allée bétonnée. »
Lire du Nina Allan, c'est comme regarder dans un kaléidoscope la réalité éclater et se reformer différemment à tous les moments de l'histoire.
Nina Allan et Bernard Sigaud, son traducteur, ont été lauréats du Grand Prix de l'Imaginaire en 2014 pour Complications, premier ouvrage de Nina traduit en français, et La Fracture – chroniqué dans Gandahar 29 – finaliste des prix Femina et Médicis, catégorie Étranger, en 2019, a propulsé Nina à un niveau de reconnaissance qui dépasse la littérature de genre.
Christine Brignon
chronique publiée dans Gandahar 37 Humain ♥ Animal
Commenter  J’apprécie          60
Développeur passionné par Les Variations Goldberg de Jean-Sébastien Bach, Frank, malgré le soutien de sa petite amie Rachel et l'amour de ses proches, a du mal à trouver sa place dans la société. Son intelligence élevée et sa vision atypique du monde sont à la fois ses meilleurs alliés et ses pires démons. Il croit à la beauté du code informatique, aux signes contenus dans la musique. Internet a créé un espace où ses pensées peuvent s'exprimer, où il peut s'associer à des gens pour décrypter le monde. Mais à force de chercher des significations aux événements, Frank rejoint un groupe complotiste, dont les membres sont convaincus qu'une invasion extraterrestre secrète est en cours. Après avoir rencontré des personnalités de ce groupe en physique, Frank disparaît des radars. Rachel, dévastée, engage Robin, une ancienne flic, reconvertie en détective privée. L'occasion de plonger à ses côtés dans les mécaniques du complotisme contemporain, et dans sa nature : « La réalité fait peur, surtout avec le changement climatique, surtout depuis la pandémie. Croire aux extraterrestres, c'est comme croire en Dieu : soudain il y a une explication pour tout ce qui va mal dans le monde. »

À la manière de Qui se souviendra de Phily-Jo ? de Marcus Malte, Conquest, le nouveau Nina Allan, questionne le complotisme sous tous les angles, et montre combien le terme complotisme est utilisé pour décrire des réalités différentes : d'un côté des ensembles de théories aberrantes, « des amalgames spontanés de pseudo-science, de philosophie de comptoir et de théorie complotiste qui semblent puiser aux mêmes réservoirs d'extrémisme populaire, de rectitude morale et d'abnégation intellectuelle que n'importe laquelle des religions les plus solidement établies et avec une prolifération similaire de factions et de hiérarchies », de l'autre des vérités avant qu'elles n'éclatent au grand jour – confer les scandales économiques ou les manipulations des lobbys. Pour ce faire, Conquest s'amuse à retourner les situations, à changer les points de vue et à montrer qu'on est tous le complotiste de quelqu'un.

Au coeur du récit, La Tour, une novela, écrite par un écrivain fictif, sur les conséquences de l'importation de matière première extra-terrestre, que Frank et ses confrères considèrent comme détentrice d'un message caché. La Tour de John C. Sylvester est présentée dans son intégralité dans Conquest, au sein duquel elle agit comme une mise en abyme, puisque La Tour est également un texte sur le complotisme, dont le personnage principal s'imagine écrire une histoire où « un détective privé cherche à découvrir la vérité derrière la disparition d'un homme qui croit que la Terre est au bord d'une guerre interstellaire », avant de potentiellement se laisser convaincre que la guerre est réelle.

In fine, l'enquête policière au coeur de Conquest devient est elle-même traitée comme un phénomène complotiste. Les intuitions de Robin sont-elles la résultante d'une sensibilité et d'une capacité à analyser le monde, ou un biais cognitif qui l'amène à voir des signes et des symboles, là où il n'y a peut-être bien que des coïncidences ?

La force du roman est de ne jamais prendre ses personnages de haut, mais plutôt d'expliciter leur système de pensée, leurs failles et leurs talents, et de montrer que, si leurs conclusions sont farfelues, elles peuvent avoir pour base de brillantes analyses – le problème n'étant jamais ainsi la donnée scientifique, mais ce qu'on en déduit d'un point de vue historique, sociologique ou politique. Aux sociétés secrètes toxiques, Nina Allan rétorque, en gardant la distance nécessaire, avec des protagonistes aux motivations claires, portés par des intentions nobles, malgré leurs interprétations fantasques du monde.

Conquest ne cesse d'interroger l'attraction des lecteurs et lectrices pour les complots dans les fictions, leurs espoirs de les voir se concrétiser. La construction du livre, à la fois limpide (on n'est jamais perdu) et complexe (avec textes dans le texte) donne toujours envie de tourner la page et de se laisser désarçonner par la tournure que prendra l'histoire. Brillant en tous points.
Lien : https://www.playlistsociety...
Commenter  J’apprécie          61
Un roman complexe qui débute comme une enquête policière, mais auxquelles vont s'adjoindre pêle-mêle une novella de science-fiction, des réflexions sur la musique, le complotisme, les vies extra-terrestres...un fond de polar, mais avec des strates, à l'image de la mystérieuse matière composant la Tour, la masonite. L'écriture est recherchée, et en même temps, s'affranchit parfois des codes, passant des virgules, semblant prendre de la vitesse, comme les pensées de Frank qui tournent à mille à l'heure.
Frank est un génie du codage, sensible et introverti. Lorsqu'il rencontre Rachel, leur amour l'épanouit, mais cela ne l'empêchera pas d'errer de plus en plus sur des forums d'ufologie, persuadé que le monde est soumis à un contrôle externe et qu'il a un rôle à jouer. Parti à Paris rencontrer un des membres de ce groupe, il disparaît sans laisser de traces.
Rachel fera appel à une détective privée, Robin, qui a quitté la police suite à une altercation avec un supérieur, et dont on découvre la profondeur au fil des pages.
L'auteure a la capacité d'installer le doute quant à ses personnages, on lit un livre sur le complotisme, mais on ne peut s'empêcher de faire soi-même des hypothèses, à se demander ce qui est vrai ou ce qui est dissimulé.
Il y a des passages percutants, et son analyse du besoin des humains à faire des connections, à trouver du lien, à vouloir établir une vérité, quitte à glisser dans la paranoïa est brillante, mais je mentirais si je n'avouais pas que je me suis ennuyée par moment, notamment quant à certains passages sur la musique, où, étant complètement novice, j'ai eu le sentiment d'être inculte, tellement certaines descriptions semblent couler de source pour l'auteure.
C'est un roman gigogne, érudit, qui mêle la réalité et la fiction, me faisant surtout me demander comment il pouvait se terminer. Et l'auteure s'en tire pour moi impeccablement à ce niveau. J'allais à reculons dans cette lecture, n'ayant pas apprécié son "Fracture" antérieur, mais je dois dire qu'ici, sans avoir adhéré à 100%, c'est un roman exigeant qui mérite d'être lu.

Lien : https://instagram.com/danygi..
Commenter  J’apprécie          50
J'ai ouvert ce livre sous les conseils de ma libraire mais ce fut un flop total. le style est fade, mou, bourré de clichés. Les descriptions fastidieuses et les scènes inutiles ralentissent tellement le livre qu'au bout de 100 pages il ne s'est toujours rien passé. Je m'attendais à un livre pour geeks, mais clairement l'auteure n'a jamais codé vu la manière dont elle parle de ce domaine. Bref je ne le recommande pas.
Commenter  J’apprécie          41
Dans un avenir lointain, la Terre a triomphé d'une guerre acharnée contre une civilisation extraterrestre. En tant que monument à la résilience humaine et à sa propre grandeur, un milliardaire mégalo projette de construire une immense tour résidentielle en utilisant une roche unique extraite de la planète natale des extraterrestres. Cette roche est d'un noir profond et dégage une chaleur intrigante. Cependant, que se passerait-il si elle était également douée de vie ?

Ainsi se déroule l'histoire de "La Tour", la nouvelle centrale du roman brillamment ludique de Nina Allan, présenté sous forme d'extrait du livre du même nom, écrit par un romancier fictif presque oublié du milieu du XXe siècle.

Cependant, la trame principale de Conquest se déroule à notre époque, où un groupe de théoriciens du complot en ligne considère "La Tour" comme une prophétie exacte d'une future guerre universelle. Cela est bien entendu connu des gouvernements terrestres, qui ont un programme secret de super-soldats et qui sont peut-être en train d'éliminer ceux qui en savent trop.

Robin, ancienne policière devenue détective privée, est entraînée dans cette atmosphère fragile lorsqu'elle est chargée d'une affaire de personne disparue. Un homme nommé Frank, génie des mathématiques et du codage sujet à des troubles mentaux, a été invité par des inconnus mystérieux sur un forum de conspirateurs à le rencontrer en personne à Paris, et il n'est jamais revenu.

Sa petite amie, Rachel, embauche Robin pour le retrouver. Cela implique de se rendre dans un hôtel morne à Scarborough, lieu de la récente disparition suspecte d'un journaliste, et dans une petite ville d'Écosse où quelque chose d'étrange aurait pu atterrir dans les bois.

Aussi cérébral soit-il, Conquest est également poétique, célébrant "la lumière safranée du fin d'après-midi" dans la banlieue londonienne, tout en étant ludique et souvent humoristique.

Allan semble clairement prendre plaisir à inventer des critiques hostiles pour son propre roman fictif. Elle se montre perspicace et amusante sur la psychologie des théories du complot.

Allan parvient habilement à maintenir ouvertes toutes les interprétations possibles des événements comme plausibles - jusqu'à la toute fin.

Dans ses thèmes de désinformation, de possibles chevaux de Troie microbiologiques et de conspiration, Conquest peut également être lu dans son ensemble comme une allégorie joyeusement fantastique et élaborée de la Covid-19 ; si tel est le cas, c'est certainement le meilleur livre à émerger de la pandémie jusqu'à présent.
Lien : https://www.instagram.com/p/..
Commenter  J’apprécie          40





Lecteurs (218) Voir plus



Quiz Voir plus

Les plus grands classiques de la science-fiction

Qui a écrit 1984

George Orwell
Aldous Huxley
H.G. Wells
Pierre Boulle

10 questions
4899 lecteurs ont répondu
Thèmes : science-fictionCréer un quiz sur ce livre

{* *}