Je me garai dans la rue et montai à mon bureau. J'habite au premier étage d'un immeuble à un étage sur Broadway. Le rez – de – chaussée est occupé par des commerces, un magasin de vins et spiritueux, un bureau de prêteur sur gages, un café et la Zodiac Bookstore, librairie qui s'adresse aux lettrés friands de philosophies interstellaires et de fadaises sataniques. En haut avec moi, se trouvent un dentiste, à qui je ne laisserais pas nettoyer mes clefs à pipe, et encore moins mes dents, un appartement inoccupé, et Acme S.A. Je ne sais pas quel genre d'affaires traite cette boîte. Je n'ai jamais vu le type qui la dirige, mais je l'ai souvent entendu… Il est toujours pendu au téléphone. Il y était justement au moment où je passais devant sa porte.
« … sont ces foutues poignées, Murray ? Tu m'en expédies douze mille et il n'y en pas un avec une poignée. Qu'est – ce que tu crois, que mes clients ont des ventouses à la place des doigts ? Cette livraison m'a achevé, Murray, achevé… je suis mort. Au moins mon cercueil, il aura des poignées... »
Les techniciens ressortirent du bureau.
– Nous avons terminé ici, lieutenant, annonça l'un d'eux, un maigrelet portant des lunettes à verres non cerclés.
Dalrymphe leur adressa un hochement de tête et ils s'en furent.
– Oublions qui a pu refroidir ton copain là – dedans, fit – il, mais à ton avis, qu'est ce qu'il cherchait ?
– Comment veux – tu que je le sache ?
– À première vue, ton pote ne tenait pas à dire au gars où est cachée, ou bien où était cachée, la chose en question. Toutefois, une certitude : le type ne cherchait pas simplement de la petite monnaie. Il reste douze dollars dans le portefeuille de ton copain et quand on y réfléchit, douze dollars, c'est beaucoup comme argent de poche pour un privé.
Le gus jeta un coup d'œil par – dessus son épaule vers la porte ouverte, offrant sa silhouette à ma vue. Belle gueule, mais un air préoccupé. Il pensait que s'il m'abattait, il serait peut – être aussi obligé d'abattre M. Acme, ainsi que toute autre personne se trouvant éventuellement en sa compagnie. Cela faisait trop d'hommes à abattre. Il se contenta donc d'abaisser la main et de me dire au revoir en me frappant du canon de son arme. Puis il sortit en courant. Et il était temps pour lui, car je commençais à en avoir ras le cul.
Je descendis tranquillement le Strip, bordé de majestueux hôtels – casinos de luxe, plantés là comme des belles de nuits, fières mais avançant en âge. À la brûlante lumière du soleil on discernait leurs rides et les cernes de leur maquillage. Mais ce soir, dans l'atmosphère douce et sombre du désert, quand elles se pareraient d'une myriade de joyaux de lumière, elles seraient irrésistibles
– Fontaine avait – il des ennemis, à ta connaissance ? Questionna – t – il. J'entends par là, en dehors du grand public, qui n'ignore pas que vous, les privés, vous êtes tous des merdeux.