Dans ce court essai sous-titré «Des écritures urbaines au XXe siècle» (Bayard, 2010), malheureusement actuellement épuisé,
Philippe Artières, en suivant les traces de
Walter Benjamin, "remarquable découvreur de ces objets relatifs à notre modernité", décode ces enseignes qui ont à la fois pesé sur et symbolisé un moment de l'histoire du XXe siècle.
La première publicité électrique est apparue dès 1899 dans Paris, cette ville qu'on voulait lumière, en opposition à l'espace rural. L'éclairage devient illumination avec l'essor des publicités lumineuses, à partir de l'invention du néon par Georges Claude en 1910. Ces fontaines de lumière atteignent une apogée en 1929, avec en particulier les illuminations pour les grands magasins de Fernand Jacopozzi, mage de la lumière et personnage central du «
Paris est un leurre» de
Xavier Boissel.
Historien des écritures ordinaires et passionné d'archives,
Philippe Artières est allé fouiller dans les archives de la société Luneix-Néon, fournisseur de néons de 1936 à 1965 pour nous raconter l'histoire des enseignes lumineuses. Mais son livre oscille entre les genres, passionnant comme un roman avec l'évocation de la pâte phosphorescente des récits de
Patrick Modiano, qui crée des atmosphères à partir des détails d'architecture ou d'enseignes qu'il note dans son carnet au hasard des rues, et surtout avec le portrait que l'auteur dresse de Georges Claude, inventeur du néon et de l'air liquide, fourvoyé dans la collaboration avec les nazis, scientifique de génie ravagé par l'amertume suite à sa ruine.
À travers toutes ces traces de l'infra-ordinaire, ce qui se lit en creux dans cette écriture urbaine est l'essor du capitalisme et de la marchandise, spectacle tragique revêtant des allures féeriques, raconté avec tant de talent par
Eric Vuillard dans «
Tristesse de la terre».