c’est une explosion de joie…
c’est une explosion de joie
une extase
une illumination
une avalanche de lumière
les lois de la pesanteur sont défiées
les rochers roulent
les gardiens renversés flottent
les dalles de pierre se soulèvent
les linges se déroulent et libèrent un corps embaumé
les traces de torture s’effacent
Christ ressuscité s’élève dans une sphère lumineuse cernée
d’un rayon vert
bras déployés il comble le ciel vide d’une immense utopie
il transfigure l’instant en éternité radieuse
les couleurs miroitent
les cercles de lumière se dilatent et fusionnent
un souffle soulève le corps resplendissant d’un jeune homme
au sourire énigmatique
mains offertes comme celles d’un Bouddha répandant son
message de paix
seules deux taches rouges au centre de la paume
pétales de coquelicots
échos de la douleur
rappellent le chemin
obscur
|||
panneaux mobiles…
panneaux mobiles
plis et déplis selon le mois le jour la liturgie
théâtre narratif embrassant le cercle
de la naissance à la mort
des anges aux démons
Mathis Grünewald
étiez-vous déjà
entre tous
le grand malade
et le suprême savant
face à l'intraitable réel
viendront d'autres horribles travailleurs
à leurs tours
ils arracheront quelques fragments
à la carte de l'être
|||
je vous devine…
je vous devine enveloppé dans l'un de ces grands manteaux que vous avez peints tant de fois dont vous avez observé les drapés les retombées les plissements
dans leurs circonvolutions vous dissimulez des formes végétales organiques charnelles vous êtes le peintre du caché du secret du crypté vous déployez un filet d'analogies lamelles de champignons chevelures ruisselantes d'eau vive pouces et index en forme de verges coquillages fendus comme sexes féminins mains feuilles écorces visages veines animaux pierres failles variations d'une même entité
tous les linéaments du monde se rejoignent
Paracelse le médecin philosophe théologien l'avait déjà
exprimé
pas de rupture entre corps et paysages
les lignes se poursuivent s'interpénètrent
le monde est un vaste réseau d'une seule étoffe
régi par un ordre secret que votre œil ne cesse de traquer
à quelques kilomètres de Colmar …
à quelques kilomètres de Colmar
les Antonins prient
herborisent
confectionnent des remèdes dans leurs fourneaux d'alchimistes
Les Antonins offrent l'hospitalité
et leur « Saint Vinage » aux malades
mais la boisson à base de plantes macérées avec des reliques
de saint Antoine
ne vient pas à bout du feu sacré
les Antonins ne renoncent pas
le précepteur de leur communauté
Guy Guers
appelle Matthias-le-peintre
il lui commande une œuvre-choc
une œuvre dont la vue pourrait contrer le feu ravageur
embraser les corps et les consciences
calciner le mal
guérir
III
pas de rupture…
pas de rupture non plus
avec la trame sonore
que libèrent
panneau après panneau
vos couleurs
entendez-vous
cris sanglots gémissements litanies murmures
violes de gambe violes de bras polyphonies
du concert des anges
aux chants funèbres
de la mélopée des paroles accordées
au tintamarre des démons
vibre dans l'air
une partition secrète
au pied de la croix
sous la terre muette
germent de futures leçons de ténèbres