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Chaque fois que je lis un livre de Paul Auster, je me dis que je ne pourrai pas l'aimer autant que le précédent et c'est pourtant toujours le cas. En revanche, ce qui ne change pas, c'est la difficulté à en parler...

Dans "Le Livre des illusions" on retrouve un personnage que l'on a déjà rencontré dans "Moon Palace", David Zimmer (de secondaire il a été promu à narrateur principal) et on apprend très vite (aucun spoiler) qu'il a perdu son épouse et ses deux petits garçons dans le crash d'un avion.

"L'important, ce n'est pas l'habileté avec laquelle on évite les ennuis, c'est la manière dont on les affronte quand ils se présentent." (P47)

Et une part relativement importante du livre est de montrer comment David Zimmer surmontera cette épreuve :

"La seule personne avec qui je savais encore comment me comporter c'était moi-même - mais je n'étais plus vraiment quelqu'un, je n'étais plus vraiment vivant. J'étais juste un type qui faisait semblant de vivre, un mort qui passait ses journées à traduire le livre d'un mort." (P125)

Mais si le livre se contentait de nous raconter les états d'âme d'un veuf qui traduit les "Mémoires d'outre-tombe" De Chateaubriand, on ne serait pas en train de lire du Paul Auster :

"Quand toutes les cartes du jeu sont contre vous, la seule façon de gagner une manche est d'enfreindre les règles." (P52)

Et pour ce qui est d'enfreindre les règles, Paul Auster est un maître ! Il arrive à nous donner l'illusion de regarder les films d'un certain Hector Mann tout en lisant son livre... Personnellement, il m'a emmenée au cinéma et j'en ai encore des images plein la tête.

"Le Livre des illusions", c'est encore du grand Paul Auster et magnifiquement porté par la traduction de Christine le Boeuf.

"Une chose est sûre : "Le Livre des illusions" est un de mes romans les plus long et les plus complexes. Certains de mes livres ont été volontairement écrits comme des morceaux de musique de chambre. Celui-ci est plus monumental - une oeuvre composée pour un orchestre entier." (Paul Auster dans "Une vie dans les mots, conversations avec I. B. Siegumfeld" et traduit par Céline Curiol)


LE LIVRE DES ILLUSIONS de Paul Auster
Traduit par Christine le Boeuf
GF : Actes Sud / Poche : Babel
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Avec le livre des Illusions, je retrouve de nouveau tout l'art dont l'auteur fait preuve à raconter une histoire dans une histoire. J'ai été emportée dans la période des films muets, noir et blanc, d'avant 1930 et me suis souvenue que j'adorais Laurel et Hardy, Buster Keaton, quand j'étais petite.

Quand David Zimmer se retrouve seul après la mort de sa femme et leurs deux enfants, sa vie s'égrène sans but, comme on peut l'imaginer. Il quitte son emploi de professeur, se retire du monde, évite tout contact humain. Jusqu'au jour où le rire lui revient en visionnant un film de l'humoriste Hector Mann, subitement disparu à l'orée des films parlants. Décidé à écrire une biographie de l'acteur considéré comme mort, sa vie reprendra doucement. Après la publication du monde silencieux d'Hector Mann, c'est à la traduction des Mémoires d'outre-tombeDe Chateaubriand que Zimmer se lance.

Jusqu'à ce qu'il reçoive une lettre de la soi -disante épouse de l'humoriste, disant que son mari a lu son livre et voudrait le rencontrer. Plus de 50 ans ont passé depuis la disparition d'Hector. Il était mort !

La vie de Zimmer prendra un détour imprévu que je vous laisse découvrir.
La vie, la mort, l'amour, tout n'est-il qu'illusion ?

En tout cas, pour moi une chose est sûre : Paul Auster est un prestidigitateur.
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Le livre qui gît longtemps dans les tréfonds de ta bibliothèque ne moisit pas, il se bonifie pour toi comme un bon vin qui t'est destiné, et il viendra toujours un moment où tu sauras le savourer.
Telle est la leçon que m'a donné ce « livre des illusions » dont le magnétisme a du s'inverser pour moi car après l'avoir dédaigné pendant des années, je ne l'ai pas lâché une fois ouvert.

Il y a quelque chose d'hypnotique en effet dans cette sombre histoire peuplée de morts fantomatiques et de vivants en trompe-l'oeil, dans laquelle je me suis laissée entraîner presque à mon insu, par surprise en dépit d'un pitch qui ne m'avait pas vraiment convaincue : un écrivain de la côté est, à demi mort depuis le décès tragique de sa famille, se laisse entraîner jusqu'au Nouveau Mexique au chevet d'un vieux cinéaste agonisant, réputé mort en 1929…

Je crois que le pouvoir d'attraction de ce roman tient pour beaucoup aux qualités de plume de Paul Auster, ainsi qu'à sa puissance d'évocation de l'Amérique des années 20 dans lequel il prête au personnage d'Hector Mann un destin et des aspirations hors du commun.
A l'image du milieu cinématographique dans lequel évolue l'intrigue, ce roman est baigné de jeux d'ombres et de lumière assez envoûtants pour m'embarquer jusqu'au dénouement de cette tragédie, en effet pleine d'illusions.

Après une première expérience un peu décevante avec la « Trilogie New-Yorkaise » dont j'avais apprécié le talent mais qui ne m'avait pas vraiment touchée, je suis ravie de cette deuxième rencontre réussie avec Paul Auster.
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Dévasté par la mort accidentelle de son épouse et de ses enfants, David Zimmer se lance à corps perdu dans l'écriture d'un essai sur les films d'Hector Mann, acteur et réalisateur du cinéma muet, étrangement disparu sans laisser de traces. le livre est publié et il rencontre un beau succès. David enchaîne avec une traduction des Mémoires d'outre-tombe de René de Chateaubriand. Mais il est contacté par l'épouse d'Hector qui lui demande de venir au Nouveau-Mexique : Hector Mann est mourant et il a émis le souhait que les films qu'il a réalisés en secret soient détruits à sa mort. « Pour autant que je sache, Hector est le premier artiste à créer son oeuvre avec l'intention consciente, préméditée, de la détruire. » (p. 251) Peu décidé à faire le voyage, il se soumet cependant à Alma, une jeune femme énigmatique qui est bien décidé à le faire venir au Nouveau-Mexique. Pendant le trajet, Alma raconte à David la vie d'Hector depuis sa disparition d'Hollywood.

En chemin vers une oeuvre dont le temps est compté, David saisit plus que jamais la fragilité du temps. le roman est l'histoire de plusieurs deuils et de la reconstruction des individus. « J'avais les idées si confuses que je ne savais comment porter son deuil, sinon en me maintenant en vie. » (p. 374) En écrivant son livre sur Hector Mann et en s'intéressant à son histoire, David s'appuie sur le muet comique pour se sauver du tragique indicible.

Je me suis un peu ennuyée avec ce roman, même si j'y ai retrouvé le talent de Paul Auster et sa puissance narratrice. Il y a une intertextualité intéressante, de nombreuses références, mais je n'ai pas retrouvé le souffle habituel. Tant pis !
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Un roman mais que d'histoires...... Et d'ailleurs ai-je bien lu ou est-ce que ce n'était qu'une illusion ? Et bien si tel était le cas, l'illusion avait le goût du réel grâce aux mots de l'écrivain mêle si je garderai pour longtemps sa présence en moi.

Avec toute la précision qu'on lui connaît, Paul Auster, que j'ai découvert avec son dernier roman 4.3.2.1. puis avec la Trilogie New-Yorkaise, dont je connaissais le goût pour le cinéma et en particulier les films anciens dont il parle d'ailleurs dans 4.3.2.1., en noir et blanc, parfois muets et il nous invite dans ce roman dans le pays de l'illusion, des apparences, du vrai et du faux.

"Vous m'avez fait rire. C'est tout, il n'y a jamais rien eu d'autres. Vous avez forcé quelque chose en moi à s'ouvrir et, après ça, vous être devenu mon prétexte pour continuer à vivre. (p270)"

Paul Auster nous fait entrer dans la vie de David Zimmer, professeur de littérature, plongé dans le deuil de sa femme et de ses deux enfants, morts dans un accident d'avion pour lequel il se sent en partie coupable en reprenant, comme souvent dans ses écrits, l'enchaînement des faits et des coïncidences..... Et si .... 

A travers son personnage, il nous offre une myriade d'histoires, comme autant de tiroirs qui s'ouvrent les uns après les autres que ce soit concernant David Zimmer mais aussi sur ce mystérieux Hector Mann, acteur et reconnaissable puisque visible sur les écrans mais qui choisira de se disparaître aux yeux du monde jusqu'après sa mort. David Zimmer décide de rédiger une monographie détaillée sur cet acteur qui enchanta son enfance,  cette rédaction le sortant de sa dépression et le mènera sur sa piste.

Les vies de ses deux hommes vont se mêler et c'est justement en cela que c'est passionnant et remarquablement construit. Peu à peu il bâtit son livre avec précision, relatant le vide de l'existence de David depuis le drame et comment les films d'Hector, dont il fait défiler les images de certains de ses films, comme si nous étions installés devant l'écran, vont lui faire peu à peu reprendre goût à l'existence. Magie des mots qui se transforment en images. Et comme pour Paul Auster les vies ne sont que le résultat de coïncidences qui jalonnent les vies, David va accepter de faire une nouvelle traduction des Mémoires d'outre-tombe De Chateaubriand.  le deuil, la mémoire, l'écriture, le cinéma, le hasard. Voilà les ingrédients sont là, il ne reste à Paul Auster qu'à tout lier. Alors, pour cela il fait entrer Alma, la jeune femme messagère au visage marqué. Elle va être le lien entre le passé et le présent, apporter les réponses qui lui manquent sur Hector et lui offrir une possibilité de bonheur. 

Mais si tout cela n'était qu'illusions ? 

Le récit se fait à travers plusieurs voix, David Zimmer, Alma et comme nous sommes dans le monde du cinéma,  n'y-a-t-il pas plusieurs scénarios ?  Tout au long du roman Paul Auster joue avec son histoire mais joue également avec nous, les lecteurs, nous emmenant sur différentes pistes possibles, avec un sentiment parfois d'urgence car pour certaines elles vont disparaître à la demande de leurs possesseurs, reprenant pour David Zimmer l'exigence De Chateaubriand pour que ses mémoires ne soient publiées qu'après sa mort. La boucle est bouclée : chacun a vécu, laisse une empreinte puis disparaît.

C'est à la fois un roman sur le deuil, l'absence, les rôles que la vie nous oblige parfois à tenir, l'écriture, la mémoire, l'amour, le cinéma mais aussi une enquête presque policière pour résoudre l'énigme d'une disparition avec les notions sur le temps qui passe, sur les apparences, sur la vie, sur sa réalité ou n'est-elle finalement qu'une illusion. Roman, biographie, énigme et parfois des relents de tragédie grecque à vous de choisir.

Pas un moment d'ennui, tout rebondit, se métamorphose, s'ajoute ou s'efface. L'écriture est à la fois précise, détaillée mais sans pesanteur et j'ai à la fois lu un roman mais vu plusieurs films, j'ai voyagé jusqu'au Nouveau-Mexique pour obtenir les réponses à mes questions et jusqu'à la dernière ligne Paul Auster a su tenir le mystère pour finir par une dernière pirouette. Il joue sur les noms, les lieux, les identités, leurs significations et le sens qu'on peut leur donner. 

C'est un conteur hors pair qui peut, en 381, pages évoquer à la fois des histoires possibles ou improbables, rester seul maître de son histoire, nous pousser à démêler le vrai du faux pour finalement ressentir, la dernière page tournée, tout l'éventail de l'imaginaire, du réel, de comment les deux peuvent se fondre, se confondre ou se distancier, de comment un auteur, un acteur peuvent nous prendre par la main pour nous mener là où ils veulent, de vrais magiciens.... 

Mais ai-je bien lu ou bien ai-je rêvé, ai-je bien compris le sens ou y a-t-il d'autres pistes ?
Lien : https://mumudanslebocage.wor..
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Il n'a pas pris cet avion et maintenant il va devoir vivre sans eux. Tel est l'effroyable quotidien de David Zimmer qui a perdu sa femme et ses enfants dans un accident d'avion. Alors que rien ni personne ne semble capable de le sortir de sa torpeur, il est un soir pris par surprise par son propre rire. Il va alors s'accrocher à ce petit spasme anodin, survenu devant un court extrait de film d'un ancien acteur du cinéma muet : Hector Mann. C'est à cet homme énigmatique, porté disparu depuis 1929, alors que le cinéma muet tirait sa révérence, que David doit sa planche de salut. Il va ensuite parcourir le monde afin de pouvoir visionner ses films et s'employer à écrire le premier livre jamais publié sur son oeuvre. Puis, l'impensable se produit. Une lettre d'une certaine Frieda Spelling lui parvient. Se présentant comme l'épouse d'Hector Mann, elle l'informe que ce dernier souhaite le rencontrer.

Armé de sa plus grande habileté, Paul Auster imbrique les histoires les unes dans les autres. On ne sait plus si l'on a vu un film, lu un livre, si c'était d'Hector Mann qu'il était question ou de David Zimmer. Sûrement un mélange de tout ça. Un triangle amoureux inextricable se créé entre la mort, l'art et l'amour et nous voici emportés dans un tourbillon mystérieux et captivant à la forme mouvante.

Comme souvent avec cet auteur j'ai eu le sentiment de vivre une parenthèse suspendue dans le temps. J'y ai retrouvé de quoi m'émouvoir mais aussi de quoi spéculer et réfléchir. Une lecture active et addictive, discrètement stimulante. J'en redemande!
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J'suis un peu "sec" pour parler de ce livre. Mon sentiment est mitigé quant à cette "meilleure oeuvre littéraire de tous les temps". Parfois le livre décolle avec des personnages très réalistes. Puis l'intérêt retombe lors de la description des films... J'ai d'ailleurs passé quelques pages de narration des films d'Hector(comme quelques babeliotes)!

J'me suis engagé à ne pas raconter l'histoire or celle-ci, souvent racontée dans les commentaires, est centrale dans ce roman...quoique... !

J'ai également promis de faire court... alors au suivant.
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David Zimmer, détruit par la mort de sa femme et de leurs deux enfants dans un tragique accident d'avion, erre dans sa maison et n'est plus que l'ombre de lui-même. Un jour en regardant la télévision, il tombe sur la diffusion d'un film muet amusant dont le comique s'appelle Hector Mann. L'acteur lui est complètement inconnu, mais grâce à lui et pour la première fois depuis des mois, David rit. Déboussolé et parce qu'il ne voit rien d'autre pour remonter la pente, David cherche à en savoir plus sur cet Hector Mann pour écrire sa biographie. Seulement il va découvrir que cet homme a mystérieusement disparu 60 ans plus tôt, alors qu'il commençait à se faire un nom à Hollywood...

J'ai choisi ce livre au départ parce qu'il était cité dans l'un des nombreux bouquins que je dois lire pour ma thèse. Il s'est finalement avéré que pour ma dite thèse, je n'en ai retiré qu'une seule citation, mais j'ai quand même lu là un roman très intéressant.
L'intrigue est très bien construite et originale. On se reconnaît facilement dans les souffrances du personnage principal et on comprend très bien sa quête au premier abord insensée. L'histoire d'Hector Mann est tout simplement captivante, surtout quand ce dernier prend les commandes de la narration, sur un bon tiers du récit. L'écriture de Paul Auster est d'ailleurs très agréable. Je lis enfin quelque chose qui n'est ni surfait, ni un roman de gare.
Le bémol vient finalement de la traductrice, Christine le Boeuf, qui, dans une longue "note du traducteur", explique certains choix de traduction auxquels je n'adhère pas du tout. En en discutant avec des collègues, on s'est quand même dit que les raisons qu'elle donnait et qui expliquaient ses prises de position n'étaient pas spécialement valables. Maintenant, à part ça et une horreur ("je cherchai à l'atteindre par téléphone", au lieu d'un simple et banal mais furieusement plus correct "la joindre par téléphone" - le verbe reach en anglais n'est quand même pas si difficile à contextualiser...) à la fin, sa traduction reste de qualité.
Je déplore toutefois des longueurs, quand David se rend au Nouveau Mexique. Mais ces passages étant nécessaires au déroulement du récit, on patiente pendant quelques dizaines de pages.
Enfin, j'ai particulièrement apprécié le côté artistique qu'a développé l'auteur, les scenarii qu'il a imaginés, le monde du cinéma qu'il a décrit. Et l'action se déroulant dans les années 20 donne un petit côté romantique à la chose.
Lien : http://livriotheque.free.fr/..
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Est-ce une coïncidence ? Ou bien Auster s'est-il inspiré de Djian ? Je pencherai plutôt pour la coïncidence. En tout cas, lorsque j'ai commencé à lire ce de Paul Auster, j'ai réalisé qu'il traitait du même thème que le roman de Philippe Djian Vers chez les blancs . Ou, en mettant les choses au mieux, que la toile de fond des deux livres présentait de réelles analogies. le fait qu'ils soient les deux romanciers contemporains que je préfère m'a entraîné, au fur et à mesure que j'ai découvert ce rapport, à faire des allers-retours incessants entre les deux romans. J'avais été passionné par la lecture du roman de Djian, je l'ai été autant (et peut-être davantage encore) par la lecture du livre des illusions de Paul Auster.

Dans les deux romans, la vie d'un homme, le narrateur de l'histoire, est brisée à la suite d'un accident d'avion dans lequel meurent sa femme et ses enfants. Situation extrême, mais que chacun d'entre nous peut d'autant plus facilement imaginer Peut-on imaginer pire situation dans une vie ?

Dans les deux romans, les narrateurs sont : un romancier chez Djian ; un spécialiste du cinéma et traducteur De Chateaubriand pour Auster.

Dans les deux romans, ils sont confrontés à la création artistique, à ses douleurs, à ses rapports avec la souffrance, et surtout, au sens que la création donne leur vie.

A partir de ce point de départ commun, et comme il fallait s'y attendre, les deux oeuvres vont diverger fortement par leur construction, leurs thèmes secondaires, leur écriture, chacune d'elles conservant pourtant une force indubitable qui fait paraître fade beaucoup de petits romans nombrilistes et intimistes dans l'air du temps.

David Zimmer n'attend plus rien de la vie. Sa femme Helen et ses deux garçons sont morts dans un accident d'avion. Il est devenu alcoolique et vit dans un brouillard cotonneux en s'apitoyant sur son sort et en rêvant son suicide. Un soir, il voit à la télé un extrait d'un vieux film d'Hector Mann. Et pour la première fois depuis l'accident, il rit.

« Cela peut sembler sans importance, mais c'était la première fois depuis juin que je riais de quoi que ce fût et en sentant ce spasme inattendu monter dans ma poitrine et se mettre à chahuter mes poumons, je compris que je n'avais pas encore touché le fond, qu'il restait en moi quelque chose qui souhaitait continuer à vivre ».

Il entreprend alors ce qui n'avait jamais été fait, une étude fouillée, exhaustive, de l'oeuvre d'Hector Mann, cinéaste génial et méconnu du cinéma muet, disparu depuis 1929.

« J'ai écrit le livre en moins de neuf mois. le manuscrit terminé comptait plus de trois cents pages dactylographiées, et chacune de ces pages avait représenté pour moi un combat ».

le livre est publié. David Zimmer passe à autre chose, il commence un travail passionnant : la traduction des « mémoires d'outre-tombe » De Chateaubriand. Et puis, l'invraisemblable se produit. Hector Mann, que tout le monde croyait mort, vit toujours, caché en Californie. Il veut rencontrer David Zimmer. Alma Grund, une jeune femme, vient chercher David Zimmer pour le conduire à Hector. Et David se laisse finalement convaincre. Et peu à peu, la vie extraordinaire et méconnue d'Hector Mann va lui être révélée par Alma. La vie, mais aussi tout un pan immense de son oeuvre cinématographique, quatorze films que jamais personne n'a vu et qu'il va être le seul à pouvoir visionner en partie. Tous ces films inédits d'Hector Mann seront en effet détruits lorsque David les aura visionnés.

A travers cette narration palpitante d'un bout à l'autre du livre, Paul Auster mène avec brio une réflexion sur la signification de l'art. Que représente l'oeuvre d'art pour un artiste si celui-ci, de façon délibérée, refuse de la montrer à qui que ce soit ? Pourquoi Frieda, l'épouse d'Hector Mann, veut-elle absolument faire disparaître ces films alors qu'elle a tant oeuvré avec Hector pour leur réalisation ?

« Petit à petit, c'était devenu un principe esthétique en soi. Alors même qu'elle continuait à travailler avec Hector, elle devait avoir eu le sentiment qu'il ne s'agissait plus de faire des films. Il s'agissait de fabriquer quelque chose afin de le détruire. C'était ça, l'oeuvre, et tant que toute trace de l'oeuvre n'aurait pas été détruite, l'oeuvre n'existerait pas. Elle ne commencerait à exister qu'au moment de son anéantissement –et alors, tandis que la fumée s'élèverait dans le jour brûlant du Nouveau-Mexique, elle disparaîtrait. »

Mais le roman de Paul Auster est d'une grande richesse thématique.

Que représente une vie d'homme, nous dit Paul Auster, sans la création ? Et quelle peut être l'importance de cette vie, si la création reste cachée ? Pour que la vie d'Hector prenne tout son sens, il faut que ses films les plus importants, détruits par le feu, puissent enfin être vus de tous. Peut-être Alma a-t-elle réussi à préserver les films ?

« S'il en est ainsi, alors les films d'Hector ne sont pas perdus. Ils n'ont que disparu et, tôt ou tard, quelqu'un surviendra qui ouvrira par hasard la porte de la chambre où Alma les a cachés, et l'histoire reprendra du début.

Je vis dans cet espoir ».

A travers l'histoire extraordinaire de la vie d'Hector, racontée par Alma, à travers l'amour qui naît, avec difficultés, entre David et Alma les deux admirateurs de l'oeuvre d'Hector, à travers l'oubli progressif de la douleur de David ainsi que l'importance que va prendre la traduction des « mémoires d'outre-tombe » dans sa vie, Paul Auster déploie son immense talent narratif avec une maestria époustouflante. le livre des illusions est un roman qui fera date dans l'oeuvre magistrale de Paul Auster.
Cette critique peut être lue sur mon blog : Un Polar (blog collectif), à l'adresse suivante :

http://unpolar.hautetfort.com/archive/2010/12/14/le-livre-des-illusion-de-paul-auster.html
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J'ai choisi ce livre pour un défi, mais j'avoue qu'avant même de l'avoir commencé, je n'étais pas emballée. le monde du cinéma ne me disait trop rien... Je me suis laissée tenter quand même, avec appréhension donc. Mais au final, ce n'est pas du tout ça qui m'a dérangée.

J'ai retrouvé un peu le même style de Joël Dicker : des ressemblances dans le style d'écriture et dans la narration (dans la mise en place du contexte ; la façon dont l'histoire se déroule, basée autour d'un drame, avec du mystère et des recherches/enquêtes).
Seulement, je trouve dommage que le récit ne soit pas assez structuré :
1) Les chapitres sont longs avec très peu de "coupures" dedans, ce qui a été compliqué pour m'arrêter dans la lecture. J'ai été obligée d'arrêter un peu n'importe où, et ça, je n'aime pas du tout.
2) Les dialogues ne sont pas différenciés du reste du récit. Pas de tirets, pas même de guillemets et parfois même pas à la ligne. Et ça aussi, ça me gêne car difficile de mettre le "ton" dans la lecture.

Mais malgré quelques passages qui traînaient un peu trop en longueur à mon goût, je trouve que l'auteur a une très belle plume, que je ne pense pas avoir appréciée comme il se devait à cause de ce manque d'esthétisme dans la narration. J'ai trouvé également l'histoire et son intrigue très bien menées et, jusqu'au bout, j'ai été curieuse d'en connaître son dénouement, complètement inattendu je dois dire.

Ce ne fût pas une lecture désagréable, je dirais même qu'elle fût assez plaisante dans son ensemble, mais on est quand même loin du coup de coeur.

[Lu en février 2020]
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