SOUS LES GROS TITRES, en manchette, ils lurent cet article : « La nuit dernière, un tableau, estimé une fortune, a disparu. Il a été volé dans l'appartement d'un directeur d'agence immobilière, rue Jacob, à la Croix-Rousse. Il s'agit d'une œuvre du célèbre peintre espagnol Goya. D'après les déclarations de son propriétaire, M. Villemain, le vol aurait été commis entre 21 heures et minuit. En effet, légèrement grippé, M. Villemain s'était retiré dans sa chambre, vers 21 heures, tandis que sa femme se rendait au théâtre. En rentrant du spectacle, Mme Villemain a constaté que la porte d'entrée avait été fracturée en son absence. Une des toiles qui ornaient le salon avait disparu... la plus belle de la collection. On suppose que l'auteur de ce vol audacieux est un connaisseur. D'ores et déjà deux hypothèses sont envisagées. Ou bien ce voleur est un passionné de Goya, ou bien un escroc décidé à faire chanter la compagnie d'assurance qui protège cette œuvre d'art. La police enquête. »
La lecture finie, les Compagnies réfléchirent.
« Entre neuf heures du soir et minuit, répéta Gnafron. Quelle heure exacte était-il quand nous avons croisé l’homme dans la Grande-Côte?
- Onze heures et quart, précisa Bistèque. Je venais de regarder ma montre en quittant la Caverne. Oui, ce pouvait être le voleur... il changeait de rue à chaque instant parce qu'il nous soupçonnait de le suivre.
- Évidemment, approuva Tidou, tout semble coïncider : l'heure, le paquet sous le bras, l'endroit de la rencontre avec l'inconnu... mais tout cela me paraît trop simple.
- Trop simple? s'étonna la Guille.
- Un voleur aurait pris plus de précautions. Il n'aurait pas fait son coup à onze heures du soir, alors que les rues sont encore animées... et il ne se serait pas baladé ostensiblement le tableau sous le bras.
- Il n'avait pas le choix de l'heure. Il devait profiter de l'absence des propriétaires de la maison. Quant au paquet, il aurait pu, bien sûr, l'envelopper dans du papier sombre, mais cela n'aurait pas changé ses dimensions. Il faudrait dire ce que nous avons vu.
"Il fait trop froid, dit Mady, ne m'accompagnez pas chez moi. Je n'ai pas peur de rentrer seule, puisqu'il y a encore du monde dans les rues.
-Pas questions de te laisser, ta mère serait fâchée de savoir que nous t'avons semée en route."
Les cinq garçons remontèrent donc avec elle les voies tortueuses de la colline où les rues se transformaient souvent en escaliers. Ils débouchaient dans célèbre Grande-Côte, bien connue des Lyonnais pour sa pente, quand ils croisèrent un homme portant sous le bras un encombrant paquet rectangulaire et plat enveloppé dans un papier journal.