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Critiques, Analyses et Avis (1) Ajouter une critique
Je tumulte à la pensée de ne vous avoir pas encore parfumé de quelques mots au sujet de la Comtesse de Baillehache et de son roman « Les Mains pures ». Or c'est très fâcheux car je suis l'unique et dernier lecteur de cette noble écrivaine. Après moi, elle sera tombée dans le silence des espaces infinis de l'oubli, il n'est que temps donc d'obtempérer avant le de Profundis.

Nous sommes dans les Années Folles, en 1922 : l'Histoire bégaye comme ça…ça…ça lui…arrive souvent. A l'est, les nuits de Chine sont câlines, nous chante Louis Lynel, mais Mussolini marche sur Rome, les nazis braillent dans les brasseries et le Mark s'effondre. En France, le Franc résiste et l'on prépare l'occupation de la Ruhr. le Tour de France a 19 ans et Marcel Aymé 20 ans. Maurice Diot (dit le Teigneux) vient au monde et Marcel Proust le quitte. Roger Pierre et Jean-Marc Thibault sont en route. Roger Martin du Gard sort Les Thibault, volume 1, Paul Morand a Ouvert la nuit et François Mauriac donne le Baiser au lépreux.
Et c'est dans ce contexte politico-cyclo-artistique très précis que Jeanne Félicia (Reiche) Baillehache, Comtesse de, née en 1878 et ci-après dénommée la Comtesse, a aussi publié cette année-là, et avec une notoriété toute clandestine, « Les Mains pures ».
Le livre a été édité chez Ernest Flammarion et figure parmi une liste d' « ouvrages pouvant être mis entre toutes les mains » : j'invente rien, c'est la 4e de couverture ! Il y côtoie des Tartarin d' Alphonse Daudet et les « Sans Famille » et « En famille » d'Hector Malot. Prix de vente : 7 francs net car la TVA n'existait pas, la France étant encore sous administrée, faut-il le rappeler.

Je l'ai lu douillettement enfoui dans mon lit, en immersion régressive et délicieuse vers mon âme défunte d'enfant découvrant le monde dans les livres… C'est les mains pures et les doigts plein de chocolat que j'ai feuilleté ces pages rêches et tellement défraîchies qu'on croirait que le texte a été imprimé non sur papier mais directement sur des feuilles de tabac séché pour gros cigares cubains ! Des pages de tailles inégales qui ont été découpées manuellement au coupe-papier : une relique assez rare, par le fait …

L'histoire se déroule sous l'empire Austro-Hongrois, à Vienne, au début du siècle (je veux dire celui d'avant, pas le nôtre – enfin, le vôtre, je me comprends…): Boleslas Radetski est un jeune homme de bonne famille, officier des hussards de l'archiduc, qui porte beau, évolue dans le grand monde comme un poisson dans l'eau et mène grand train. Mais il découvre que son père est un usurier de la pire espèce, grosse fortune mal acquise, bien qu'en toute légalité. Ne pouvant supporter cette opprobre, il décide de rester les mains pures (d'où le titre, je vous aide un peu pour les subtilités, qui ne surabondent pas non plus !) et il rejette la fortune de son père et il entreprend de rendre aux débiteurs de son géniteur, comme il peut et même du peu qu'il mieux, l'argent qu'il (le père) leur a extorqué légalement. Et alors, il (le fils) va dégringoler de Caraïbes en Syllabes et rétropédaler jusqu'au statut subalt et terne d'employé de bureau en exil à Varsovie en vivant complètement dans l'Ardêche. Mais il va quand même se réconcilier in fine à Vienne avec son usurier de papa, qui lui avouera qu'il l'aime toujours, avant de connaître « une fin atroce, faite pour hanter les nuits des survivants »… Puis Boleslas hérite et empoche le pactole, moins les intérêts usuraires qu'il va, bien é-vi-dem-ment, restituer intégralement aux débiteurs qu'il considère comme ses créanciers. C'est un peu compliqué mais très moral ! Bien é-vi-dem-ment aussi, tout le magot y passe à ce compte-là et il se retrouve à nouveau à Varsovie, mais cette fois encore plus bas que l'Ardèche. Que d'émotions !
Et puis, coup de théâtre (alors que nous sommes dans un roman !), il trouve une belle situation dans une usine de fabrication de papier. Tout semble vouloir s'arranger mais les ouvriers sont très méchants, des « gréviculteurs » avinés et sanguinaires qui réclament sans vergogne une hausse de salaire. N'écoutant que son courage, il tente de s'interposer pour protéger son patron et surtout sa fille Halka (pour qui il a les yeux de Chimère). Il se retrouve à l'article de la mort, et puis non, finalement, la vie et l'amour finissent par l'emporter dans les toutes dernières pages : que d'émotions, vraiment !

Si je vous pavoise depuis le début avec ce livre, c'est en raison de ses discrètes qualités entre insectes et permissionnez-moi de vous en livrer quelqu'aperçu.
D'abord, ce ne sont pas seulement les mains qui sont pures, ici : la Jeanne, pardon… la Comtesse y a tout épuré, le style, l'intrigue et la psychologie des personnages, révélant ainsi une grande maîtrise dans l'écriture. Il n'y a pas de temps mort, les dialogues prévalent et tout est au premier degré. Les personnages sont d'un seul bloc, sans atermoiements, ni hésitations ou valses hésitations (alors qu'on aurait pu le redouter, à Vienne…) et tout ça est très fonctionnel en termes de lecture.
C'est aussi un roman où l'on voyage à jet continu, entre Vienne, Paris et Varsovie en découvrant de belles coutumes de là-bas : Boleslas déguste du bartsch à la crème aigre, avec poissons fumés et choucroute, en dansant des mozours dans les kouligs (des bals surprises). Et dire que sans les voyages, on passerait carrément à côté de ces nouveautés délicieuses !
Ensuite, le héros (le mot n'est pas usurpé ici !) est admirable à tous points de vue. Ses manières sont excellentes, son savoir-être irréprochable. Il s'incline devant les femmes en claquant des talons : vous irez en trouver, aujourd'hui dans nos romans, des personnages de cette classe ! Alors que dans les ouvrages contemporains, on ne rencontre plus guère que des traine-savates malentendantes, qui fument des cigarettes douteuses avec des écouteurs dans les oreilles. Et des jeunes filles négligentes qui ouvrent la porte au premier venu, sans avoir pris la peine d'enfiler une jupe ni même de reboutonner leur chemisier… Pffff ! (je préfère me taire, les mots vont dépasser ma pensée…).
Boleslas force également l'admiration du lecteur par son courage et la fidélité sans faille à ses convictions : en plus de ses mains, c'est aussi son âme qui est pure, voyez-vous ! Ça n'est pas-t-écrit fort malement dans le livre, c'est le fruit d'une conclusion toute personnelle à laquelle je me suis rendu après avoir scrupuleusement étudié la psychologie du personnage…
En plus, la Comtesse a su émailler son épurement romanesque de quelques mignonnes pensées à 2 kopecks qui tombent toujours au bon moment (« Les plus beaux oiseaux ne sont pas ceux qui chantent le mieux » - « Oh, pauvreté, n'avoir pas un domestique à soi ! » - « Si la lutte fatigue trop, on peut toujours mourir. »)
Et pour finir, le lecteur béni tombe à la fin de cette épuration littéraire sur une « happy end » alors même que la Comtesse ne fréquentait sûrement pas les studios d'Hollywood ! Ce qui est prodigieux et montre à quel point elle savait rondement mener son affaire. Tante est si bien qu'il n'est peut-être pas exagéré d'avancer l'idée qu'elle ait pu être au sommet de son art dans « Les Mains pures » …

Alors, voui, purée, on est bien content de l'avoir lu. Et même de l'avoir lu jusqu'au bout. Et de pouvoir le recommander aux copains, de manière bien probe et argumentée. Et aussi de le remettre en circulation.

Je vous l'échange contre presque tout et environ n'importe quoi, à l'exception de « l'Etre et le Néant », « Critique de la raison pure » et « Biture dans la maison de brique ». Sinon, il retourne dans le carton des vieilleries d'où il n'aurait jamais dû sortir…
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