AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet
3,99

sur 241 notes
5
19 avis
4
15 avis
3
4 avis
2
3 avis
1
0 avis
J'aime toujours revenir à Balzac. Il est, comme Zola, une de mes valeurs sûres en matière de . J'ai lu souvent comme Balzac était moqué pour ses descriptions inutiles de précision. C'est assez infondé. du moins, largement exagéré. Bien sûr, ça lui est arrivé, mais le réduire à ces quelques descriptions scrupuleuses est ne point le connaître, le mal juger, ne l'avoir qu'effleuré, n'avoir lu qu'un seul roman (le père Goriot probablement) ou uniquement des extraits. Non, Balzac n'est pas ce compteur de pouces d'une circonférence de cheville. Balzac est un maître, un artiste.

« La Rabouilleuse » raconte l'histoire d'une famille. Et plus particulièrement d'une mère, veuve, et de ses deux fils. L'aîné, Philippe, qui, selon elle, ressemble à son père, et Joseph, le second, qui est artiste et qu'elle aime moins, pour son tempérament calme et ses penchants artistiques.

Philippe, l'aîné suit les traces de son père (lequel s'est tué au travail sous les ordres de Napoléon), en s'engageant dans l'armée de l'empereur. Seulement, quand ce dernier est envoyé à Sainte-Hélène, Philippe refuse de servir le roi et se vautre dans l'alcool et le jeu. Bientôt, il fait des dettes et vole jusqu'à ruiner sa mère.

Celle-ci, dépouillée par son fils et auparavant déshéritée par son père, n'a plus d'autre choix que d'aller trouver son frère aîné, vieux garçon idiot, qu'elle n'a pas revu depuis des décennies, dans une petite ville de province, Issoudun, pour tenter de récupérer une part de l'héritage. Mais ce frère vit avec « la rabouilleuse », une beauté manipulatrice dont il est fou amoureux, et qui, elle, convoite l'héritage au profit de son amant, lui aussi ancien soldat de l'empereur.

Si la Rabouilleuse et son amant arrivent à faire fuir la mère et le fils cadet, ils trouveront plus fort qu'eux en la personne de Philippe, le fils aîné.

Ce roman montre d'abord l'amour aveugle d'une mère pour un fils qu'elle idéalise, parce qu'il ressemble en loin à son père. Philippe boit, vole, ment, joue, et elle lui trouve toujours de naïves excuses, et se contente de ses explications bêtes. Agathe est aveuglée et protège son fils jusqu'à l'absurde, se laissant dépouiller et lui donnant encore de quoi manger. Non par pitié, mais par un amour irraisonné.

C'est aussi l'histoire de deux frères que tout oppose. L'un soldat sans morale, préféré de la mère même lorsqu'il déchoit, de l'autre artiste travailleur et au tempérament doux, bien moins aimé mais qui soutiendra sa mère sans faille. Joseph est décevant quand il est question de sa mère. C'est un mou. Il est le gentil, trop gentil fils dévoué, qui perd de sa personnalité face à la figure maternelle. Ce fils moins aimé cherchera toujours à aider sa mère, à la chérir, à la protéger jusqu'à la mort, sans ne jamais exprimer la moindre révolte, ni ne jamais entreprendre de lui ouvrir les yeux sur son frère.

D'ailleurs, à travers Joseph, c'est également la vocation artistique qui est dépeinte. La volonté, jeune, de travailler durement et contre l'avis de sa mère, à son art pour y exceller. J'ai aimé le discours du professeur, quand Joseph, âgé de treize ans, veut être artiste et se rend à des leçons de peinture en cachette. Sa mère veut faire de lui un employé de l'administration, avec l'espoir qu'il devienne... chef de bureau! Elle va donc se plaindre et exiger que l'on n'accueille plus son fils aux leçons. Et la réponse du professeur est magnifique, emplie de mépris pour les imbéciles qui n'aspirent qu'à réussir dans un milieu qui n'est rien, dans la médiocrité d'une fonction ennuyeuse. Joseph est un personnage intéressant, qui ne vit que pour son art (et pour sa mère, comme par une obligation morale). Son regard sur les gens est moqueur, il dissimule mal un mépris pour ceux qui ne savent pas créer. Il fait l'effet aux autres d'une sorte d'étrangeté, et suscite la crainte et la méfiance à la manière des génies.

Quant à Philippe, l'aîné, immoral, sa conduite ne sera faite que de froids calculs et ne sera guidée que par son égoïsme, allant jusqu'à renier sa famille et laisser mourir sa mère seule et miséreuse. Néanmoins, il triomphe à un moment. Philippe, l'ancien militaire déchu devenu voyou deviendra conte par ruse. Cet homme empli de puissance et libéré de toute morale aura un destin digne des plus grands hommes. J'ai aimé cette phrase de lui, qui le résume parfaitement : « Mon fils souhaitera ma mort, je m'y attends bien, ou il ne sera pas mon fils ».

Si un tiers du roman se déroule à Paris, les personnages se retrouvent pour les deux autres tiers dans un village de province, Issoudin, que Balzac décrit finement: un village engourdi, renfermé sur lui-même, éloigné des préoccupations parisiennes. C'est à la fois pittoresque et très réaliste, ce contraste entre Paris et ce village où rien d'important ne se produit jamais, de sorte que les moindres cancans occupent les gens autant que des faits importants.

Enfin, ce roman est une peinture, en fond, d'une période historique très trouble. Napoléon est exilé, au grand dam de ses anciens soldats, et les Bourbons ont repris le pouvoir. On sait comme Balzac était fervent royaliste, tandis que son narrateur décrit le sort des soldats déchus de l'empereur. Ces soldats deviennent tous alcooliques, paresseux, voleurs, tricheurs, immoraux, et je ne peux m'empêcher de songer à une cruelle subjectivité de sa part, ou à une revanche avec la plume.

Flore, la rabouilleuse, est fine manipulatrice. Elle simule la bouderie, la colère, et redevient douce et caressante dès qu'elle a obtenu. Et Balzac précise qu'elle n'est pas plus épouvantable qu'une autre, qu'elle joue seulement le jeu de toutes les femmes, à tous les rangs sociaux, quand elles ont saisi le pouvoir. La duchesse, comme la bourgeoise, comme la paysanne usent de ce froid dédain caractéristique de la femme en colère, comme elle utilise la moquerie spirituelle et l'amère plaisanterie cassante, ou encore la plainte hypocrite, créant ainsi de fausses querelles, moyens légitimés par leurs fins. Voilà comment il voit la femme, et je ne peux nier. Car sa Rabouilleuse « est » la femme. Capricieuse, capable à la fois des plus grande cajoleries comme de toutes les turpitudes pour sauver sa peau ou s'enrichir, mais aussi l'amoureuse, qui a besoin d'un maître à admirer et à servir, et enfin la domptée, qui trouve plus fort qu'elle au jeu des manipulations et se soumet presque naturellement.

Le roman est dense, avec beaucoup de personnages et plusieurs intrigues en parallèle autour de cette affaire principale d'héritage familial.

On retrouve l'humour raffiné De Balzac. Des mots d'esprit excellents et subtils, très drôles, et un talent de psychologue et d'observateur de son contemporain. Je reconnais cependant que Balzac peut être impatientant quand il installe son contexte. Il prend du temps à situer historiquement l'intrigue, à raconter la saga familiale antérieure aux événements. La rabouilleuse elle-même fait son apparition seulement après un tiers du roman. N'importe, c'est par soucis de clarté et de précision, et c'est si bien écrit que ces longueurs se dégustent.

Je retiens également le récit d'un duel au sabre entre les deux anciens soldats qui se disputent l'héritage, extrêmement bien écrit, avec la minutie et le soin nécessaires à ces récits bien particuliers que sont les duels.

Un bémol, cependant, quant à la fin. Même si le dénouement compte beaucoup de morts, il ressemble à une sorte de « Happy end » en faveur du frère cadet, l'artiste sage et maudit, comme si la morale et l'innocence devaient triompher. D'ailleurs, les femmes, sur leur lit de mort, se repentissent de leurs fautes morales, craignant le jugement divin. Balzac laisse ainsi planer le doute quant à une justice divine, punissant la mère peu aimante, la femme perfide et l'homme immoral. C'est dommage.

Néanmoins, cela reste un bon roman. Chaque personnage a une profondeur et est sondé et décrit par un fin psychologue. L'intrigue est alimentée de luttes et d'affrontements vils et déloyaux entre des individus calculateurs et aux tempéraments égoïstes et intéressés.
Commenter  J’apprécie          10
J'ai eu beaucoup de mal à entrer dans ce livre, d'autant qu'au tout début, un arbre généalogique aurait été bien utile pour comprendre la parenté entre les personnages.
J'ai insisté, j'ai fini la première partie et toujours aucune nouvelle de la Rabouilleuse ! Il faudra attendre la page 188 (édition folio classique) pour voir apparaitre ce personnage et accessoirement, avoir la définition de ce qu'est une rabouilleuse.
Avec le début de cette partie deux, on laisse totalement de côté les personnages auxquels j'avais fini par m'habituer avec grand peine, pour en découvrir d'autres, dont la Rabouilleuse. J'ai encore eu beaucoup de mal à rester concentrée sur l'histoire. Puis, les personnages du début viennent enfin se mêler aux personnages de la partie deux, mais ce n'est qu'à partir de l'arrivée de Philippe à Issoudun (page 314) que la lecture est vraiment devenue addictive, pour les 100 dernières pages donc.
Pour les fans des frères Bridau, on retrouve Joseph et Philippe dans Illusions perdues et dans Splendeurs et misères des courtisanes.
La Rabouilleuse est un roman étonnant tout de même qui nous parle peu de la noblesse ce qui est assez rare, sauf erreur, chez Balzac.
C'est un roman un peu moraliste aussi et qui finit bien. Balzac nous fait comprendre, dès le début, quel est le personnage vertueux et c'est pour lui que ce roman finit bien, un peu du style, ils vécurent heureux et eurent beaucoup d'enfants, étonnant chez Balzac !
https://beq.ebooksgratuits.com/balzac/Balzac-29.pdf
Commenter  J’apprécie          170
La définition de "rabouilleur" est la personne qui trouble l'eau afin d'effrayer les écrevisses en vue de leur capture. Cette petite fille en haillon se livrait à cet exercice avec son père quand Jean-Jacques ROUGET l'aperçut.

Frappé par la beauté de la fillette il "l'achète" comme domestique.

Peu à peu il s'attachera à elle. Arrivée à l'âge adulte Flore comprendra toute l'ampleur de son pouvoir sur le vieil homme. Avec l'aide d'un garçon de son âge (Max), dont elle est secrètement éprise, elle tentera de capter l'héritage, enjeu crucial du texte.

C'est sans compter sur l'arrivée sur l'échiquier de Philippe BRIDAU, plus rusé encore que la Rabouilleuse et son complice.

Qu'en penser ?

A voir l'historique de ce texte on comprend vite le pourquoi d'un tel fourbi, car la trame est vraiment tentaculaire (un mélange de DALLAS et de DYNASTIE... pour ceux qui ont connu).

C'est compliqué, parfois même incohérent mais qu'importe : quand Balzac écrit, on lit !

A noter que pour la première fois l'auteur tient des propos rabaissant la femme. Il fait dire à un des ses personnages :" Les femmes sont des enfants méchants, c'est des bêtes inférieures à l'homme, et il faut s'en faire craindre, car la pire condition pour nous est d'être gouvernés par ces brutes-là ! " sic

HISTORIQUE DU TEXTE

Au départ le projet de 1839 se nommait LE BONHOMME PIEDEFER, puis en 1840 LE BONHOMME ROUGET. Un texte qui servait à rembourser un trop perçu que le journal qui employait Balzac lui avait octroyé. La parution se fait en deux fois avec un an et demi d'intervalle.

L'auteur ne livrera qu'une petite partie du texte (juste le nécessaire pour payer sa dette.

En 1841, un journal concurrent lance un texte à épisode qui recueille un grand succès. Balzac lance alors la totalité du texte sous le titres LES DEUX FRERES (9 épisodes).

Remaniement du texte et rajouts donneront la première édition originale aux éditions Souverain


PERSONNAGES

On peut s'en tenir à ceux qui justifient les titres successif envisagés par Balzac et autour desquels le roman se construit : Rouget, les deux frères Bridau, la Rabouilleuse.

– flore BRAZIER : c'est la fille du peuple, condamnée dès l'origine, pour peu qu'elle sorte de sa condition. Elle est programmée par son nom, de la fleur au feu (elle finit brûlée par les « liqueurs »). Très tôt orpheline, à la garde d'un oncle alcoolique et d'une tante qui la hait. Elle est cependant, à douze ans, une « petite fille ravissante », un « miracle de beauté » aux yeux du vieux Rouget qui la découvre « quasi nue » dans la rivière, occupée à rabouiller. Il l'achète à son parâtre, cent écus par an. C'est François, l'un des « cinq Hochons » qui révèle son surnom méprisant, dans le journal ragoteur d'Issoudun. Rouget entreprend son éducation, se réservant sans doute d'en recueillir les fruits. Ce ne serait pourtant que le « 15 avril 1806 » que Flore cesse d'être une « honnête fille », en devenant la maîtresse du fils Rouget. En 1815, dans « l'entier développement de sa beauté », elle règne sur la maison (et le ménage du garçon). Puis les événements se compliquent : maîtresse de Maxime en 1816, elle épouse Jean-Jacques Rouget en 1823, et devient ainsi la tante de Philippe qui la subjugue, l'épouse, en fait une éphémère comtesse de Brambourg pour mieux la dépouiller et l'achever : « Dieu se sert de lui comme un fléau ! », dit la moribonde à ceux qui sont à son chevet, avec Joseph Bridau : Bixiou, Bianchon, Desroches, les « bons » reparaissant.

– Joseph BRIDAU : Sa présence dans le roman est tempérée. Il est le sage !
Déjà apparu dans UN DEBUT DANS LA VIE : il participe aux deux voyages à Presles, celui de 1822 dans le coucou de Pierrotin et celui de 1838 dans son Hirondelle de l'Oise. de rapin farceur qui se fait passer pour le grand peintre Schinner dans le premier

– Philippe BRIDAU : après l'avoir crée dans Les Deux frères (voir Histoire (s) du texte), Balzac l'ajoute à des textes antérieurs, plus pour l'effet de reprise que pour nourrir une biographie déjà détaillée par La Rabouilleuse.
Il est toute la laideur incarnée, sans scrupule ni conscience.

– Jean-Jacques ROUGET (alias le bonhomme Rouget) : le personnage est en quelque sorte la réplique du Jérôme Rogron de PIERETTE (même si Flore n'est pas Bathilde), mais en plus gris. Il est construit en négatif, par contraste. Agé de 37 ans à la mort de son père, dont il n'a ni la trempe, ni le caractère, ni la malice. A l'inverse de sa soeur Agathe il est incapable de grands sentiments. Elevé pour être propriétaire, c'est-à-dire rentier, c'est un inutile, un « nul », un boutonneux, malade de timidité physique et morale avant que Flore le déniaise. Il a pour elle un attachement « animal » et deviendra une proie facile entre les mains de son neveu Philippe. Resté célibataire dans le mariage, incapable d'être père, ce garçon de province sera tué par Paris.
Commenter  J’apprécie          40
Une sacré saga familiale (sur une trentaine d'années) que ce roman des « Scènes de la vie de province » ! Autour du gros héritage du Dr.Rouget ( enrichi comme Grandet et Goriot par la Révolution)vont s'affronter deux branches de la famille avec de multiples péripéties qui mettront au premier plan Flore « La Rabouilleuse » femme fatale et Philippe l'un des petits fils ,baroudeur cynique et violent . Beaucoup d'action et de rebondissements , bon sujet de série , je pense.
Commenter  J’apprécie          70
J'avais 15 ou 16 ans, et j'ai lu ça d'une traite, captivée.
Commenter  J’apprécie          10
Balzac i troduit ii le pire personnage (moralement parlant) de la omedie humaine qui n'hesitera pas à voler l'heritage mal aquis de la fameuse rabouilleuse: Ici tel est pris qui croyait prendre ! Un beau roman qui se litassez vite grace au talent de conteur de l'auteur !
Commenter  J’apprécie          20
Quel plaisir de se plonger dans un Balzac !
Bien sûr, il y a pas mal de pages qui ne servent pas beaucoup l'histoire, mais dont Balzac avait besoin pour garantir sa rémunération…
Mais il y a des pages délicieuses, décrivant la personnalité des uns et des autres, leurs vices, leur jalousie, leurs espérances… leur condition humaine.
Je ne suis pas sûre que les Issoldunois ( habitants d'Issoudun) aient apprécié la peinture que Balzac fit d'eux...Mais qu'est-ce que c'est drôle ! Comme cela est bien écrit, avec finesse et perfidie...
J'ai trouvé l'histoire digne d'une farce !
Bref un bon moment .
Commenter  J’apprécie          170
Me voici de nouveau confrontée à La Rabouilleuse, roman lu il y a longtemps et aujourd'hui redécouvert...Quel texte ! Et quel auteur dont je viens de relire la vie !
Le docteur Rouget a épousé une femme dont il a deux enfants. Par une de perversions dont Balzac a le secret, il veut favoriser son fils et discréditer sa fille. Cette dernière, nommée Agathe, épouse un officier, fier défenseur de l'empereur. Elle en a deux fils : Philippe et Joseph. Cette femme pourtant droite et bonne se prend de passion pour son fils aîné qui n'a qu'une ressemblance physique avec son père puisqu'il est aussi froid et calculateur que son géniteur était généreux. Il la fait beaucoup souffrir. Quand elle se retrouve veuve cependant, il vient à l'esprit de ses deux fils que leur mère a, en province, un frère célibataire fortuné. Attendu qu'il est entouré d'une servante-maîtresse Flore Brasier et de l'amant de celle-ci, Maxime Gilet, Jean-Jacques Rouget risque bien de spolier sa famille au détriment d'étrangers. C'en est trop pour les fils Bridau qui, pour des mobiles différents, se rendent à Issoudun afin de récupérer la fortune de leur oncle. Elle leur revient de droit puisqu'ils sont liés par des liens familiaux...
Circulation de l'argent, moteur de réussite et de reconnaissance sociale, jeux sur les sentiments amoureux, familiaux et filiaux, enjeux de pouvoir et manipulation, chute des idéaux napoléoniens et retour aux Bourbon ...On ne s'ennuie pas avec Balzac qui, au passage nous montre l'évolution d'une société sur un demi-siècle. le monde n'appartient plus aux militaires mais aux financiers...
Je retiendrai les diverses descriptions de Flore, petite fille pauvre d'abord puis magnifique servante-maîtresse et pour finir malade effarée détruite par Philippe Bridau. Bridau : celui qui sait faire mourir mais est couvert d'honneurs...
Réalisme, morale, métaphysique...
Vive Balzac, donc...


Commenter  J’apprécie          61
« Quelle fosse pleine d'infamies ! » s'exclame, à un moment donné de l'histoire, Joseph, peintre talentueux et fils vertueux – dont sa mère découvrira finalement les mérites, telle une illumination –, opposé au cynique et sans scrupule personnage de Philippe, son frère aîné. Leur mère, la pauvre Agathe, se leurre en effet et s'illusionne de l'aura de son fils Philippe, ancien dragon de la Garde impériale. Une phrase résume la situation : « Joseph adorait sa mère, tandis que Philippe se laissait adorer par elle. »
La Rabouilleuse – qui fait partie des Scènes de la vie de province et doit son nom à une petite paysanne qui, avantagée par un physique superbe, saura creuser son trou mais, trop sûre d'elle, ne se méfiera pas assez de Philippe – oscille entre Paris et Issoudun, c'est-à-dire entre la capitale bouillonnante et la province engoncée dans ses manies, étouffante et périlleuse à qui n'en connaît pas les codes mesquins.
Cette exceptionnelle étude de moeurs, comme seul Balzac sait en concevoir, nous plonge donc dans les affres de l'envie, l'un des sept péchés capitaux. Envie qui rime évidemment avec argent, ce graal maudit que Philippe traque comme un fauve affamé, quitte à provoquer des drames dont il se moque éperdument. Mais Philippe n'est pas qu'un personnage abject : il fait aussi figure d'instrument vengeur du destin à l'encontre de créatures peu recommandables. En cela il est bel et bien un personnage balzacien des pieds à la tête, fait d'une extrême complexité ; laquelle complexité ne trouve, hélas, aucune échappatoire en ce qui le concerne : il révulse. Et contrairement à un Vautrin, auquel on finit par s'attacher, Philippe n'a rien qui le sauve… Mais, comme pour lui interdire de poursuivre plus avant ses méfaits, le destin se chargera de lui d'une manière particulièrement terrible et dégradante.
« le seul service que puisse me rendre la bonne femme est de crever le plus tôt possible », lâche ce fils ingrat à propos de sa mère mourante qui, par son dénuement – dont il est grandement responsable –, dérange ses plans dans le grand monde. Certains critiques ont avancé, non sans arguments, que Philippe était ainsi parce que la désillusion – celle de la chute de l'Empire – et les coups du sort l'avaient façonné dans ce sens. Je leur répondrai que le Colonel Chabert est là pour contredire cette opinion…
Là où Balzac a tendance à s'épancher dans des généralités – que j'apprécie pour ma part –, ici il est d'une concision extraordinaire, laissant aller le fil du récit pour tisser cette toile dramatique qu'est La Rabouilleuse, un chef-d'oeuvre littéraire au passage.
Après la lecture d'un tel roman, parmi les plus réussis De Balzac – c'est dire le niveau ! –, voici ce que Victor Hugo en disait : « Que pourrais-je ajouter à une pensée comme la vôtre ? À ce propos je vous dirai que votre famille Bridau est un tableau de maître, vous le saviez bien, mais je suis heureux de vous le dire. »
Un tableau de maître, en effet, où le vice et la vertu se livrent un combat à armes inégales, où la petitesse des calculateurs, si elle donne l'illusion de la victoire, s'effondre au regard des quelques grandeurs morales qui émaillent le récit. Enfin, il y a la question de la rédemption, qui prend ici plusieurs formes, mais toutes édifiantes…
Un roman incontournable, pour les happy few qui aiment lire… !

Commenter  J’apprécie          110
Ce roman est en fait @La Rabouilleuse du même Balzac, qui prend son titre définitif en 1843.
Voir la critique de ce roman.
Commenter  J’apprécie          00




Lecteurs (715) Voir plus



Quiz Voir plus

La Rabouilleuse - Balzac

L'action se déroule entre deux villes qui sont :

Paris & Lyon
Paris & Tours
Paris & Nantes
Paris & Issoudun

13 questions
21 lecteurs ont répondu
Thème : La Rabouilleuse (Un ménage de garçon) de Honoré de BalzacCréer un quiz sur ce livre

{* *}