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Critiques filtrées sur 5 étoiles  
Voici un très bon numéro de la collection Folio. Deux petits bijoux De Balzac réunis en un seul volume pour notre plus grand plaisir. Ce sont deux courts romans que l'auteur avait positionné dans la catégorie des " célibataires " dans sa gigantesque Comédie Humaine.

Je ne saurais trop vous dire lequel j'aime le mieux tellement ils sont à point tous les deux et de très haut vol. Ils montrent l'un et l'autre le lent travail de positionnement social et d'alliances pour parvenir à ses fins au détriment d'un tiers, en l'occurrence, celui ou celle qui donne son nom à l'ouvrage.

1) LE CURÉ DE TOURS.
On découvre ici le bon abbé Birotteau, qui accouchera quelques années plus tard d'un frère, le célébrissime César Birotteau, autre opus génialissime d'Honoré de Balzac. C'est donc un homme rondouillard, un peu simple d'esprit, qui ne voit de mal nulle part et qui s'imagine naïvement que les gens qui lui veulent du bien le font pour ses beaux yeux.

Ainsi, à la mort de l'abbé Chapeloud, chanoine de la cathédrale Saint-Gatien de Tours, son protégé, l'abbé Birotteau croit qu'il va hériter sans coup férir, " naturellement " pourrait-on dire, des prérogatives de son prédécesseur...

Une fois encore, Balzac saura faire surgir devant lui la plus grande mesquinerie humaine, l'envie, la basse vengeance, l'orgueil, le calcul politique, bref, tout ce qui fait que Balzac est Balzac, un auteur, pour ne pas dire L'AUTEUR incontournable de la littérature française toutes époques confondues.

Contrairement à certains de ses autres romans qui lassent parfois les lecteurs non avertis par des descriptions fouillées, nous avons ici affaire à un bref roman, à la limite de la nouvelle longue, où les descriptions ne sont point trop invasives et le plaisir est prompt à s'emparer du lecteur.

Encore une fois, le personnage qui donne son nom à l'oeuvre ne semble pas être le personnage principal, puisqu'à la fin on assise encore à son échouage, victime des vicissitudes de la cruelle vie et des calculs des gens peu enclin à la noblesse d'âme, en l'espèce, le retors et machiavélique abbé Troubert.

L'autre grande figure de l'histoire est la logeuse de Birotteau, Mlle Gamard, grenouille de bénitier pingre, ambitieuse et malfaisante à souhait dont Honoré nous dresse un portrait aux petits oignons, qui à lui seul vaut le détour.

À lire ou à redécouvrir absolument sans modération pour se délecter des bas calculs, jalousies, orgueils et autres naïvetés. À mon sens, l'un des très bons crus acides, corrosifs à souhait de notre fantastique Honoré de Balzac, mais suis-je bien objective avec ce géant parmi les géants ?

2) PIERRETTE.
Ensuite, nous sommes transportés au sud-est de la région parisienne, dans le Provins des années 1825-1830 et l'on voit s'y épanouir la petite mesquinerie commerçante et provinciale d'un couple borné et absolument irrespirable, les Rogron frère et soeur, tous deux célibataires endurcis après une minable quoique rentable vie de merciers à Paris.

Parmi les rejetons éparpillés du rameau familial, exactement à l'instar des Rougon-Macquart capable de faire germer, sur un malentendu, un individu estimable, on trouve la petite Pierrette Lorrain, cousine des deux affreux, d'au moins vingt-cinq ans leur cadette, et aussi innocente, simple et admirable que les autres sont retors, prétentieux et détestables.

Par un hasard de mauvaises fortunes et d'héritages détournés, Pierrette va donc se retrouver pupille de ses cousins à Provins, elle qui a grandit près des embruns en Bretagne.

Tour à tour faire-valoir social, outil stratégique et enjeu matrimonial, on assiste impuissants à la mise au pilori de Pierrette (Pierrette et le poteau laid, en somme) par son cousin et surtout sa cousine Sylvie Rogron. Mais c'est sans compter sur l'intervention de Jacques Brigaut, un brave parmi les justes, qui voudrait bien arriver à inverser la tendance et à rendre à Pierrette un peu de sa dignité d'être humain et d'amour tout simplement. Y parviendra-t-il ? Ça c'est ce que je m'interdis de vous révéler.

En tout cas, c'est du très grand art Monsieur de Balzac, ça ne donne pas spécialement le moral, ça ne nous fait pas particulièrement aimer davantage l'humanité, mais c'est admirable dans son style, un patrimoine romanesque à inscrire sur la liste de l'Unesco, car malheureusement, ça a existé et ça existe encore de nos jours, peut-être avec une ou deux modalités différentes, mais si peu.

Bref, selon moi un autre opus majeur de la Comédie Humaine et de la littérature française en général, qui est probablement à la source des Rougon-Macquart de Zola et des Misérables d'Hugo, rien que ça, excusez du peu.

Mais ce n'est que mon avis, un tout petit avis aux pieds de l'immense Balzac, c'est-à-dire vraiment pas grand-chose.
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Ce n'est rien de dire que l'abbé Birotteau est aux anges quand il hérite à la mort de son ami l'abbé Chapeloup de ses beaux meubles et de sa chambre dans la pension de la respectable mademoiselle Gamard. Il en avait tant rêvé, et voilà que son rêve devient réalité. Il est même persuadé que la charge de chanoine laissée vacante par son ami ne peut maintenant que lui échoir. Pauvre abbé Birotteau, il est tellement naïf et crédule. Comment pourrait-il imaginer dans quelle taupinière il vient de mettre les pieds?

Alors là, je me réconcilie avec Balzac ! Cette critique des clivages d'une société et de ses luttes de pouvoir est féroce mais que c'est finement observé, analysé, orchestré !

La plume acérée De Balzac ne nous épargne rien des dessous peu ragoutants qui s'enchevêtrent sous la robe rutilante de la bienséance, les rivalités intestines qui grouillent, les enjeux personnels et manoeuvres retorses qui régissent les individus. Médisance, mesquinerie, convoitise, jalousie, vengeance, manipulation, ambition, vanité s'étalent et rivalisent sans complaisance. D'un évènement anodin, c'est toute la société tourangelle qui va être ébranlée.

L'ambition et la vanité tiennent bien évidement une place de choix. le célibat (particulièrement celui des vieilles filles) n'est pas non plus en reste. le tandem mademoiselle Gamard et l'abbé Troubert est délicieusement méprisable, d'un machiavélisme redoutable. La confrontation finale de l'abbé Troubert et madame de Listomère est un grand moment d'hypocrisie et de duplicité. Un dialogue d'une justesse remarquable. Quant à notre pauvre abbé Birotteau, il ne pipe pas grand-chose à ce qui se passe…

Oh que tout cela est bien peu chrétien. C'est féroce, poignant, implacable. Je l'ai lu il y a maintenant plusieurs mois et je saigne encore…
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● "Le curé de Tours" est une merveille, comme Balzac savait nous en offrir !
Le grand écrivain y dépeint les vices des hommes, la cruauté de la société, avec cette qualité de construction qui caractérise ces ouvrages.
C'est admirable de voir, comme Balzac, utilise tous les moyens à sa disposition, dans des romans totaux, pour écrire des livres parfaits.
Le personnage principal du "Curé de Tours" est un chef-d'oeuvre ; c'est un asocial, bon, affable, qui découvre la société et subit le poids de celle-ci.
Comme toujours, dans ce livre, Balzac est parfait : parfait dans l'histoire, passionnante ; parfait dans la construction narrative ; parfait, de par les personnages ; bref : parfait à tous points de vue !
C'est du grand Balzac, un livre de ce Balzac qui semble préfigurer toute la littérature française du XIXème siècle…
Bref, voilà un excellent Balzac, corrosif, satirique, intelligent, parfait, aussi bien du point de vue de la réflexion que littérairement parlant.
Un coup de coeur, pour ma part.

le curé de Tours semble s'ennuyer un peu, dans sa province, dans ce roman. Pourtant, les sombres machinations d'un clérical arriviste sont bien intéressantes…
Dans ce bref roman passionnant, on sent tout l'art d'écrire balzacien. Balzac décrit la société qui l'entoure, cette société cruelle où la naïveté, l'innocence et la bonté désintéressée n'ont pas leur place. La fin est désabusée au possible ( comme souvent chez Balzac ).
Il y a dans ce roman un crescendo magnifique. Chaque phrase est ciselée à la perfection. Balzac fut un grand et il est encore actuel… Dans ces romans, il y a ( on le sent ) quelque chose de tragique, à l'oeuvre, comme une fatalité. Dans "Le curé de Tours", Balzac nous livre un de ses chefs-d'oeuvre, l'un de ses livres unique, magiques, magnifiques, l'un des plus grands livres de "La Comédie Humaine".
Il y a quelque chose d'un peu mélancolique, parfois, dans "Le curé de Tours". Ce texte est un grand moment d'émotion, vraiment l'un des plus grands Balzac, l'un des plus beaux, l'un des plus réussis.
C'est court, mais ça se lit comme on boit un nectar dont l'on goûte toutes les nuances, toutes les subtilités. J'ai tout aimé : le style, la construction narrative, la grande empathie affichée par Balzac avec ses différents personnages, d'une fine psychologie, l'analyse sociale profonde…
"Le curé de Tours" est, pour moi, une pépite, un chef-d'oeuvre et fait partie de ces livres qu'on oublie pas, qui marque et dont on se souvient encore longtemps après les avoir lus…
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le titre initial de cette nouvelle était " Les Célibataires "et après Balzac l' a intitulé " le Curé de Tours " .Cette nouvelle fait partie Des Scènes de la Vie de Province de la Comédie humaine" .Les principaux protagonistes de cette nou-
-velle sont : le vicaire, François Birotteau- L' abbé Troubert- et la logeuse,mademoiselle Gamard. le vicaire, Birotteau, prêtre simple et débonnaire est victime d' une conspiration menée par la logeuse, mademoiselle Gamard en complicité avec l' abbé Troubert. Ce qui unit les deux comparses, Troubert et la vieille fille Gamard , c' est leur fiel ! Ils font tout pour le rabaisser et l' humilier en le faisant sortir du logement qu' il occupe. L' abbé lui prend sa bibliothèque. le gentil vicaire est harcelé par la vipère, Mlle Gamard et l' hypocrite abbé qui est jaloux du vicaire.
Cette nouvelle est agréable à lire et sa lecture est plaisante.
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Il y a quelques mois j'ai lu La vieille fille et j'avais été particulièrement impressionnée par le portrait saisissant que Balzac avait fait à la fois de la figure de la vieille fille et celle de la ville de province.
Bien que le curé de Tours fasse partie d'une trilogie différente de la vieille fille (Les Célibataires vs Rivalités de province), et que ce soit une nouvelle et non un roman comme la première, on y retrouve quasiment les mêmes thèmes, dans un contexte différent, et poussés à leur paroxysme. J'en ai été encore une fois totalement saisie.
Ici le personnage principal c'est l'abbé Birotteau, François, frère du fameux parfumeur au roman éponyme, César Birotteau. Il mène une vie ecclésiastique plutôt paisible dans la douceur Tourangelle où il loge chez une certaine mademoiselle Gamard. Tout aurait pu se passer sans encombres. Mais c'était sans compter l'indolence de Birotteau qui ne se rend pas vraiment compte de ses maladresses, l'orgueil de mademoiselle Gamard, qui ne peut tolérer qu'on blesse sa fierté et l'ambition de l'abbé Truchard, ami de cette dernière qui sans mot dire est prêt à tout pour franchir les échelons. Les deux amis, que la présence du pauvre Birotteau gène, mèneront une guerre froide et silencieuse pour s'en débarrasser, et tout ira decrescendo pour lui.
C'est une nouvelle et pourtant cette histoire m'a fait l'effet d'un roman tant elle est intense. Encore une fois, tout y est ; descriptions, tension, rebondissements et surtout portraits. Portrait incisif et cinglant de la prêtrise et de ses effets sur les hommes, de la réalité derrière le voile de la religion et du mélange malsain entre ambition terrestres et ambition céleste. Portrait de la province qui a élevé au rang de sport la médisance et les bavardages malveillants dont elle a besoin pour maintenir la vie sociale. Mais le portrait le plus saisissant, le plus marquant est celui de mademoiselle Gamard dont Balzac dissèque et analyse aussi finement que chirurgicalement les tensions internes que crée, en elle et en chaque femme de ce temps, cette position presque contre-nature du célibat prolongée, de la frustration qu'engendre cette place floue que ces femmes occupent malgré elles et qui doivent tenter tant bien que mal de continuer à exister dans la société. Là ou mademoiselle Cormon (La vieille fille) avait choisi d'agir avec bonté malgré les regards, mademoiselle Gamard, elle, n'écoutera que son ressentiment.
Je n'aime pas les anachronismes mais j'ai trouvé Balzac particulièrement féministe lorsqu'il pointe du doigt ce que la société inflige à ces femmes et ce que ces femmes s'infligent elles-mêmes à cause de la société :
« Ces êtres ne pardonnent pas à la société leur position fausse, parce qu'ils ne se la pardonnent pas à eux-mêmes. Or, il est impossible à une personne perpétuellement en guerre avec elle, ou en contradiction avec la vie, de laisser les autres en paix, et de ne pas envier leur bonheur. »
« Un préjugé dans lequel il y a du vrai peut-être jette constamment partout, et en France encore plus qu'ailleurs, une grande défaveur sur la femme avec laquelle personne n'a voulu ni partager les biens ni supporter les maux de la vie. Or, il arrive pour les filles un âge où le monde, à tort ou a raison, les condamne sur le dédain dont elles sont victimes. »
Si l'on n'y prend pas garde et qu'on lit ces passages avec le regard de 2024 on pourrait mal y voir, mais si l'on se place en 1832 l'analyse qu'il livre devient avant-gardiste, frappante et compatissante. En utilisant la fiction Balzac étudie les femmes sous toutes leurs coutures, les contradictions et les difficultés auxquelles la société les confronte, et c'est vraiment un aspect que j'adore absolument chez Balzac. C'est pour cela que j'avais tant aimé La maison du chat-qui-pelote, le bal de Sceaux, La vendetta, Eugénie Grandet et La vieille fille. Et encore une fois j'ai adoré, j'ai été totalement fascinée par le curé de Tours, et même quelques fois émue.
Bref, encore un coup de coeur. Tu as trop de talent Honoré.
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J'ai ouvert le Curé de Tours, dans son édition Folio de 1976, en regardant les pages jaunies et craquantes, en sentant leur subtile parfum de poussière compressée, j'ai pensé :
les hommes vieillissent bien mieux que les livres, encore qu'il finissent par mourir, alors que les livre sont éternels.
J'ai vécu près de trente années à Tours, une ville de pharmaciens et de notaires (j'avais oublié qu'Alain Souchon aurait pu concourir au titre envié de Balzac de la chanson Française."
Dans une thèse de renom publiée en 1998, Nicole Mozet : "La ville de province dans l'oeuvre De Balzac", démontre que cet auteur à crée le concept de ville moyenne, ces villes dans lesquelles il ne se passe rien, excepté dans les confessionnaux, les études, les cabinets médicaux, les officines et les offices.
"Si les grandes choses sont simples à comprendre, faciles à exprimer, les petitesses de la vie veulent beaucoup de détails"
A peine installé à Tours, ma curiosité me poussait vers la rue de la Psalette, ses pavés ceinturent la cathédrale Saint Gatien, et de l'abside, on peut aussi rejoindre la rue de la Bazoche, et la rue du Général Meunier qui entoure des bâtiments ecclésiastiques.
Mais on ne peut plus, hélas, faire le tour complet de la cathédrale comme on le pouvait autrefois.
Cette débauche de pavés, à l'époque encore peu disciplinés comme ils le sont aujourd'hui, l'éclairage défaillant, les pierres de tuffeau grisâtres dans la nuit obscure, poussaient l'imagination à voir au détour d'un pignon la silhouette de l'abbé Birotteau (le frère de César) , les épaules courbées, la mine battue, en but aux manoeuvres vipérines de l'abbé Troubert et de Mademoiselle Gamard, sa logeuse.
Ce n'est pas un roman sur la religion, ni une histoire de curés, mais une histoire de moeurs, la lutte entre deux hommes, ou plutôt la lutte de Troubert contre Birotteau, pour les honneurs des fonctions de chanoine puis d'évêque.
Birotteau est persuadé qu'il succèdera naturellement à l'abbé Chapeloud, Troubert lui est certain que Birotteau n'est pas fait pour cette charge alors que lui, l'est parfaitement.
Devinez ce qu'il advint.
Le lecteur, c'est le mystère de l'écriture balzacienne, s'identifie au personnage de Birotteau, un looser dirait-on aujourd'hui, un "héros négatif" pour Nicole Mozet.

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J'avais quelque peu délaissé mon projet de lecture ou de relecture de la Comédie Humaine d'Honoré de Balzac… Un an sans lire un Balzac ! Comme le temps passe vite…

LE CURÉ DE TOURS :

Ce modeste petit roman, le Curé de Tours, publié en 1832, date des débuts de la carrière littéraire De Balzac.
A priori, le héros éponyme n'a rien d'exceptionnel ; l'intrigue n'a rien d'extraordinaire ; l'action tient dans quelques quartiers de Tours où un brave abbé, objet de la haine d'un prêtre ambitieux et de sa logeuse, devient la victime d'une machination… Pourtant, c'est un véritable petit drame qui, par ses côtés analytique et philosophique, fait le lien entre étude de moeurs, étude de caractères et roman d'intrigue : sans comprendre ce qui lui arrive, le vieux prêtre est chassé, spolié, interdit par l'évêque et trahi par ses amis.

Selon Balzac, le célibat mène à l'horreur ou à l'héroïsme et les célibataires sont souvent décrits comme égoïstes ou nuisibles. Les différents personnages du Curé de Tours livrent une description des moeurs provinciales au travers des types sociaux de la vieille fille et du prêtre.
Les passages sur Melle Gamard rappellent La Cousine Bette (autre roman de vengeance dans la maison) et pourraient être publiés à part, dans une physiologie. C'est une adepte des « intrigues mesquines, des caquetages de province et des combinaisons égoïstes » ; son physique et son intérieur sont en adéquation avec son caractère. Elle représente la société bourgeoise et n'est pas admise dans la société aristocratique tourangelle. Melle Salomon, quant à elle, est une vielle fille héroïque au « dévouement religieusement sublime, sans gloire » ; elle a été belle, a aimé, c'est une « personne simple de manières, franche en son langage », discrète, elle a « les belles qualités que développent les grandes douleurs », passe « pour une bonne personne », fait du bien et s'attache aux êtres faibles, d'où son intérêt pour l'abbé Birotteau.
Les personnages des prêtres appartiennent au même type social même si leurs moeurs sont différentes. L'abbé Birotteau est décrit dans un égoïsme naturel renforcé par l'étroitesse de la vie de province, un « égoïsme franc et maladroit ». L'abbé Troubert cache son jeu. Les remontées en amont convoquent une forme de mémoire narrative autour du personnage de l'abbé Chapeloup : le souvenir de cet homme admirable obsède le récit, le hante d'une manière troublante ; lui, c'était un « égoïste aimable et indulgent », un « égoïste adroit et spirituel ». Il s'était opposé à l'élévation de l'abbé Troubert, mais « secrètement et avec beaucoup d'esprit », lui avait adroitement refusé l'accès aux salons de la meilleure société de Tours, avait même conseillé à l'abbé Birotteau de s'en méfier. Surtout, il avait su gérer ses rapports avec Melle Gamard contrairement à l'abbé Birotteau qui va commettre des erreurs. C'est une figure totémique créditée d'autorité, objet de respect et d'interdit.

L'intrigue est complexe et se développe à plusieurs niveaux qui s'interpénètrent. Tout commence par une conspiration domestique : récemment installé chez Melle Gamard, l'abbé Birotteau délaisse le cercle de cette dernière parce qu'il s'y ennuie… Cette attitude lui vaut une inimitié qu'il ne sait pas voir et dont il prend conscience de manière floue et tardive se retrouvant horrifié et perplexe dans la peau du persécuté quand commencent les brimades mesquines ; il envisage alors successivement une série de solutions pour se tirer d'affaires ; mais sa faiblesse de caractère et son aveuglement le rendent vulnérable face à l'hostilité de Melle Gamard et la force du complot dans lequel il se trouve pris.
En effet, le problème passe au plan ecclésiastique à cause de l'ambition de l'abbé Troubert, patient dans son désir de vengeance. L'abbé Birotteau tente d'abord une médiation auprès de lui puis s'éloigne le temps d'un séjour chez Mme de Listomère où on l'encourage à porter son litige devant les tribunaux.
Enfin le drame s'élargit encore au niveau politique : de véritables clans se forment autour du triangle Melle Gamard/ Abbé Troubert/ AbbéBirotteau selon les clivages politiques Tourangeaux. La querelle Birotteau-Listomère VS Gamard-Troubert cristallise tous les antagonismes, toutes les passions tourangelles. le pauvre abbé Birotteau devient un pion dans un jeu de salon quand Mme de Listomère et ses amis le poussent à l'affrontement puis l'abandonnent à son sort. L'abbé Troubert et Melle Gamard acquièrent de véritables statures : Troubert n'est plus l'abbé effacé sous la coupe de Melle Gamard mais un redoutable membre de la Congrégation. Ces deux personnages sont tirés vers le haut tandis que l'abbé Birotteau est réduit à néant.

Des réflexions, des commentaires, des digressions ou encore des propos idéologiques poussent cependant les limites de l'étude de moeurs dans une tentative moralisante ou philosophique. le romancier se veut aussi penseur.
Le Curé de Tours est une critique du clergé dans un roman sur la convoitise et la vengeance. L'abbé Birotteau par son goût du confort et son désir de devenir chanoine et l'abbé Troubert porté par l'ambition sont devenus prêtres par opportunisme et non par application des vertus chrétiennes. C'est un roman de moeurs et un roman à thèse, roman d'idée à la fin car Balzac propose un prolongement du roman dans un domaine où on ne l'attendait pas, sur la nature de l'homme.

Je recommande le téléfilm tiré de ce roman avec Jean Carmet dans le rôle de l'abbé Birotteau, Michel Bouquet dans celui de l'Abbé Troubert et Suzanne Flon en Melle Gamard (https://madelen.ina.fr/programme/le-cure-de-tours).

PIERRETTE :

Pierrette est un livre peu connu De Balzac, présenté par son auteur dans sa dédicace à Mademoiselle Anna de Hanska comme « une histoire pleine de mélancolie »… Personnellement, je qualifierai plutôt ce roman d'illustration sordide de la maltraitance familiale ordinaire, de la négligence et de la non-assistance à une personne vulnérable en danger.

A douze ans, Pierrette Lorrain, orpheline, est confiée par ses grands-parents, ruinés, à Sylvie et Jérôme-Denis Rogron, des parents éloignés, merciers retraités, frère et soeur célibataires. Fraichement débarquée à Provins depuis sa Bretagne natale, la fillette est une belle enfant, spontanée, en quête d'affection ; les Rogron sont tout le contraire, calculateurs, mesquins, aigris… Ils occupent, à ce titre, une place de choix dans la galerie des célibataires de la Comédie humaine, vieille fille et vieux garçon exemplaires !
Tout au long du roman, Balzac donne à lire la montée en puissance du calvaire de Pierrette qui devient petit à petit la servante de la maison et le souffre-douleur de Sylvie Rogron. de réflexions désobligeantes en brimades, de jalousies en rancoeurs, de violence verbale puis physique, de manigances en manipulations, la fillette devenue adolescente est littéralement et méthodiquement démolie. Souffrante, maladive, elle évite de se plaindre, n'est pas soignée à temps…
En parallèle, Balzac nous décrit par le menu la rivalité entre deux clans politiques rivaux de Provins, reflet de la situation de la France sous le règne de Charles X ; des luttes politiques locales opposent les légitimistes et les libéraux qui se répartissent dans les salons influents de la ville. En effet, Sylvie Rogron reçoit beaucoup dans sa maison et les Rogron participent à des intrigues diverses et variés, politiques et même matrimoniales. Si la situation de Pierrette est remarquée par quelques protagonistes, personne ne s'intéresse assez à son sort pour lui venir réellement en aide ou alors, bien trop tardivement.
Seul Jacques Brigaut, son ami d'enfance et amoureux, apporte un peu d'espoir à la jeune fille.
J'ai déjà parlé de mon intérêt particulier pour le docteur Horace Bianchon, qui fait partie des rares bonnes volontés de cette histoire, et que j'aime retrouver tout au long de la Comédie humaine, lors de ses apparitions… On le croise ici au chevet de la pauvre Pierrette.

La narration souffre parfois des habituelles longueurs balzaciennes, surtout quand il s'agit de planter le décor des luttes politiques locales et de décrire les tenants et aboutissants de la situation sociale des Rogron. On se perd parfois dans un certain nombre de digressions…
J'ai cependant apprécié les réflexions sur les mariages tardifs et les risques des grossesses à un âge avancé.

La morale de cette triste histoire est particulièrement sordide et cynique, même si les Rogron sont jugés pour les mauvais traitements infligés à Pierrette ; l'épilogue montre la réussite future des notables mis en scène dans le roman et l'oubli du destin tragique de la jeune fille.
Un livre cruel, pessimiste…
Un huis-clos provincial sans espoir, une tragédie intime supplantée par des luttes politiques sans la moindre envergure.
Un texte à découvrir pour sortir des sentiers rebattus.
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Au début la démonstration est claire ,et même d'une agacante symétrie. Ce ne sont pas deux personages que Balzac va nous présenter,ce sont deux et l'on pourrait croire qu'un moment, Honoré de Balzac s'est mué en Horace Bianchon.
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Décidément les Birotteau n'ont pas de chance, chez Balzac!
Que ce soit le parfumeur qui voit son commerce péricliter ou celui-ci, brave curé, raisonnablement ambitieux qui voit tous ses projets de canonicat partir à vau l'eau. Pourquoi?
Tout simplement à cause de sa logeuse, une vieille fille jalouse, frustrée d'avoir été privée de sa présence un soir qu'il était chez les aristocrates locaux.
"La jalousie est un sentiment indélébile dans les coeurs féminins. Les vieilles filles sont donc jalouses à vide, et ne connaissent que les malheurs de la seule passion que les hommes pardonnent au beau sexe, parce qu'elle les flatte."
Frustration sociale, plus ou moins amoureuse aussi, car la vieille demoiselle n'a pas ses entrées chez les nobles. Avec elle, se terre un curé rongé par une autre frustration, celle de n'avoir pas été l'ami et le dauphin du chanoine qui vient de mourir et qui a accordé l'héritage de sa fortune, notamment une splendide bibliothèque, au curé Birotteau qui se sent, au début de cette longue nouvelle, comme pousser des ailes. Il est parfaitement heureux de son logement, vaste, confortable jusqu'au jour où il rentre sous la pluie nocturne, qu'on a déplacé sa chandelle pour qu'il ne s'éclaire pas en rentrant et qu'on lui a pas allumé de feu. de petites mesquineries en petites mesquineries, ce sera la déchéance pour le pauvre curé, obligé d'abandonner son beau logement, l'héritage de sa bibliothèque. On lui ruine sa réputation, une aristocrate tente de le loger mais les ambitions des nobles les empêchent vite de se compromettre et il finissent par l'abandonner à son triste sort.
D'autre part, le curé Troubert a travaillé dans l'ombre pour accéder à l'évêché, et Balzac montre bien que la réussite sociale sourit souvent aux médiocres et c'est en cela qu'il reste un auteur moderne. le défaut du "curé de Tours", de l'abbé Birotteau est qu'il n'est pas intrigant, trop naïf avec la société qui l'entoure et il finit par se faire rouler dans la farine par les uns et les autres. Il n'a pas de passions tristes, voire pas de passions du tout et cela fait de lui presque un suspect.
"Un homme de génie ou un intrigant seuls, se disent : – J'ai eu tort. L'intérêt et le talent sont les seuls conseillers consciencieux et lucides."
"'il est nécessaire à l'homme d'éprouver certaines passions pour développer en lui des qualités qui donnent à sa vie de la noblesse."
Tout ce que l'abbé Birotteau n'a pas compris. Trop pur.
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Il n'y a pas une once de spiritualité chez l'abbé Birotteau, vicaire de Saint-Gatien, sexagénaire de constitution apoplectique et sujet à la goutte, pensionnaire de Mlle Gamart, après son ami l'abbé Chapeloud et héritier de la bibliothèque de celui-ci. Préoccupé de son confort et tenant à ses habitudes, sans envergure aucune, il se prend pourtant à rêver d'un canonicat. Mais pour ne pas avoir su ménager la susceptibilité de sa logeuse et ne s'être pas défié des ruses de son confrère, l'abbé Troubert, il sera victime d'une conspiration et perdra tout ce à quoi il tenait. Cette peinture des intrigues provinciales dans un milieu étriqué et pusillanime est féroce. Balzac émet au sujet du célibat féminin des considérations qui font frémir, mais qui reflètent sans doute celles de son époque.
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