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EAN : SIE339837_514
inconnu (30/11/-1)
4.5/5   2 notes
Résumé :
Editeur G. Charpentier
1883
468 pages

ARIS VECU - 1882 -
I.
Préface
.......... Page(s) .......... 1
II.
Les Femmes
.......... Page(s) .......... 10
III.
L'Honneur
.......... Page(s) .......... 17
IV.
L'Académie
.......... Page(s) .......... 24
V.
Bureaucratie
.......... Page(s) .......... 31
VI.
Le Vin
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Citations et extraits (4) Ajouter une citation
Ainsi, mon cher Louis, nous avons voulu l’égalité, et nous la possédons, à en pleurer. Non pas l'égalité devant la loi, qui est le droit légitime du citoyen, mais l'égalité complète, absolue, tyrannique, l'égalité de Procuste.
Grâce à laquelle nous sommes tous aussi grands, aussi gros, aussi robustes, aussi sages, aussi savants les uns que les autres, et nous nous ressemblons tous, comme un cornet de tabac ressemble à un autre cornet de tabac, et comme un morceau de galette de deux sous ressemble à un autre morceau de galette de deux sous.

Regardez ce veston, ce parapluie, ces cheveux sur le front en dents de loup, ce visage pâle, ennuyé et stupéfait ; c'est l'uniforme de tous les mortels, ou plutôt de l'unique mortel, car il n'y en a plus qu'un.

Oui, ce rêve tant choyé, l'égalité devant l'instruction, a été heureusement réalisé, autrement sans doute qu'on ne l'espérait, mais cela ne fait rien à l'affaire.

Sur ce point, tous les modernes se valent les uns les autres ; non que les gens du monde soient tous devenus aussi savants que Humboldt, mais parce qu'ils sont tous devenus ignorants (…)

Nous en avons eu la preuve à ces fameuses représentations du mardi, où sur trois mille spectateurs, possédant en général vingt mille francs de rente au minimum, il ne s'en trouve pas un qui ait jamais lu un vers de Racine ou de Molière.

À la bonne heure, ceux-là ne sont pas des empêcheurs de danser en rond, comme ces pédants de poètes qui exigent le texte dans son intégrité. On peut leur réciter du Molière adouci, noyé, étendu d'eau jusqu'à la vingtième dilution ; ce n'est pas eux qui se révolteront contre ce dosage homéopathique.

Tous les Français de l'heure présente sont non seulement égaux, mais pareils, comme le furent naguère ces soldats prussiens dont on peignait en noir toutes les moustaches avec le même pinceau, à travers une plaque de métal découpé.

Tant pis pour eux si leurs moustaches étaient moins larges que le trou ouvert dans la plaque, ou même n'existaient pas du tout, car alors l'artiste barbouillait de noir la peau nue pour obtenir un ensemble régulier.

Et comme ils se valent exactement les uns les autres, comme des pièces de monnaie frappées par le même balancier, par le plus juste des raisonnements, ils veulent tous autant de bonheur et d'honneurs qu'en possèdent ceux d'entre eux qui en possèdent le plus ; quoi de moins arbitraire et de plus strictement légitime ?
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Si le grand peuple que nous sommes pouvait périr, il périrait par l’indifférence.
La fièvre de l'amour, la fièvre du dévouement, la fièvre du devoir, la fièvre du génie, c’est la vie elle-même.
(…)

Dans la génération des jeunes gens qui ont vingt ans aujourd'hui, il existe, très heureusement à l’état d'exception et de très singulière exception, un clan d'êtres élégants, empaillés et tranquilles, dont la religion facile consiste à n'aimer rien, à ne vouloir rien, à ne s'intéresser à rien.
Tout ce dont on peut leur parler, depuis les étoiles du ciel jusqu'à la belle fille qui passe, leur paraît être du vieux jeu, en d'autres termes, usé, aboli, périmé.
Que l'un de leurs compagnons s’inquiète, par exemple, de sa mère ou de sa sœur malade :
« Oh ! disent-ils, il ne faudrait pas nous la faire à la famille ! »
Et, au bout du compte, il ne faut la leur faire à rien : ni à la patrie, ni à l’humanité, ni à la tristesse, ni à la joie, ni même au plaisir, car ils méprisent le plaisir, comme tout le reste.

Qu’aiment-ils donc ?
Ils aiment à ne pas être... Ennuyés et à ne s’occuper de rien. Ne leur parlez pas d'une découverte scientifique, ils auraient bientôt fait de murmurer d'une faible voix : « La Science, en voilà assez ! »
En art aussi, ils ont assez de tout : Delacroix, il n'en faut plus ; Véronèse, il n’en faut plus ; Michel Ange, il n'en faut plus.
Parlez-leur d'un drame moyen âge, ou antique, ou moderne, ils répondent :
« pourquoi moyen âge ? pourquoi antique ? pourquoi moderne ? » et, de fait, il est impossible de répondre à ce pourquoi.

« Veux-tu boire un bock (une bière) ? » demande un de ces abstentionnistes à son ami, et l’ami répond d'abord : « Je veux bien » ; puis, tout à coup, se ravisant, il dit, en levant son oeil sans regard : « Pourquoi un bock ? »
Question qui ne saurait être résolue. Car la nécessité de boire un bock, ou d'accomplir toute autre action, est impossible à établir, du moment que la partie intéressée la conteste.
Mais ils vont plus loin dans le non être. L'un d'entre eux penche nonchalamment ses lèvres vers les lèvres d'une femme aussi peu amoureuse que possible ; mais au moment où les deux bouches vont se toucher, il se retire lentement, parce qu'il s'est dit en lui-même : « A quoi bon ? »

En effet, il y a des femmes, dans cette nation, qu’il faudrait appeler les nihilistes, si ce mot n'avait pas pris une signification politique particulière , et à propos desquels je proposerais de créer un indispensable barbarisme en inaugurant le mot : les rien-du-toutistes ! Ces femmes, il faut les voir dans les soupers, dans les cabarets, dans les bals où elles traînent, je ne dirai pas leur ennui, le mot « ennui » serait trop faible, mais leur manque absolu de joie.
Elles s'en vont deux à deux, l'une grande, noire et terrible ; l'autre frivole, au nez retroussé. De temps en temps, à de rares intervalles, par un vieux reste d'habitude et de tradition, les jeunes gens les abordent et leur jettent un mot indifférent, auquel elles répondent par quelque chose d'encore plus indifférent.

Cependant, lorsque l'heure est suffisamment avancée, ils s'en vont souper ensemble, mais sans aucun entraînement, uniquement parce qu'ils sont au fond persuadés qu'ils appartiennent à la même espèce de mammifères.
Une fois qu'ils sont réunis, si par hasard l'un des soupeurs, ne songeant ni à ce qu'il fait ni à autre chose, prend quelque liberté avec sa voisine, celle-ci le laisse faire, parce que cela lui est égal. Mais le cas est rare.
Ils ne causent pas.

De quoi causeraient-ils ? Pour eux, la rose n'est qu'un végétal ; le printemps, qu'un assemblage de phénomènes atmosphériques. Ils peuvent dire au pied de la lettre, et beaucoup plus sincèrement encore que le prince Hamlet : « L'homme ne me délecte pas, monsieur, ni la femme non plus. » Aussi, pour obéir au besoin d'expansion que tout être possède en lui, se bornent-ils à hurler doucement des chansons de café-concert, entièrement dépourvues de sens commun et de beauté, et à imiter, avec le moins de fatigue qu’il leur est possible, des aboiements d'animaux et des cris d’oiseaux.

Ce petit monde ressemble à une tache d’huile, qui, si on la laissait faire, pourrait bien envahir tout. Mais, heureusement, je le répète, il n'existe encore qu'à l’état d'exception.
Pendant que ces amants du rien du tout aspirent à quelque chose de plus simple que le néant, il existe des jeunes gens du vieux jeu, qui poètes, cherchent le secret de la langue divine ; peintres, se donnent à l'ivresse de la couleur et à la sévère contemplation de l'histoire ; soldats, frémissent d'orgueil en touchant la noble épée ; savants, interrogent la matière et déchirent les cieux avares ; amants, voient le ciel dans le reflet d'un regard ou dans le rayon rose qui voltige sur un sourire. Ceux-là, qui sont la vraie réserve de l’avenir, sentent en eux le vivant frisson de l'humanité éternelle, qui ne peut pas et ne veut pas mourir.

Quant à ceux qui ont donné leur démission de tout, et qui ne tressaillent pas lorsque vient la saison des nids, considérons qu'ils sont moins coupables qu'ils n’ont l'air de l’être et que le piège où ils sont tombés était grandement ouvert sous leurs pas, car ils sont entrés dans la vie à un moment difficile.
En 1830, on avait cru à tout. Par un immense élan d'amour, l'homme avait embrassé tout le passé, voulant en ressusciter toutes les aspirations, tous les chefs-d’oeuvre toutes les gloires.
Trente ans après, en 1860, quand ces jeunes gens naquirent, l'esprit d'examen avait passé de la science dans la vie et démoli tout. Ils entraient dans une maison où il n’y avait rien, et ne pouvaient guère s'asseoir sur des chaises absentes.

Car comment vivre sans un ensemble d'idées communes ? Si le mot : Pourquoi ? flamboie partout comme un panache, il est impossible même de respirer, et l'existence est impraticable si l'on n'admet un certain nombre d’axiomes.
Rien de plus simple et de plus naturel que de manger un gigot cuit à point, en l’arrosant d'un bon vin de Mercurey ; mais si on conteste par des arguments l'utilité de ce repas, il n'y a pas de raison pour ne pas se contenter de manger les glands ramassés sous les chênes et de boire l'eau des ruisseaux.

Personne n'a jamais eu l'idée de demander à Eschyle ou à Sophocle pourquoi ils chantaient les hauts faits, les malheurs et les crimes de la race d'Atrée ; ni à Phidias, pourquoi il sculptait les images des Dieux, ni à Michel-Ange, à Véronèse ou à Benvenuto, pourquoi ils empruntaient leurs sujets à l'Ancien Testament (…)

Quand nos pères étaient des jeunes gens, si quelqu’un leur avait demandé pourquoi ils aimaient les nobles chants, et les belles filles, et le bon vin, ils auraient répondu à ce quelqu'un-lå en lui donnant amicalement l'adresse du docteur (...). Mais plus tard le Pourquoi est devenu un despote effréné, auquel on n'ose plus répondre tout bonnement : Parce que ! (…)
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Le grand poète Edgar Poe l'a dit : l'homme ne mourrait jamais s'il n'y consentait pas, et s'il ne cédait volontairement aux Anges de la mort.

Ce qui est vrai de la mort l'est aussi du malheur ; s'il triomphe de nous et nous terrasse, c'est seulement parce que nous faiblissons, et que nous cessons de résister avec assez de confiance et d'ardeur.

Rien ne fut plus beau que la Convention décrétant audacieusement la victoire ; on pourrait aussi décréter le bonheur, et il faudrait bien qu'il obéît ; car la volonté de l'homme est une divinité et mille divinités, dont la puissance n'a pas de bornes.
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Les Femmes s'ennuient, parce qu'il n'y a plus personne pour les amuser. Et comment les hommes songeraient-ils à remplir cette tâche délicate lorsqu'ils ne savent plus s'amuser eux-même ? Ils sont la proie d'un certain nihilisme, qui consiste à ne rien faire du tout, à rester indifférents et corrects au milieu de l'orgie comme dans les bureaux de la Chambre, et à manger les écrevisses à la bordelaise du même air que s'ils subissaient avec stoïcisme une opération chirurgicale.
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