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sur 1107 notes

Critiques filtrées sur 4 étoiles  
Je me laisse tenter par des lectures qui sortent de mes sentiers habituels. Je suis alors tombé sur "Les Diaboliques " dont le nom ne m'était pas inconnu.

Quel curieux recueil de nouvelles ! Ne le lisez pas en espérant quelques frissons ou scandales car les moeurs ont bien évolué depuis que Barbey d'Aurevilly les a publié il y a 150 ans... Ces six nouvelles se situent entre la Restauration et la Monarchie de Juillet, période de transition d'une société aristocratique à une société de bourgeoisie. Cela permet à Barbey d'Aurevilly de décrire magnifiquement les derniers instants d'un monde qu'il regrette tant (un peu trop de nostalgie peut être...)

Il faut le reconnaître, Barbey d'Aurevilly a une très belle plume. Peut-être en était il trop conscient tant certains passages sont longs et exigeants, bien que non nécessaires au bon déroulement de l'intrigue.

Quasiment toutes les nouvelles souffrent d'une mise en place bien trop longue avec un amas de détails et de précisions qui ne serviront pas par la suite. Il faut aussi s'attendre à une quantité impressionnante de références historiques et littéraires qui complexifie la lecture pour qui ne sort pas d'hypokhâgne. Il m'aura fallu finir les deux premières nouvelles avant d'être habitué à cette exigence de lecture.

Mis à part ces quelques défauts, j'ai particulièrement apprécié la description psychologique de chaque personnage, les nombreuses différences entre chaque intrigue et la part de mystère qui les entoure. Je retiendrai particulièrement "Le Bonheur Dans le Crime" et "La Vengeance d'une Femme".

Ces nouvelles sont donc inégales, assez exigeantes, mais offrent avec du recul un moment de lecture enrichissant sur une période charnière de notre histoire. À lire à tête reposée, au calme plutôt qu'à la plage !
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Les Diaboliques/Jules Barbey d'Aurevilly (1808-1889)
C'est toujours un plaisir de relire un écrivain comme Barbey d'Aurevilly qui vous raconte des histoires incroyables dans un style merveilleux qui s'illustre en de belles phrases bien construites de mots bien choisis.
La première des six nouvelles intitulée « le rideau cramoisi » met en scène le vicomte de Brassard, un dandy de la cinquantaine, capitaine à la retraite qui voyage avec le narrateur. Un homme porté sur les femmes ce vicomte :
« Je lui ai connu sept maîtresses, en pied, à la fois, à ce bon bragard du XIX é siècle. Il les intitulait poétiquement les sept cordes de sa lyre. »
Alors qu'il a dix sept ans, jeune soldat pensionnaire chez des bourgeois, apparaît à table un beau soir Alberte leur fille, dix sept ans également, telle l'infante du tableau de Velasquez, calme, réservée et impassible.
Et notre jeune militaire va connaître son premier galon d'aventure, une aventure peu ordinaire qui va mettre à l'épreuve son audace et son impudeur. La toute jeune et belle Alberte va le mener par le bout du nez à tel point que bien que sachant que les femmes nous font tous plus ou moins valeter, il n'imaginait pas une telle histoire :
« Elle me tenait éveillé cette Alberte d'enfer, qui me l'avait allumé dans les veines, puis qui s'était éloignée comme l'incendiaire qui ne se retourne pas … J'avais l'expérience des spasmes voluptueux d'Alberte, et quand ils la prenaient, ils n'interrompaient pas mes caresses… »
À noter que cette nouvelle est autobiographique et que le vicomte n'est autre que Barbey d'Aurevilly lui-même.
Dans la seconde nouvelle, « le plus bel amour de Don Juan », une ténébreuse adolescente se rêve enceinte de l'amant de sa mère dont elle est secrètement amoureuse.
« …ces jeunesses vert tendre, ces petites demoiselles qui sentent la tartelette et qui, par la tournure, ne sont encore que des épluchettes, mais tous étés splendides et savoureux, plantureux automnes, épanouissements et plénitudes, seins éblouissants battant leur plein majestueux au bord découvert des corsages, et sous les camées de l'épaule nue, des bras de tout galbe… ». Quel style !
Le meilleur régal du Diable, c'est l'innocence !
Dans la nouvelle intitulée « le bonheur dans le crime », Hauteclaire la bretteuse empoisonne l'épouse de son amant avant de goûter avec lui le bonheur parfait dépourvu de tout remords.
Dans « À un dîner d'athées », l'auteur nous convie en l'hôtel particulier de M. de Mesnilgrand où se déroule tous les vendredis des dîners pas très catholiques, c'est le moins que l'on puisse dire : au cours de ces repas, « on mariait fastueusement le poisson à la viande, pour que la loi d'abstinence et de la mortification prescrite par l'Église fût mieux transgressée.
Cela assaisonnait le dîner du vieux M. de Mesnilgrand et de ses satanés convives de faire gras les jours maigres, et, par-dessus leur gras, de faire un maigre délicieux. Un vrai maigre de cardinal !»
Des odalisques et des femmes telle que Rosalba, l'épouse du sieur Ydow, fréquentent et animent ces soirées, une femme dont on peut dire sans risque de se tromper « qu'il y a plus loin à son premier amant que de son premier à son dixième » !
« C'était sûrement le Diable qui dans un accès de folie avait créé Rosalba, pour se faire plaisir, du Diable, de fricasser, l'une après l'autre, la volupté dans la pudeur et la pudeur dans la volupté, et de pimenter, avec un condiment céleste, le ragoût infernal des jouissances qu'une femme puisse donner à des hommes mortels…On était toujours au début avec elle, même après le dénouement ! Elle fût sortie d'une orgie de bacchantes, comme pâmée, à demi-morte, on retrouvait la vierge confuse, avec la grâce toujours fraiche de ses troubles et le charme auroral de ses rougeurs… »
Jusqu'au jour où Ydow, son époux, ouvre les yeux et se vautre dans l'abjection et la bourbe avec Rosalba dans un scène plutôt gore.
La dernière nouvelle de ce recueil, « La vengeance d'une femme » met en scène une femme de noble ascendance italienne qui mariée par convention à un grand d'Espagne, le duc de Sierra Leone, va connaître le plus platonique des amours avec un certain don Esteban.
Mais après maintes péripéties, la duchesse finira par vengeance à l'encontre de son mari qui se débarrassera horriblement de don Esteban, dans les bas-fonds de Paris où en qualité de duchesse elle offrira inexorablement aux hommes son corps magnifique. Pour le déshonneur.
« Les Diaboliques », publiés en 1874, content six histoires de femmes pécheresses, animées de passions inavouables ou adultérines pouvant aller jusqu'au crime au cours de saturnales d'un autre temps.
Les six histoires sont basées sur des faits vrais.
L'auteur fut cependant accusé d'outrages aux bonnes moeurs. C'est Gambetta qui plaida la cause de Barbey d'Aurevilly auprès du gouvernement et l'affaire fut étouffée.
Auteur d'un style somptueux et luxuriant , Barbey d'Aurevilly ne peut résister à se fourvoyer dans de nombreuses digressions et allusions à la mythologie ou des personnages peu connus qui alourdissent le propos.



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Je lis pour découvrir des ambiances, des cercles que je ne connaîtrai jamais. La littérature est un véhicule tout terrain / tout airain qui parcourt les prairies vallonnées des histoires infinies. Elle nous permet d'observer à distance, à l'abri derrière les fils de phrases barbelés, une faune plus ou moins sauvage, antique ou contemporaine, réelle ou fictive.

Les diaboliques de Jules Barbey d'Aurevilly est un recueil de 6 nouvelles dont la forme oratoire restituent des conversations. Il y est fait état d'êtres singuliers, hommes, femmes ou couples qui ont croisé la vie d'un narrateur et que ce dernier essaie de décrire à son auditoire dans toutes leurs singularités.

Que cela soit à un compagnon de voyage dans un carrosse cahotant ou devant une assistance d'hommes faits, anciens militaires, prêtres defroqués et notables de chef-lieux, autour d'une longue tablée ; les méandres sont celles de ces discussions que l'on suit au fil de leurs rebondissements et méplats.

Le premier titre pressenti pour ces nouvelles qu'il commença à faire paraître dans le journal "La Mode" en 1850 était d'ailleurs Ricochets de conversations.


Le style est enlevé, plein de cette salive qui graisse une langue bien pendue.
Cette dernière sent bien son XIXème siècle et laisse transparaître les effluves de la décomposition. L'odeur âcre mais entêtante d'un monde qui meurt mais veut rester debout. Une aristocratie provinciale balayée par la Révolution et qui n'arrive plus à regarder L Histoire qui se repaît de sa lente agonie. Quelque chose de foutu et de désespéré qui m'a flatté l'oeil.

D'aurevilly voit ce microcosme d'un oeil attendri. Il loue ces nobles qui font honneur à leur rang en endurant le destin qui les frappe de manière stoïque et grandiose. Car ici peu ou pas de roturiers. Partout des titres de noblesses qui traînent derrière eux - comme des cadavres gonflés de cavaliers empêtrés dans leurs étriers - les restes de ces noms de familles dont la renommée s'est perdue dans la poussière des temps.

D'Aurevilly sort de ce creuset dont il s'est extrait dans sa jeunesse parisienne, banni volontaire parti pour la bamboche (à gauche la débauche) et ses frasques. Il y reviendra quelques années plus tard, ruiné et repenti dans un mouvement rétrograde typique de beaucoup de biographies. Chrétien fervent qui voit à nouveau la Vierge, lui qui n'en croisait plus guère. (à droite la vie droite...mmh mmh)

Les récits sont inégaux, allant de "bien" à "captivant". En conteur rusé, Barbey nous assomme dès le seuil avec le rideau cramoisi au rebondissement inattendu et dont je me souviendrai longtemps. Son symbolisme iconique moiré d'érotisme morbide est un fer rougi sur le front du lecteur indolent.

Il nous finit par une botte de sa composition, fidèle à son titre honorifique de Connétable des lettres : la vengeance d'une femme. Ne vous laissez pas avoir par son titre à l'air de téléfilm de M6 du dimanche 15h. Son côté scandaleux fonctionne encore sur le lecteur du XXIème siècle que je suis et qui en a pourtant vu et lu des vertes et des pas bien mûres.

Seul le dernier amour de Don Juan fut une dépressurisation. Un ennui modéré qui m'a d'autant plus fait apprécié la suite et le précédent. Là encore, une tactique ? Un instinct d'auteur qui place là, à dessein, son enfant qu'il sait le plus moche pour nous faire nous extasier sur le reste de sa progéniture ?

Allons bon !!!

"Les dessous de cartes d'une partie de Whist" mais surtout le superbe "Le bonheur dans le crime" et "À un dîner d'athées" sont bien là pour raviver le feu du récit.


Il y a des fulgurances. Des traits brillants qui fendent l'air jusqu'aujourd'hui. On sent le Barbey salonnard - pour ne pas dire salopard - qui devait jouter dans ces lieux et créer la sensation de son verbe haut et grandiloquent. Il y a dû avoir des blessé(e)s. Des egos décapités gisant sur les tapis persans de ces cercles ouatés de mondanités mesquines et concentriques.

On sent la lame acérée. Celle d'un critique abhorré de ses ennemis littéraires qu'il éreintait dans les journaux et qui fut sa principale activité à son grand dam. Zola, Hugo, ont pris le tarif. Ils ne se sont pas fait prier, ces mécréants, pour lui rendre la monnaie des pièces qu'il leur taillait.

Allez pour la plaisir et parce que j'adore ces duels (eh non Booba, tu n'as rien inventé), un petit panier garni qui vous donnera, je l'espère, envie de découvrir le tireur d'élite caché derrière ces balles pas perdues du tout :

Sur L'Assommoir de Zola, en effet il a sorti le maillet : "M. Émile Zola, l'auteur de L'Assommoir, cet Hercule souillé qui remue le fumier d'Augias et qui y ajoute !… M. Émile Zola croit qu'on peut être un grand artiste en fange comme on est un grand artiste en marbre. Sa spécialité, à lui, c'est la fange. Il croit qu'il peut y avoir très bien un Michel-Ange de la crotte…" (ce n'est qu'un extrait, un échantillon) Je vous laisse trouver la réponse de Zola, tout en précision et en conclusion rationnelle. Ce n'est pas moins violent mais à fleuret moucheté.

Sur l'homme qui rit d'Hugo : "Victor Hugo s'est mis à pointiller les choses les plus vastes : la mer, les espaces, le Léviathan, les montagnes, comme le pendu de son livre, dont il fait voir, par un enragement de description mêlé à une étourderie supérieure, jusqu'aux poils de barbe, du haut de sa potence et dans la plus épouvantable nuit. Entassement puéril des plus petites chiures de mouches"

Mais revenons à nos sublimes et dangereux animaux de papier.


Ces diaboliques sont souvent des femmes. On ne niera pas une misogynie assumée de l'auteur. Pourtant, ce sont ces personnages féminins qui marquent mon esprit. Leur démesure, leur mystère, leur passion. Ce sont elles qui flottent encore entre mes yeux. Barbey leur a donné une savane où leurs pelages peuvent luire sous la lune pleine de leurs tragédies. J'avoue que les personnages masculins sont moins intéressants, quand ils ne sont pas carrément vides comme un frigo au retour des vacances. Comme quoi, on peut être une cruche avec une paire de...euh une belle paire d'anses.


Et merci Barbey pour ce choix de noms effervescents qui ont ajouté à mon plaisir. Que je les aime ces noms que les auteurs trouvent à propos et qui en disent tant dans leurs sonorités sur l'homme ou la femme qui les portent en sautoir !!

Jugez donc : le vicomte de Brassard, le comte Jules-Amédée-Hector de Ravila de Ravilès (encore un Jules-Amèdée, décidément...le prénom à la mode du 19ème. Barbey se faufile dans ses habits à n'en pas douter), le docteur Torty, Delphine de Cantor, le comte Serlon de Savigny, Sophie de Revistal, Marmor de Karkoël (rhaaa ce nom...), Hermine Tremblay de Stasseville, le chevalier de Mesnilgrand, Travers de Mautravers, l'abbé Reniant (le bien nommé), commandant Sélune dit "le Balafré", le major Idow, La Rosalba, dite "La Pudica", Robert de Tressignies, Don Esteban marquis de Vasconcelos, Don Christoval d'Arcos, duc de Sierra Leone y otros ducados et Sanzia Florinda Concepcion de Turre Cremata, duchesse d'Arcos de Sierra Leone. Pour finir, ma préférée la vénéneuse et envoûtante Haute-Claire Stassin.

J'ai vraiment goûté cette impression impudique d'observer à la jumelle de superbes fauves. de loin et dans le calme clair de ma lecture.

Ces nouvelles sont matinées de quelques notes de fantastique (le rideau cramoisi) voire d'un romantisme gothique où le glauque et la mort ne sont pas absents. J'ai souvent pensé à un Edgar Poe dans les ambiances et dans l'effraction brutale de l'horreur dans le calme plat du réel.

Il a frôlé le procès pour outrages aux bonnes moeurs le filou. Incompréhensible, ce chrétien affirmé qui plonge son lecteur dans la fange, la mort, l'adultère, la prostitution, le vice le plus complet ?

La réponse d'Aurevilly est dans cet envers de médaille. L'Enfer, le sublime dans le mal c'est le Paradis en creux. Pour être épouvanté, il faut bien avoir une idée de Dieu ? Il n'y a blasphème que si il il y a croyance. Les Diaboliques sont donc un avertissement aux bons catholiques.

Bien joué l'artiste.

Je vais donc continuer à lire ce Barbey qu'Hugo appelait excellemment "Bardé d'or vieilli". A tort selon moi même si la formule est géniale. Je languis de lire ses critiques qui doivent être un champ de tir à la mesure de son extravagance.

Le personnage est détonnant. "Contrasté" dit-on dans les milieux universitaires pour ne pas dire "carrément chiant" pour ses ennemis littéraires. le contraire d'un homme à système qui n'a suivi que son goût et ses détestations. Paradoxal et donc de ce fait intéressant.

Barbé doré, vil lit.
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Livre que j'ai relativement apprécié, mais que j'ai trouvé étonnamment long à lire. J'avoue avoir été un peu déçue.
Déjà, on ne peut rien enlever à l'écriture, qui est riche et agréable à lire, j'ai beaucoup aimé.
Les thèmes des nouvelles étaient également généralement bien trouvés, et à la fin de quasiment chacune d'elles j'étais "satisfaite" de ma lecture et souvent surprise.
Cependant, j'ai trouvé que dans la plupart des nouvelles, l'intrigue mettait du temps à démarrer, que c'était un peu lent. Ça a rendu la lecture plus ardue, car si la suite de la nouvelle devient alléchante, il faut se forcer à arriver au moment où l'intrigue se lance... C'est le gros point négatif que j'opposerai à ce livre.
Je vous le conseille malgré tout, car il vaut quand même le détour!
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Mes impressions sur « les diaboliques » de Jules Barbey d'Aurevilly paru en 1874 chez l'éditeur Dentu.

J'ai parfois eu du mal à entrer dans certaines nouvelles, ce roman en contient six. Mais les chutes souvent prévisibles sont d'Enfer ! (sans jeu de mots)
« le rideau cramoisi » est l'un de mes favoris, Alberte est-elle frigide ? Quel est son jeu ? À la première page je comprends pourquoi Barbey est considéré tel le romancier qui observe comme Stendhal, peint à la Balzac et écrit à la façon d'un Mérimée.
J'ai moins aimé « le plus bel amour de Don Juan » et me suis interrogé sur le sens donné à cette nouvelle. Mais le talent s'exprime dans ces extraits : « …Et c'est au teint et non aux cheveux qu'il faut juger si on est brune ou blonde … C'était une brune aux cheveux noirs »
« le bonheur dans le crime » comme les autres nouvelles pourrait s'assimiler à une histoire authentique. C'est complètement amoral, je ne cautionne pas mais j'aime bien.
Je n'ai pas été porté par « le dessous de cartes d'une partie de whist » mais le plaisir est resté dans ces phrases clés « C'est de l'esprit servi dans sa glace, une femme froide à vous faire tousser » ou encore dans l'observation de la jalousie « L'envie de ceux qui restent, se venge à sa façon, du plaisir de ceux qui voyagent ». Barbey se révèle aussi en fin observateur « … le meilleur moyen, le seul peut-être de gouverner les hommes, c'est de les tenir par leurs passions »
C'est dans « à un dîner d'athées » que certains extraits m'ont séduit, Barbey exécute l'oxymore avec brio « Toutes ces bouches qui priaient à voix basse dans ce grand vaisseau silencieux et sonore ». le fatalisme surgit comme un couperet « ...J'avais ôté mon âme de cette liaison, et, d'ailleurs je ne traînais après moi, comme l'a dit je ne sais plus qui, la chaîne rompue d'aucune espérance trompée » Et, comme dans un tableau de maître l'auteur nous peint le sexe convoité « Ses cheveux appesantis par la chaleur, croulaient doucement sur sa nuque dorée, et elle était belle ainsi, déchevelée, languissante à tenter Satan et à venger Eve ! » Excellent Barbey aussi, dans l'exploration de l'âme féminine par les réponses jetées en salves vers l'amant jaloux et blessé qui l'assène de paroles brutales et abjectes.
« La vengeance d'une femme » intègre mon lot de préférences. L'intrigue est bien menée dans cette vengeance destructrice. L'ambiance tient en quelques mots « …Elle monta lentement l'escalier en colimaçon – image juste car cet escalier en avait la viscosité.. » et la mise en place de la scène dans cette description « …Des robes jetées çà et là confusément sur tous les meubles, et un lit vaste – le champ de manoeuvre, avec les immorales glaces au fond et au plafond de l'alcôve, disaient bien chez qui on était … »
En conclusion, je ne sais pas si Barbey d'Aurevilly avait des idées apophatiques sur les femmes ? Je ne suis pas hermétique à cet auteur, qui parfois se complait dans l'entropie ; il y a du talent là-dedans, c'est certain, mais que c'est long parfois! Des descriptions interminables, on a envie de bailler ! La séduction tient aussi dans ces histoires qui pourraient être réelles.
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Mon premier Barbey et quelle entrée en matière... Sa plume est si fluide que je me suis laissé emporté. Des violences aux sensualitées, jusqu'aux horreurs des scènes, Barbey d'Aurevilly m'y a emmené sans le moindre mal.
J'ai une préférence pour la dernière fable...
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Je n'ai d'abord connu de Barbey d'Aurevilly qu'un nom qui fleure bon son XIXème ( siècle hein, pas arrondissement, pour les parisiens qui me lisent). J'aurais eu du mal à le situer, poète, romancier, même peintre qui sait...

Et puis, ses Diaboliques se sont imposées à moi à deux reprises : pendant la lecture de l'Homme aux gants de toile de Jean de Varende, où l'auteur invente même une septième Diabolique et l'insère dans le roman; quelques jours plus tard, dans une émission de radio, où l'oeuvre est évoquée et encensée comme une lecture majeure. En littérature comme en amour, les signes sont essentiels, et je les ai donc suivi.

Ce qui frappe tout d'abord, c'est le style, recherché, intelligent, raffiné. J'ai lu notamment qu'il compte de nombreux héritiers dans la littérature française... dont Proust, qui n'est pas le moindre. Ce style s'enrobe d'un ton ironique, volontiers provocateur. L'auteur a beau chercher à se justifier dans son avant-propos en donnant un soi-disant objectif moral à ses histoires, le lecteur n'est pas dupe. On sent dans ses mots un plaisir immense à choquer, à trouver la tournure qui saura aller piquer au vif son époque. J'ai parfois eu l'impression de me retrouver devant un chroniqueur télévisé caustique dont le but est avant tout de faire le buzz. Et quand on regarde la biographie de l'animal, on découvre qu'il a surtout été connu comme critique littéraire avec notamment des mots très durs contre Flaubert ou Zola. On apprend aussi qu'il a théorisé le dandysme avant Baudelaire, et qu'est-ce qu'un dandy sinon un mondain volontiers dédaigneux de ses contemporains.

Il faut également parler de l'image de la femme qu'il renvoie. Dans son avant-propos, il reconnait que le titre de son livre pourrait très bien convenir aux femmes qu'il décrit. Même s'il promet d'écrire en contrepoint un recueil pour glorifier les femmes sages et de l'appeler les Célestes, il ironise immédiatement sur le fait qu'il aura peut-être du mal à en trouver... Il se fait sans doute le reflet du machisme de son époque, mais cherche surtout à faire rire son lectorat masculin, par des blagues de connivence virile.

Les aventures sexuelles sont le coeur de ses récits, même s'il prend beaucoup de précautions littéraires (il répugne ainsi à utiliser le mot putain dans La vengeance d'une femme, préférant utiliser la périphrase "Elle se rima elle-même en tain, comme un crocheteur qui l'aurait insultée"). Mais c'est sans doute dans ses moqueries de l'aristocratie et de la religion qu'il aura le plus choqué son époque. La nouvelle A un dîner d'athées lui permet ainsi toutes les plaisanteries anti cléricales possibles, tout en se plaçant lui-même d'un point de vue extérieur et critique qui sauve les apparences. Il utilise d'ailleurs à chaque fois le biais de l'anecdote racontée par un tiers, ce qui lui permet de mettre à distance le propos, grâce au "On m'a dit que" et en même temps, de renforcer la vraisemblance de chaque récit, car il précise régulièrement qu'il a changé les noms mais que tout est vrai.

On pourrait penser que ce sarcasme en continu tout au long des six nouvelles serait à force lassant... mais l'expérience est finalement assez réjouissante, le ton moderne alors que Zola lui reprochait d'avoir deux ou trois siècles de retard. L'éclairage donné sur son siècle est original et c'est ce que relève Proust qui va surtout y chercher le monde unique révélé par l'artiste. Les signes étaient donc postés là pour me faire découvrir une vraie voix de son temps, que je projette de découvrir via un roman pour voir si son ironie trouve sa place dans une forme plus longue.

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Un beau livre de la litterature classique francaise qui a plutot bien vieilli :il se lit dans les années 2000 avec le meme plaisir et l'histoire peut encore sembler assez actuelle : les caracteristiques d'un chef d'oeuvre à decouvrir et lire absolument !
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Un beau titre, qui a pu inspirer la belle chanson de Juliette "Le diable est une femme".
Car oui, les "diaboliques", ce sont d'abord des diablesses, des femmes vouées à l'enfer pour leurs pêchés, bien plus que les sept péchés capitaux d'ailleurs. Oui, il y a de la luxure autour d'un Don Juan moderne entouré de douze apôtres féminins dans un repas qui reproduit la Cène - mais c'est un souper fin dans un boudoir, de quoi satisfaire la gourmandise. Les relations entre mère et fille sont placées sous le signe de la colère dans deux histoires différentes, lorsqu'elles s'aperçoivent qu'elles aiment le même homme. Et la vengeance, qui est le nom d'un récit, n'est-ce pas une forme suprême de colère ? Il y a de l'envie et de la jalousie, quand une femme, Hauteclaire, assassine l'épouse de son amant pour pouvoir l'épouser au grand jour, pleine d'orgueil de sa beauté, plus fière qu'une panthère. Alberte, elle, ne fait-elle pas preuve de paresse en prenant pour amant le locataire de ses parents ?
Et il y a aussi du blasphème, entre impiété, vol, adultère, infanticide, assassinat... Mais pour que ces femmes soient coupables, c'est qu'il y a un homme dans l'histoire. Chaque récit commence d'ailleurs paradoxalement par le portrait d'un homme, souvent d'un homme fort, homme à femme et soudard, ou cynique et impie. Les diaboliques, ce sont donc aussi les hommes pour qui les femmes se rendent coupables.
Quelques récits marquants avec des portraits féminins de femmes qui aiment, désirent, cherchent leur plaisir. Des images marquantes assez glaçantes même.
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Les diaboliques, Barbey D'Aurevilly « Les diaboliques », c'est un recueil de nouvelles qui porte merveilleusement bien son nom.
Au travers de six nouvelles (Le rideau cramoisi, le plus bel amour de Don Juan, le bonheur dans le crime, le dessous de carte d'une partie de whist, À un dîner d'athées, et la vengeance d'une femme), Barbey D'Aurevilly s'intéresse à un thème qui lui est cher : le mal.
Au sens large, puisqu'il est question de passion, de désir, de violence, d'adultère, ou de mort.
Et quelle figure peut-être plus diabolique à l'époque qu'une femme pour exprimer cela ?

Servi par une écriture puissante, empreinte de beauté, ces femmes nous apparaissent déterminés, ensorcelantes, envoûtantes, dangereuses. Effrayantes.
Mais l'auteur nous confronte aussi au mal pour nous le livrer telle une critique, lui, l'auteur controversé mais le fervent chrétien.

À lire pour le style osé pour l'époque, et cette langue si riche et belle.

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