"Les Gens de Mogador" revêtaient pour moi un aspect un peu mythique tant j'ai entendu l'une de mes grand-mère et certaines de mes tantes en parler les yeux énamourés et des accents de passion dans la voix.
Pour elles qui avaient lu les livres et dévoré avidement le feuilleton télévisé, Mogador semblait un havre, un paradis livresque comme ont pu l'être pour moi Poudlard, la cour de
Louis XIII, Avalon ou encore Downton Abbey...
Forcement, tant de feu n'a pu que m'influencer et j'étais curieuse de découvrir ces gens de Mogador, d'y faire moi aussi mon nid à l'instar de certaines lectrices de ma famille.
Je ne suis jamais tombée sur la série. Quant aux livres, impossible de remettre la main sur les exemplaires familiaux que des décennies de vies ont dû éparpiller aux quatre vents. J'avais donc plus ou moins renoncé à ma tentation mogadorienne jusqu'à ce que j'apprenne qu'Archipoche rééditait la sage imaginée par Elizabeth Barbier.
Je l'avoue, je partais conquérante et sûre de moi: après tout les sagas familiales, j'adore ça, surtout si elles se font aussi fresques historiques.
Et puis le XIX°siècle, le Second Empire... Comment résister? Comment ne pas y croire?
C'est dans ces très bonnes dispositions que je me suis jetée dans la lecture, avec une délectation aussi gourmande... que brève...
N'en déplaise à ma grand-mère (et que son fantôme vienne me hanter, après tout, je ne demande que ça!) et à mes tantes, je n'ai pas du tout adhéré à l'histoire de Julia et des siens, pas plus que je ne me suis sentie fascinée ou accueillie à Mogador...
La jeune Julia Angellier est jolie, piquante et passionnée. Rebelle aussi. Son père est quant à lui un riche propriétaire terrien dont la loyauté ne sert d'autre maître que la monarchie et les Bourbon. Alors qu'il cherche à sa fille un parti convenable, cette dernière tombe éperdument amoureuse de Rodolphe Vernet, beau et ténébreux comme il se doit, riche et heureux propriétaire du domaine de Mogador.
Bien sûr que ce fol amour est partagé, sans quoi, il n'y aurait pas d'histoire.
Bien sûr que cette passion est pourtant interdite, sans quoi, il y aurait encore moins d'histoire.
Et pour cause, Rodolphe est un bonapartiste convaincu... L'équivalent du diable incarné pour Alfred Angellier qui éconduit donc le prétendant de sa jolie Julia sans cérémonie, à grands renforts de cris et d'insultes.
La jeune fille pourtant ne renoncera pas, pas plus que son amoureux et tant pis si pour gagner le droit d'être ensemble ils sont contraints de braver toute la bonne société d'Avignon, leurs familles, Dieu et les hommes.
Sur le papier, tout cela était on ne peut plus prometteur, mais cela n'a pas fonctionné avec moi. J'ose avancer l'hypothèse que la prose d'Elizabeth Barbier a vieilli et qu'elle est devenue par trop désuète. Il ressort en effet de son écriture quelque chose d'un peu suranné et de plat quand elle ne flirte pas avec la mièvrerie.
Au delà de l'aspect stylistique, le fond de l'ouvrage ne m'a pas non plus convaincue. Alors que la quatrième de couverture chatoyait de promesses avec les mentions conjointes des royalistes et des bonapartistes et me laissait penser que j'étais en possession d'une saga au coeur de laquelle le contexte historique se déploierait, riche, approfondi, pointu, il est en réalité complètement sous-traité, paysage vague, floue, prétexte à une romance qui n'est pas plus convaincante tant elle est mièvre, convenue. Tant elle a vieilli. le personnage de Rodolphe m'a paru par ailleurs on ne peut plus antipathique. Alors oui, on ne peut demander aux années 1940 de créer des héros qui ne soient pas des caricatures de masculinité mais tout de même, certains romans plus anciens ont produits des personnages bien plus subtiles, profonds... Julia n'est pas en reste: une Scarlett O'Hara délavée, ternie et tout aussi écervelée, si ce n'est plus.
Quand aux autres... Des caricatures...
J'ai donc refermé "Julia" avec une pointe de déception au coeur et la conviction que je ne lirai pas les cinq volumes suivants. Tant pis pour la légende familiale, je sais qu'au fond, elles me pardonneront.