Citations sur Océan mer (189)
Sable à perte de vue, entre les dernières collines et la mer - la mer - dans l'air froid d'un après-midi presque terminé, et béni par le vent qui souffle toujours du nord. La plage. Et la mer. Ce pourrait être la perfection - image pour un œil divin - monde qui est là et c'est tout, muette existence de terre et d'eau, œuvre exacte et achevée, vérité -vérité- , mais une fois encore c'est le salvateur petit grain de l'homme qui vient enrayer le mécanisme de ce paradis, une ineptie qui suffit à elle seule pour suspendre tout le grand appareil de vérité inexorable, un rien, mais planté là dans le sable, imperceptible accroc dans la surface de la sainte icône, minuscule exception posée sur la perfection de la plage illimitée. À le voir de loin, ce n'est guère qu'un point noir : au milieu du néant, le rien d'un homme et d'un chevalet de peintre.
Le problème, c'est : où diable peuvent-ils bien être, les yeux de la mer ?
— Je vous en prie, ne bougez pas, dit-il.
Puis il approche le pinceau du visage de la femme, hésite un instant, le pose sur les lèvres et lentement le fait glisser d’un coin à l’autre de la bouche. Les soies se teignent de rouge carmin. Il les regarde, les trempe à peine dans l’eau, et relève les yeux vers la mer. Sur les lèvres de la femme reste l’ombre d’une saveur qui l’oblige à penser « de l’eau de mer, cet homme peint avec de l’eau de mer » – et c’est une pensée qui fait frissonner.
La mer efface, la nuit. La marée recouvre. Comme si personne n'était jamais passé. Comme si nous n'avions jamais existé. S'il y a, dans le monde, un endroit où tu peux penser que tu n'es rien, cet endroit, c'est ici. Ce n'est plus la terre, et ce n'est pas encore la mer. Ce n'est pas une vie fausse, et ce n'est pas une vie vraie. C'est du temps. Du temps qui passe. Rien d'autre.
La mer, parce qu'il ne l'avait jamais vue, voyageait dans l'esprit du baron de Carewall comme un passager clandestin à bord d'un voilier ancré dans le port, toutes voiles amenées : inoffensif et superflu.
Car la science est bizarre, un animal bizarre, qui va se nicher dans les endroits les plus absurdes et travaille selon des plans minutieux qui, vus de l'extérieur, paraissent forcément impénétrables, et même parfois comiques, tellement ils ressemblent à un vagabondage oiseux, alors que ce qu'ils tracent c'est une géométrie de sentiers de chasse disséminés avec art, et de batailles stratégiques devant lesquelles il peut arriver qu'on reste ébahi [...]
Tu as des rêves, une chose à toi, intime, mais la vie en fait, elle ne veut pas jouer à ça, et elle te les démonte, un instant, une phrase, et tout se défait. Ce sont des choses qui arrivent.
On entendait la mer comme une avalanche sans fin, le tonnerre incessant d'un orage né d'on ne savait quel ciel. Elle ne s'arrêtait pas un instant. Ignorait la fatigue. Et la clémence.
Ce n'est pas vraiment une maladie, ça pourrait l'être mais c'est quelque chose de moins, s'il y avait un nom pour ça il serait très léger, le temps de le dire et il a disparu.
Depuis longtemps déjà elle s'est retournée, et elle mesure de nouveau la plage immense du rosaire mathématique de ses pas, quand le vent passe sur la toile sécher une bouffée de lumière rose, nue à voguer dans le blanc.