C’est la musique qui est difficile, voilà la vérité, c’est la musique qui est difficile à trouver, pour se dire les choses, quand on est si proches l’un de l’autre, la musique et les gestes, pour dissoudre le chagrin, quand il n’y a vraiment plus rien à faire, la juste musique, pour que ce soit une danse, un peu, et non pas un arrachement, de partir, de se laisser glisser loin de l’autre, vers la vie et loin de la vie, étrange pendule de l’âme, salvateur et assassin, si on savait danser cette chose-là, elle ferait moins mal, et c’est pourquoi les amants, tous, cherchent cette musique, à ce moment-là, à l’intérieur des mots, sur la poussière des gestes…
On croyait qu'elle allait grandir et que ça lui passerait. Et en attendant, on déroulait des tapis dans tout le palais parce que ses propres pas, bien sûr, l'effrayaient, des tapis blancs, partout, une couleur qui ne fasse pas de mal, des pas sans bruit et des couleurs aveugles.
Dans le parc, les sentiers étaient circulaires, à la seule et audacieuse exception de deux ou trois allées qui serpentaient en dessinant des boucles douces et régulières - psaumes - et c'est plus raisonnable, il suffit en effet d'un peu de sensibilité pour comprendre que tout angle mort est un guet-apens possible, et deux routes qui se croisent une violence géométrique et parfaite, capable d'effrayer quiconque serait sérieusement doté d'une vraie sensibilité, et à plus forte raison elle, qui à proprement parler 𝘯𝘦 𝘱𝘰𝘴𝘴é𝘥𝘢𝘪𝘵 𝘱𝘢𝘴 un tempérament sensible mais é𝘵𝘢𝘪𝘵 𝘱𝘰𝘴𝘴é𝘥é𝘦, pour employer un terme exact, par une sensibilité d'âme incontrôlable, explosée à tout jamais en un quelconque moment de sa vie secrète - une vie de rien, elle était si jeune - puis remontée au cœur par des voies invisibles et dans les yeux et dans les mains et partout, comme une maladie, mais ça n'était pas une maladie, c'était quelque chose de moins, s'il y avait un nom pour ça il serait très léger, le temps de le dire et il a disparu.
- Si on ne peut plus la bénir, la mer, peut-être qu'on peut encore la dire... il trouverait les mots justes, ceux qui, en une seule fois, disent tous les autres... pour finir il ne t'en reste plus qu'un seul dans la main, un seul. Et si tu le dis, tu dis la mer.
- Un mot n'importe lequel ? Même un mot comme carotte ?
-Oui, Ou bien hélas ou bien et cetera, on ne peut pas savoir, tant qu'on ne l'a pas trouvé.
- On ne peut pas prendre le mot mer ?
- Non, on ne peut pas prendre le mot mer.
-Alors c'est impossible. C'est une chose impossible.
- Va savoir ce qui est impossible.
- Et c'est comment ? La mer, c'est comment ?
Elle sourit, Elisewin.
- Très beau.
- Et puis ?
Elle sourit toujours, Elisewin.
- Et puis, à un moment, ça finit.
Il dit qu'écrire à quelqu'un est la seule manière de l'attendre sans se faire de mal.
...chacun a son voyage et doit le faire...
peut-être que le monde est une blessure et quelqu'un en ce moment la recoud...
...que nul n'oublie qu'on n'est jamais assez loin pour ne pas se trouver, jamais - jamais assez loin -
La mer efface, la nuit. La marée recouvre. Comme si personne n'était jamais passé. Comme si nous n'avions jamais existé... S'il y a, dans le monde, un endroit où tu peux penser que tu n'es rien, cet endroit c'est ici... C'est du temps. Du temps qui passe. Rien d'autre.
On croit que c'est autre chose qui sauve les gens : le devoir, l'honnêteté, être bon, être juste. Non. Ce sont les désirs qui vous sauvent.