Peurs, résistance, compromissions et lâcheté de l'un des meilleurs compositeurs russes sous le régime Stalinien, de
Lénine à
Nikita Khrouchtchev, contraint de plaire au pouvoir, écarté quand il ne plaisait plus.
Biographie d'un homme, qui au moment de la terreur stalinienne par peur de se faire arrêter devant sa famille, restait devant l'ascenseur de l'immeuble dans l'attente des hommes du NKVD il était "un homme qui comme des centaines d'autres dans la ville, attendait, nuit aprés nuit, qu'on vienne l'arrêter."
Cet homme est Dmitri Dmitrievitch Chostakovitch, célèbre musicien russe
Il avait écrit un opéra, qui avait déplu à Staline, un opéra "Lady Macbeth de Mzensk" qui n'était pas dans la ligne du Parti. Un parti qui dictait ce qui était bien, ce qui était souhaitable dans l'art et ce qui était banni. Alors, on lui demande de s'excuser, il est arrêté, interrogé à "La Grande Maison". D'autres seront exécutés de façon expéditive, y compris ceux qui l'ont interrogé ! Lui aura la vie sauve, et deviendra un pantin manipulé par le pouvoir, contraint de partir sous surveillance représenter l'URSS en Amérique, d'y lire des discours qu'il n'a pas écrit, contraires à ses pensées, contraint de lire des dénonciations d'autres musiciens, de signer à son retour, dans la Pravda, des articles anti-américains que Staline avait vraisemblablement rédigés . Ce sont quelques unes des compromissions qu'il dût accepter, afin que ses oeuvres puissent être jouées. Afin qu'il puisse vivre. Aucune menace, mais un climat oppressant, des menaces permanentes.
Contraint d'accepter de devenir un modèle, d'accepter de recevoir trois fois le Prix
Lénine, et six fois le prix Staline. Il lui était impossible de refuser d'avaler ces couleuvres soviétiques. En sauvant sa peau il protégeait sa famille, permettait à ses oeuvres d'être jouées. Pas toutes cependant, son opéra resta longtemps interdit
Puis le tyran mourut, remplacé par
Nikita Khrouchtchev...plus insidieux, moins dangereux; Chostakovitch est même envoyé, comme ambassadeur de son pays à l'occasion de manifestations à l'étranger. Jamais seul. On ne peut pas toujours refuser, et tôt ou tard, même contre son grè on ne peut refuser plus longtemps une proposition d'adhésion au parti...Un proposition qui vous cloue encore plus au silence.
Un livre aux multiples facettes qui se lit comme un roman;
Un livre ayant pour thème tout d'abord l'art et plus particulièrement la musique, ces compositeurs sous le joug stalinien et soviétique, devant respecter des normes, "L'art appartient au Peuple",
Lenine l'a voulu alors "un compositeur était censé augmenter sa production de même un mineur de fond la sienne, et sa musique était censée réchauffer les coeurs comme le charbon du mineur leur réchauffait les corps. Les bureaucrates évaluaient la production musicale comme ils évaluaient d'autres catégories de production ; il y avait des normes établies et des déviations par rapport à ces normes." Mes connaissances dans le domaine musical sont très faibles, voire nulles et, si je sais apprécier un opéra, une symphonie, elles ne me permettent pas de le reconnaître ou d'en citer l'auteur,...je l'ai regretté car ce livre fait souvent état d'anecdotes relatives à ces grands musiciens russes, et je suis certain qu'un mélomane averti y trouvera une foule d'informations sur leur personnalité, leur histoire, les relations qu'ils entretenaient avec le pouvoir en place et
L Histoire
Roman historique aussi sur la manipulation, le harcèlement dont le régime s'était fait une spécialité, manipulation et harcèlement également présentés dans "
Le zéro et l'infini" d'
Arthur Koestler... des spécialistes arrivant par la parole à "retourner" des hommes, à leur faire signer et accepter, en prenant le temps, insidieusement et sans menace, des prises de positions contraires à leur éthique, contraires à leur volonté première. Un système dont
Julian Barnes démonte tous les rouages, des rouages qui ont imposé à Chostakovitch de critiquer les prises de position de
Sartre,
Bernard Shaw ou Picasso
Alors à partir de là, on se pose inévitablement la question de la lâcheté, de la bassesse. Comment ce pouvoir stalinien l'entretenait, comment ses sbires torturaient mentalement les hommes qu'ils avaient choisis pour en être les victimes, comment cette peur était utilisée pour et par le pouvoir. Comment un homme pouvait en avoir honte, et malgré tout poursuivre une vie dont il n'était plus maître ? il avait envisagé le suicide.
Un petit rien a bousculé la vie de Dmitri Dmitrievitch Chostakovitch que certains, à partir de cette date, considéreront comme indigne : Que se serait-il passé, quelle aurait été sa vie, si la loge de Staline n'avait pas été située le soir de la représentation de la première de l'opéra "Lady Macbeth de Mzensk", à une distance trop proche des bois et cuivres, si le Tyran indisposé par le bruit trop fort n'avait pas quitté la représentation? Si la Pravda n'avait pas titré : "Du fatras en guise de musique"...?
Un opéra considéré comme un chef d'oeuvre sous d'autres cieux
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