Pierre Bayard tente de cerner ce qui fait les héros. Ou les bourreaux, à l'instar de l'horrible 101ème bataillon allemand de l'Ordnungspolizei qui interroge les férocités potentielles d'hommes ordinaires. À cette fin, il imagine être à la place de son père dans les circonstances qui ont précédé la seconde guerre et, s'appuyant ce qu'il présume connaître d'eux deux, dans l'ignorance de sa propre personnalité potentielle – ce que les freudiens appellent l'inconscient – il essaie d'en déduire un comportement plausible face au régime de Vichy et à l'occupation allemande, qui serait soit la résignation soit une bifurcation vers la résistance ou l'étranger pour mener la lutte. On comprend immédiatement les réserves qu'il convient d'appliquer à ce schéma, bien que l'expérience de pensée tienne la route et que les déductions émises par l'auteur me paraissent résister solidement aux objections formulées à l'encontre de la méthode. L'essai est clair, méthodique et documenté.
Il s'agit du travail d'un psychanalyste et par conséquent il peut s'avérer ennuyeux d'être confronté aux sempiternelles notions d'inconscient, de cette force nucléique sacrée, coeur mystérieux et insondable de l'être humain qui, au bout d'un parcours conduit de manière rationnelle, demeure intact à la fin de la démonstration. Tout cela pour en arriver là, diront certains. Et quand l'auteur, au terme de la préface, prévient : "...il n'est pas impossible de considérer que ce livre, consacré à essayer de capter la force qui se trouve en chacun et ne se développe que chez quelques-uns, est un livre sur Dieu.", d'aucuns diront qu'avec Dieu, on explique tout et on n'explique rien. Ceci dit, il serait dommage de manquer la très bonne enquête de
Pierre Bayard, qui certes, n'a pas omis, sagement, d'assurer ses arrières en indiquant le ciel.
"Aurai-je été résistant ou bourreau ?" parcourt, dans le cadre historique étroit de la Seconde Guerre mondiale (plus brièvement au Cambodge et en Bosnie en troisième partie), une série d'individus qui ont fait preuve de comportements résistants hors du commun. Parmi eux, André et Martha Trocmé (les Justes)[1], Hans et
Sophie Scholl (La Rose Blanche)[2], Sousa Mendes[3],
Milena Jesenska[4]. Il ressort que, chez la plupart de ces gens, l'engagement ne fut pas le résultat d'un choix conscient, sinon considéré a posteriori.
[...]
En conclusion, des mots de
François Azouvi (
Philosophie Magazine) : "La fécondité de l'hypothèse d'une dialectique entre personnalité potentielle et personnalité réelle, entre identité-ipse et identité-idem, et le recours à la narration pour figurer cette dialectique, ne peuvent pas dissimuler ce qu'a d'impalpable le moment où tout bascule.
Pierre Bayard le sait comme quiconque."
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