AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet
3,91

sur 95 notes
5
5 avis
4
13 avis
3
5 avis
2
1 avis
1
0 avis
Un bien beau livre que nous offre Pierre Bayard... L'analyse des comportements résistants / bourreaux n'est pas nouvelle, mais l'originalité du livre est d'aborder la question sous l'angle très concret de savoir quel camp on aurait choisi soi-même. Avec honnêteté, humilité et rigueur, il développe une méthodologie lui permettant d'explorer les mécanismes intimes qui gouvernent nos décisions dans des contextes fortement perturbants et déstabilisants, où tous les repères habituels sont bousculés.
Loin des attitudes de censeur si spontanément endossées aujourd'hui, il détricote patiemment les apparences et les idées reçues, et élabore une trame nouvelle, riche en éclairages nuancés qui tiennent compte de la complexité des contextes historiques et de l'âme humaine. Ceci afin de "montrer avec autant de précision que possible l'intrication des forces qui conduisent les êtres à basculer dans telle ou telle voie."

Au terme de sa démarche, il constate : "Si l'on peut s'approcher très près du point de bascule, celui-ci demeure cependant inaccessible, comme ce lieu d'énigme en chacun où se mêlent les forces antagonistes dont nous sommes la résultante et qui nous portent vers la décision."

Bref, l'antidote idéal au conformisme lénifiant et au manichéisme réducteur de Indignez-vous !
Commenter  J’apprécie          50
Pierre Bayard, universitaire à Paris VIII s'interroge sur les agissements qu'il aurait pu avoir lors de la Second Guerre Mondiale?Combien de fois, cette question a t-il été posé? Combien de fois, lors de mes années d'études n'ai-je pas entendu ou même dit Mais comment ont-ils bien pu faire cela? Moi, j'aurais fait ça..." On se rêve résistant, on se veut défenseur des droits de l'homme, oui mais voilà... On n'invente pas l'histoire.

Pierre Bayard choisit la Seconde Guerre Mondiale. Il avance qu'il aurait pu choisir n'importe quels autres conflits. Mais la Seconde Guerre Mondiale a mobilisé tous les fronts. La période 39-45 a été édifiante par sa Crise des valeurs humaines.

Trois voies s'offraient alors: celui d'être un bourreau, s'engager en résistance ou bien celui du milieu: j'emploie le terme "passivité" mais il n'est pas à prendre au péjoratif.

Bayard aurait-il été un résistant ou un bourreau? C'est la question qui se pose. Issu de la génération du baby boom. L'auteur tente de répondre à cette question en prenant en modèle de référence: son père. Pourquoi son père? Parce-qu'ils sont semblables sur de nombreux points: même parcours universitaire et même caractère.

Il s'appuie sur de nombreux travaux menés par des psychanalystes. Notamment l'expérience de Milgram. Organisée par l'Université de Yale, elle visait à comprendre les agissements collaborationnistes durant la Seconde Guerre Mondiale. Il y-a des dizaines de témoignages, notamment ceux de gendarmes lors de la Rafle du Vel'd'hiv qui se sont levés pour dire qu'ils ne voulait pas obéir mais qu'ils avaient peur. Et qu'un ordre doit être exécuté.
Cette expérience visait donc à évaluer le degré d'obéissance chez individu. En bref, l'expérience de Milgram c'est trois entités: celui sur qui/quoi l'ordre est donné, celui qui doit répondre à cet ordre, et celui qui donne l'ordre (l'instance moral). le sujet évalué est celui qui doit répondre à l'ordre. Une émission passée sur France 2 a reconstitué l'expérience de Milgram:

- La victime (un comédien) voulait gagner de l'argent. Il devait apprendre par coeur une série de réponses. Il était attaché sur une chaise électrique. A chaque mauvaises réponses, il recevait des décharges électriques. Il n'avait aucuns pouvoir sur le jeu. L'arrêt du jeu était donné par celui qui infligeait les décharges et posait les questions. (le piégé, le sujet) Il n'y a aucuns liens visuels entre les deux protagonistes (le piégé et la victime).Ils communiquent seulement par la voix.

- le sujet celui qui reçoit les ordres. Il est derrière une machine et pose les questions. A chaque mauvaises réponses, il délivre une décharge éléctrique. A mesure que le jeu avance, les décharges se font plus fortes. le but qu'il lui a été donné est d'aller le plus loin possible et de faire gagner de l'argent à la victime. Des premières décharges, on entend le rire de la victime mais au fur et à mesure que le jeu et que les nerfs sont à cran: les rires sont remplacés par les supplications.

- Là intervient l'instance supérieur, ici le Public et l'animatrice. Son rôle est de rendre le plus vulnérable possible le sujet. Il doit sentir que ses actes ne lui appartiennent plus. Il le dépénalise. Qu'il ne porte pas en lui le poids de la responsabilité. En l'occurrence dans ce jeu, on lui dit que la Production a prit toutes les mesures nécessaires et que le jeu est sans risque pour la victime. Il est également poussé par la masse, par le public qui le pousse à continuer.

Ce qui en a résulté: certains sujets ne sont pas arrêtés malgré les supplications de la victime. Ils ont nié la douleur, ils ont nié jusqu'à l'existence de l'autre parce-que l'ordre émanait d'une instance supérieure. D'autres se sont arrêtés quand bien-même tous les rouages derrière. Pierre Bayard dit qu'aucuns être n'est prédestiné à choisir une voie d'une autre. C'est également une question de circonstances, de vécu personnel, de coïncidences.Il a donc pour but comme Milgram de comprendre la bifurcation d'un homme à un instant donné par sentiment d'indignation, d'empathie, de conformisme, d'argument d'autorité..

Il s'appuie sur la personnalité potentielle. Celle qui surgit à un moment donné lors de situations extrêmes. Un homme qui semble avoir une sympathie pour la violence ne deviendra pas forcément un tueur de masse. Il se peut qu'à un instant X, un trait de sa personnalité qu'il ignorait lui-même se révèle. Il prend l'exemple très juste, de Cordier, nationaliste et royaliste. Fervent de Pétain qu'il considère comme son père spirituel. Il e sentira trahira lors de la signature de l'armistice et se ralliera à De Gaulle.

Un livre très agréable, une écriture soignée, un plan structuré. Une belle réussite!
Commenter  J’apprécie          51
Dans ces moments de retour sur soi factices, ceux dans lesquels entrent en jeu plus d'illusions que de vérité introspective, nous aimons tous à penser que, dans des situations critiques, ces évènements qui poussent les hommes à faire des choix et à se dépasser eux-mêmes, et notamment lors des guerres où il faut savoir choisir son camps, celui du juste ou du salaud, nous serions des héros, des résistants, luttant pour la justice et boutant le mal loin de nos semblables au péril de nos existences. Et pourtant, que ce soit durant la seconde guerre mondiale, au coeur de la France occupée, ou dans tous les conflits, dans tous ces génocides dont l'humanité se sera rendue coupable, la frange de ceux qui choisirent de dire non à l'inacceptable, de s'engager pour sauver des vies et pour une conception plus élevée de l'humain fût dérisoire eût égard au reste de la population.

Pierre Bayard, avec son fantastique essai « Aurais-je été résistant ou bourreau ? », met les pieds dans le plat,... La suite sur www.livredelire.com
Lien : http://livredelire.com/2013/..
Commenter  J’apprécie          50
La réponse à la question du titre : ni l'un ni l'autre –, si elle correspond à un réalisme statistique prudent et sage, n'est hélas ni glorieuse pour l'auteur (mais on l'eût condamné pour orgueil dans les cas contraires...), ni fondée sur un travail de fiction littéraire touffu, que promettait pourtant le Prologue, en introduisant les concepts de « personnage-délégué » et de « personnalité potentielle ».
À la place, nous avons lu une casuistique symétrique de conditions nécessaires (trois et trois) pour qu'un sujet, confronté à une situation de conflit éthique (un cas particulier du conflit psychique freudien) d'envergure, ici la loyauté au gouvernement de Vichy ou bien à la Résistance – avec quelques brèves incursions dans trois autres contextes plus récents : les massacres cambodgiens, la guerre en Bosnie et le génocide rwandais, « bascule » vers le « devenir-résistant » ou le « devenir-bourreau ». Chaque cas est étoffé par des exemples historiques – expériences ou figures – réels, la minuscule part de fiction se limitant à indiquer en quoi le « personnage-délégué », le narrateur de ces petites parenthèses romanesques, ne répondait pas à la condition nécessaire requise ou éventuellement quel ajustement fictionnel l'aurait mené à y accéder... Il reste entendu qu'aucune des conditions nécessaires ne s'avère suffisante, et que cette dernière relève du mystère voire de la métaphysique.
Les conditions nécessaires à une « bifurcation » vers le passage à action, sont : le désaccord idéologique, l'indignation, l'empathie envers les victimes ; celles qui conduisent à l'abstention de l'action : la peur, les cadres de pensée, le défaut de créativité. le « point de bascule » peut avoir provenir « de soi-même », « des autres », « de Dieu » ou plutôt de la foi en Dieu.
Les cas utilisés pour illustrer les chapitres :
- pour le concept de « personnalité potentielle », le film de Louis Malle, « Lacombe Lucien » ;
- pour le « conflit éthique », l'expérience sur l'obéissance de Milgram à l'université de Yale ;
- pour la « bifurcation », le livre de Christopher Browning, Des Hommes ordinaires, sur le massacre des Juifs de Josefow en Pologne par le 101e bataillons de réserve de la police allemande ;
- pour le « désaccord idéologique », l'autobiographie de Daniel Cordier, le disciple de Maurras devenu assistant de Jean Moulin ;
- pour « l'indignation », La Promesse de l'aube de Romain Gary [Pierre Bayard étant par ailleurs l'auteur d'une monographie sur Gary, cette figure historique est étudiée dans le détail] ;
- pour « l'empathie », le récit du village du Chambon-sur-Lignon, dans les Cévennes, où furent hébergés de très nombreux enfants juifs, en particulier grâce à l'action du pasteur André Trocmé et de sa femme Martha ;
- pour « la peur », le récit de la Rose blanche, en particulier par le livre d'Inge Scholl sur ses frères Hans et Sophie ;
- pour les « cadres de pensée », le récit de l'acte de désobéissance du consul portugais à Bordeaux Aristides de Sousa Mendes, sur la concession de visas aux réfugiés ;
- pour la « créativité », la figure de Milena Jesenska, non comme muse de Kafka, mais par le témoignage qu'offre d'elle Margarete Buber-Neumann dans son ouvrage éponyme, relatif à leur amitié au camp de Ravensbrück ;
- pour la bascule opérée par « soi-même », le témoignage de Vann Nath dans le film du cinéaste cambodgien Rithy Panh : « S-21, la machine de mort khmère rouge » ;
- pour la bascule opérée par « les autres », le témoignage du général Jovan Divjak dans son autobiographie : Sarajevo, mon amour ;
- pour la bascule opérée par « Dieu », le documentaire de Marie-Violaine Brincard sur cinq Justes rwandais intitulé : « Au nom du père, de tous, du ciel » (2010).

Ces références et l'usage qui en est fait sont d'un grand intérêt ; une autre réf. citée transversalement et fréquemment est : Michel Terestchenko, Un si fragile vernis d'humanité. Banalité du mal, banalité du bien, La Découverte, 2005. [Pour mémoire, j'ajouterai aussi l'ouvrage collectif : Jacques Sémelin (et al. - dir.), La Résistance aux génocides. de la pluralité des actes de sauvetage, Presses de la Fond. Nat. Sc. Po., 2008].
Commenter  J’apprécie          30

N°668– Août 2013.
AURAIS-JE ETE RESISTANT OU BOURREAU ? – Pierre Bayard - Les Éditions de Minuit.

Pour les gens de ma génération qui n'ont pas fait la guerre mais qui en ont entendu parler [beaucoup par ceux qui l'ont connue de loin, peu par ceux qui ont été d'authentiques héros], je me suis souvent demandé quel aurait été mon comportement pendant cette période troublée. Sauf bouleversement dans ma vie, je n'aurais certes pas été un délateur mais sûrement pas non plus un résistant héroïque, tout juste un tiède, comme la plupart des Français de l'époque. Mais le destin nous joue parfois de ces tours ! Je me suis dit que ce livre pouvait peut-être m'aider à clarifier mon propre questionnement.
L'auteur, né en 1954, tente de répondre à cette question en remontant le temps et en imaginant fictivement qu'il se trouve dans la situation de son père à la même époque parce qu'il a avec lui une similitude culturelle, des aspirations et un parcours communs. Il imagine donc une uchronie et se demande quelle aurait été son action dans ce contexte historique. Il a donc, fictivement, 18 ans en 1940, et élève d'hypokhâgne fuyant Paris se retrouve dans le sud de la France. Pour l'aider dans sa démarche d'analyse et de création, il convoque Louis Malle et Patrick Modiano pour le film « Lacombe Lucien », Daniel Cordier pour son engagement de Résistant, Stanley Milgram pour son expérience, Romain Gary pour ses romans et bien d'autres figures qui ont brillé par leur exemple...
C'est un texte dense, documenté, logique aussi dans son raisonnement, écrit par un universitaire et un psychanalyste qu'est Pierre Bayard et qui alterne entre fiction et démonstration. L'auteur y démonte les mécanismes qui amènent chaque homme face à une crise, soit à l'ignorer par peur, soit à s'engager pour y faire échec, soit à aider ceux qui en pâtissent. Il dissèque la « personnalité potentielle » que nous portons tous en nous et qui nous révèle, dans un tel contexte exceptionnel, tels que nous sommes réellement,même si l'image que nous donnons de nous-mêmes est peu flatteuse, fait la part du hasard, prend en compte les contraintes intérieures qui poussent les êtres à agir ou au contraire à s'abstenir, depuis les désaccords idéologiques et politiques jusqu'à l'indignation et l'empathie en passant par la soumission à l'autorité, le devoir d'obéissance aux ordres ou au contraire le devoir moral de refuser de les exécuter, le risque encouru par ceux qui osent sortir du rang et, au nom de leur conscience, de se singulariser. Il remet en cause au passage bien des idées reçues sur l'engagement personnel et sur les actions qui en découlent, détaille la nature de l'intervention du « bourreau » dans la « solution finale », le génocide rwandais ou la dictature sanguinaire de Pol Pot, analyse finement ce qu'il appelle « la personnalité altruiste ».
Quand il choisit de revenir à la fiction et de se mettre en situation de choisir entre De Gaulle et Pétain, il note son dégoût du régime de Vichy, son indignation face à ses agissements, sa sympathie pour les juifs mais aussi son incapacité à agir dans l'instant par peur de la dénonciation, de la torture et de la mort. Il est en effet peu indulgent avec lui, estimant que s'il avait vécu à cette époque, il aurait tenté de survivre dans la tourmente politique du régime de Vichy et aurait poursuivi ses études pour assurer son avenir en refusant l'action de résistance. Il se trouve quand même des excuses que le lecteur voudra bien admettre au nom de la peur ressentie. Les élèves de l'École Normale avaient pour ordre à l'époque de se tenir en dehors de toute action politique, même si en tant qu'institution, cet établissement ne partageait pas les idées du Maréchal. S'ils le faisaient c'était l'exclusion c'est à dire pour lui l'anéantissement d'années d'effort, l'effondrement d'un rêve familial, l'impossibilité d'entrer dans la Fonction Publique et donc de gagner sa vie, de fonder une famille comme il le souhaitait. Tout cela allait à l'encontre de l'exemple donné par de Sousa Mendes, ce consul du Portugal qui, en dépit d'une interdiction formelle de son pays, délivra, en juin 1940, plus de 30 000 visas à des juifs leur permettant ainsi de sauver leur vie, c'est à dire qu'il accepta délibérément de sortir du cadre existant pour n'agir que selon sa conscience. C'est, au sens de l'auteur, faire prévaloir la liberté simplement parce qu'on accepte de s'abstraire des contraintes mentales imposées, c'est aussi une manière de créativité puisqu'on invente ainsi une forme d'action qui est sans modèle préétabli. Ce n'est plus seulement un acte de résistance, c'est l'exploration d'une voie nouvelle qui met en évidence le concept de liberté, une véritable réinvention de soi. En ce qui le concerne, il avoue qu'il n'a pas ce courage et voit ici la raison de son défaut d'action. Il avoue quand même, malgré tout ce qu'il a dit auparavant et qui est de nature philosophique et altruiste que pour nombre de jeunes leur entrée personnelle en Résistance n'a pas été motivée par les rafles de juifs mais par l'institution du STO en février 1943 ! Pour lui c'est une véritable bifurcation qui le détermine grâce à des certificats médicaux à se faire affecter à la bibliothèque de l'École et attendre ainsi la Libération. Il parvient quand même à se dire que c'est là une forme de désobéissance et qu'il peut ainsi aider ceux qui ont fait le choix de la Résistance alors que son père n'a pu échapper au travail obligatoire en Allemagne.
Parmi tous ceux qu'il énumère et qui sont entrés en résistance, beaucoup sont croyants et s'estiment inspirés par Dieu. L'auteur qui, à l'inverse de son père, avoue être agnostique, ne peut justifier sa forme d'engagement, si faible soit-elle, par sa foi. Pour autant il admet que la démarche de ceux qui se sont engagés à résister, est de l'ordre du mystère et qu'il y a en nous un autre « moi ».

C'est donc un livre passionnant, agréable à lire, une fiction croisée avec un témoignage authentique qui donne l'occasion d'une réflexion sur l'éthique, d'un questionnement intime et peut-être d'une remise en cause personnelle.

© Hervé GAUTIER - Août 2013 - http://hervegautier.e-monsite.com







































Lien : http://hervegautier.e-monsit..
Commenter  J’apprécie          30
L'auteur tente de se mettre dans la peau d'un jeune homme qui aurait eu l'âge de son père en 1940 et d'imaginer la trajectoire qu'il aurait choisie, quels événements fortuits ou déclics auraient pu orienter son choix. Pour illustrer son propos, il s'appuie sur des exemples (film, expériences, témoignages, résistants, prisonniers) dans différentes guerres ou régimes sanguinaires,, des hommes ou des femmes qui ont été capables de surmonter la peur, la terreur, et qui, en raison peut-être de leur groupe social, d'une rencontre déterminante, d'une éthique, de leur foi, de leur capacité d'empathie, ont réussi à passer à l'acte, à s'engager activement. Une belle réflexion qui incite à faire sa propre introspection, à réfléchir à nos choix.
Commenter  J’apprécie          30
Dans cet essai, on trouve une réflexion sur les bifurcations de la vie conduisant à (ne pas) s'engager dans l'action pour devenir un Juste ou un héros, dans des circonstances extrêmes.

L'auteur s'appuie sur quelques grands exemples empruntés à l'expérience des hommes et racontés ou rapportés dans des témoignages, des autobiographies, des essais ou des comptes rendus d'expérience.

Dans de courts chapitres très abordables, on croise ainsi, dans l'ordre, Lacombe Lucien (Malle et Modiano), Stanley Milgram puis Christopher Browning, Daniel Cordier, Romain Gary, André et Martha Trocmé, Hans et Sophie Scholl, Sousa Mendes, Milena Jesenska (et Kafka), Vann Nath, Jevan Divjak et cinq Justes rwandais.

Plus original, Pierre Bayard examine aussi les conditions dans lesquelles (ne) se serait (pas) révélée sa propre "personnalité potentielle" confrontée, une génération avant la sienne, aux tragiques événements des années 40.

On trouve enfin, devant Hannah Arendt effacée, des références assez fréquentes à quelques chercheurs et intellectuels qui se sont déjà saisis de ces questions : entre autres,
- Bayard lui-même à propos de l'image de soi déterminante dans l'engagement de R. Gary (Il était deux fois Romain Gary, 1990) ;
- Tzvetan Todorov pour sa distinction entre le Juste et le héros ou sa réflexion sur la responsabilité (Face à l'extrême, 2003) ;
- Samuel et Pearl Oliver, dans un titre programmatique : The altruitic Personality - Rescuers of Jews in Nazi Europa, 1988 ;
- Stéphane Israël à propos de l'évolution de l'ENS pendant la guerre : Les Normaliens dans la tourmente (1939-1945), 2005 ;
- José-Alain Fralon étudiant le Juste de Bordeaux (1988).

Et, plus largement sans doute :
- Harold Walzer qui propose notamment les notions de "cadre de référence" et de "marges de manoeuvre" : les Exécuteurs. Des hommes normaux aux meurtriers de masse, 2007 ;
- Michel Terestchenko dans Un si fragile vernis d'humanité. Banalité du mal, banalité du bien, 2005, pour la "présence à soi" plus substantielle qu'un "moi" relationnel fondant "cette identité d'emprunt, cette identité vide, qu'est l'image sociale de soi" (op.cit. page 290) : on a envie de poursuivre là sa lecture.

Aurais-je été résistant ou bourreau ? Un livre intéressant - une belle collection de notices commentées - qui ne parvient cependant pas toujours à dépasser les généralités échangées dans la conversation de personnes qui "posséd[ent] l'intelligence" (page 171).
Commenter  J’apprécie          20
Si j'ai beaucoup aimé les essais de P. Bayard dans la veine de la contre-enquête (Roger Ackroyd, Dix Petits Nègres, Oedipe-roi) et ceux qui touchent à la littérature (en particulier: "Comment améliorer les oeuvres ratées"), celui-ci m'a paru un peu moins abouti: la question qui donne son titre au volume reçoit une réponse, mais sans que celle-ci lève vraiment les réserves méthodologiques et épistémologiques avancées au début du livre. Il reste une réflexion intéressantes sur ce qui donne le courage de résister et des aperçus de personnalités admirables, dont on a envie d'en savoir encore un peu plus.
Commenter  J’apprécie          10
réflexion intéressante sur la posture que chacun pourrait avoir en cas de conflit, guerre,....La méthode de l'auteur est très intéressante , en reprenant notre parcours, et celui de nos parents.
J'ai eu par contre du mal à rentrer dans sa conclusion
Commenter  J’apprécie          10
Un livre sans doute paradoxal.
Chaque chapitre présente une expérience d'engagement et parfois sacrificielle : Daniel Cordier, Romain Gary s'engageant dans la résistance, André Trocmé mobilisant tout un village pour mettre à l'abri des enfants juifs, Hans et Sophie Scholl luttant contre la nazisme, Sousa Mendes consul portugais à Bordeaux mettant en jeu son statut et son avenir en délivrant des visas aux Juifs fuyant l'invasion nazie et d'autres expériences de personnes prenant les plus grands risques pour en sauver d'autres (Rwanda, Cambodge, Sarajevo).
C'est tout l'intérêt de ce livre que de nous rappeler ces expériences, plus que la réponse à la question posée dans le titre et à laquelle l'auteur finit par ne répondre qu'indirectement et de manière tout à fait allusive comme si elle s'effaçait devant la grandeur et la noblesse de ceux qui se sont engagés.
Commenter  J’apprécie          10




Lecteurs (244) Voir plus



Quiz Voir plus

Comment parler des livres que l'on n'a pas lus ?

Un des chapitres débute avec la phrase : « L’idéal, pour séduire quelqu’un en parlant des livres qu’il aime, sans les avoir lus nous-mêmes, serait d’arrêter le temps ». Pierre Bayard étaie cette hypothèse en évoquant le film …

Massacre à la tronçonneuse (The Texas Chain Saw Massacre)
Un jour sans fin (Groundhog Day)

7 questions
167 lecteurs ont répondu
Thème : Comment parler des livres que l'on n'a pas lus ? de Pierre BayardCréer un quiz sur ce livre

{* *}