Le remède initial contre l’incertitude serait d’abord de s’y connaître, si l’on tient essentiellement à une beauté réellement ancienne, — mais rassurons-nous, les plus fins connaisseurs s’y trompent, — quitte à se consoler, en pensant que l’on a pris plaisir à acheter une œuvre qui ne saurait démériter par elle-même. Dans le cas contraire, on n’avait qu’à s’offrir franchement la copie d’une belle chose et, quant à se plaindre au marchand d’avoir été trompé, cela ne va pas sans ridicule. D’autre part, le marchand n’est point fatalement de mauvaise foi et enfin, si la question de prix intervient dans le marché, avouez que vos doléances et revendications seront mesurées à l’importance de la somme payée, appréciation qui n’est pas d’ordre artistique.
La parole énigmatique d'un marchand tient aussi lieu d'une garantie vis-à-vis de l'acheteur incompétent dont la bonne foi, en réalité, n'a pas été surprise, puisque la somme de mystère qu'il emporte, est à la mesure de son illusion.
Au surplus, puisque marchand et amateur se réjouissent,chacun de son côté, d'avoir fait une « bonne affaire », c'est qu'ils se félicitent de s'être mutuellement «roulés ».
Il est bien évident que lorsque l’art de tromper atteint à des sommets, on doit beaucoup lui pardonner. La bonne foi du marchand pouvant s’absoudre à la rigueur, d’être surprise, puisque le client se laisse prendre à de la beauté, quelle qu’en soit l’origine.
La mauvaise foi du marchand, d’autre part, équivalant à la qualité inférieure du connaisseur. L’expert enfin, garantissant avec une timidité qui n’a d’égale que celle avec laquelle il conteste.
Néanmoins, à tout seigneur tout honneur, les grands procès (comme les grands marchés) vont au grand antiquaire qui supporte justement la charge et le privilège de sa renommée. Les grands paient pour les petits, simplement parce qu’ils ont plus d’argent du fait qu’ils ont la clientèle la plus riche.
Au fur et à mesure de l'examen des spécialités de la fraude, se complète notre étude générale. C'est-à-dire que la fraude est un bloc, toute une agglomération de « trucs» connexes, tout un faisceau de ressources, de tours de main qui réapparaissent, se juxtaposent et se fondent, pour se retrouver égaux devant la matière semblable ou similaire.
Le mirage de l'antiquité, en matière d'art, a souvent nui à la qualité de l'amateur qui, très souvent, a passé dédaigneusement devant la beauté de son temps pour se pâmer sur des ruines sans valeur. Le critérium esthétique de certains amateurs est, ainsi, borné au moindre délabrement, à la moindre poussière des temps, plus ou moins vénérables, selon l'artifice.
Malgré que, logiquement, le maquillage soit réservé au mensonge de la vieillesse, d'aucuns ne sauraient se contenter de la jeunesse sans fard, et c'est ainsi que l'artifice se venge cruellement de l'ignorance ou de son aggravation pédante: le snobisme, en présentant du faux vieux.