A compter du XIIe siècle sont publiées de nombreuses versions d'une "Lettre" émanant d'un certain "Prêtre Jean", souverain oriental des "Indes". Selon les versions, cette lettre s'adresse à l'Empereur byzantin Manuel Comnène, à l'Empereur germanique Frédéric Barberousse, ou encore au Pape. Chaque version suit une trame assez similaire : un souverain, Jean, qui se fait appeler "Prêtre", écrit à un souverain ou une grande personnalité, pour lui parler de son Royaume et de sa grande fidélité à la religion chrétienne.
L'essai de
Istvan Bejczy est tiré de sa thèse doctorale. Il y étudie, tour à tour, l'existence de ce "Prêtre Jean" et de son Royaume, la manière dont les Occidentaux envisageaient ces lieux, ainsi que les raisons qui auraient pu expliquer la création de toute pièce de cette prétendue lettre.
L'auteur part du principe que l'existence du Prêtre Jean n'a pas été prise au sérieux, même s'il fut envisagée l'existence d'un petit royaume gouverné par une personne répondant à ce nom, royaume qui fut recherché de l'Inde jusqu'au royaume chrétien d'Ethiopie.
L'auteur envisage avant tout cette lettre (dont il publie l'une des versions en annexe) comme la construction philosophique et politique d'un monde utopique.
- Un Roi tout puissant qui règne sur une grand Empire
- le coeur de l'Empire est composé de sujets parfaits, qui vivent d'une manière totalement en phase avec les préconisations de la religion catholique
- Les marges de l'Empire sont lieux de relégation pour les monstres, les hommes sauvages, les Amazones... Tout un peuple de marginaux, qui ne franchissent que très rarement les frontières centrales, et seulement si le Prince le permet.
Un monde donc où perfections et imperfections se côtoient tout en s'ignorant. le Prêtre et la religion étant les liants de ces différentes entités.
La lecture de l'ouvrage est intéressante et permet de s'imprégner des grandes lignes de cette fameuse lettre.
La démonstration de construction d'utopie revêt un caractère attirant et peut se comparer aux études publiées sur d'autres créations comme l'Atlantide.
Elle me semble toutefois insuffisante tant le mythe du Prêtre Jean a été la source de grands voyages d'exploration, ce qui tend à laisser penser que la réception par les lecteurs était moins nette que l'auteur semble le dire : beaucoup croyaient à l'existence de ce « Prêtre » et de son royaume.
De plus, il reste à noter que la vision de la seconde partie de l'Empire du prêtre, composée d'animaux et peuples mythiques, ne fait que refléter la vision médiévale des confins du monde, qui se reflète notamment dans le récit du voyage de Marco Polo.
Ouvrage à lire donc, mais à compléter par d'autres lectures.