Après un sentiment mitigé suite à la lecture des deux derniers
Benameur, il me tardait de retrouver un ton et une atmosphère qui m'avaient tant parlés lors de précédentes rencontres.
«
Les mains libres » a rempli sa mission avec bonheur.
Jeanne Benameur ne s'est pas éparpillée, pour ne pas dire perdue, dans son sujet comme dans «
Ceux qui partent », sa dernière parution.
Nous voila plongés au coeur de la rencontre de deux solitudes.
Madame Lure, vieille dame effacée depuis toujours. Mariée sur un malentendu ou presque. Monsieur Lure ou un autre, qu'importe puisqu'Yvonne a toujours vécu à coté du monde. Engoncée dans un quotidien sclérosé, Yvonne est prise pour épouse comme on prend un animal de compagnie. Elle s'en contente tant c'était inespéré.
Depuis qu'elle est veuve, elle vit à travers des brochures prises dans des agences de voyages. Madame rêve, enfin.
Vargas, un tout jeune homme, vit de l'autre coté de la rue. Une roulotte partagée avec son oncle et sa cousine. Des gens du voyage. de ceux qu'on ignore par peur, par bêtise, par habitude…
La rencontre de ces deux invisibles va se faire par l'intermédiaire des livres. Ces livres que monsieur Lure chérissait, ces livres que madame Lure n'avait jamais caressés du regard. Un livre en particulier, celui qu'elle ne lira que pour lui sur un coin de table de cuisine lors de leurs rencontres. Elle lui dira les mots à lui qui ne sait pas lire dans une autre langue que la sienne, celle des gens de nulle part.
Que j'aime
Jeanne Benameur quand son écriture allie délicatesse et douceur. Il ne se passe pas grand-chose dans «
Les mains libres » mais chaque page m'a laissé en apesanteur, presque léger. J'y ai vu une sorte d'hommage à tous ces gens qu'on croise sans voir, qu'on voit sans regarder. Derrière la porte, derrière le figé des masques, la vie qui bat, toujours, malgré tout.
Les mains libres, enfin, ouvertes, accueillantes, amicales. Un excellent BenaCoeur.