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sur 568 notes
En sortant du travail, une échappée impromptue dans une librairie de Clamart, "Mémoire17", pour me ressourcer et m'échapper du quotidien...J'ai plus que bien fait, apercevant en pile, sur la table des nouveautés, le dernier
roman de Jeanne Benameur "Otages intimes", dans le format si reconnaissable des éditions Actes Sud....

L'émotion intense... toujours au rendez-vous; découvrir les mots, les sujets toujours prenants de Jeanne Benameur...Un membre de l'équipe-Librairie avait , en sus, adjoint un commentaire de lecture personnalisé et enthousiaste...

Une écrivaine dont j'ai abordé tardivement l'oeuvre, avec un roman qui m'avait bouleversée et enchantée: "Les Profanes". Depuis, une attention toute exclusive pour ses publications anciennes et à venir !

Une histoire poignante comme souvent nous en offre cette auteure. Un homme à un tournant de son existence; reporter-photographe de guerre, Etienne n'est bien, comme son père, navigateur (parti un jour, jamais revenu) que dans les départs, les lointains...

Lors d'un de ses reportages dans un pays en guerre, il est enlevé, séquestré un temps très long, durée jamais précisée...
On le libère... et c'est le délicat retour à la vie ordinaire, où après le traumatisme, la peur absolue, il faut reconstruire, trouver les moyens de dépasser le traumatisme. Pour ce, Etienne, va retourner aux sources, au village de son enfance, à sa maman et à ses deux amis de toujours. Enzo, qui travaille le bois, joue du violoncelle et Jofranka, l'orpheline, " La petite qui vient de loin", devenue avocate à La Haye, qui aide les femmes victimes
de guerre à témoigner et à trouver les mots pour formuler ce qu'elles ont vécu.

Un roman polyphonique où moult thèmes s'entrechoquent, s'éloignent, se côtoient, se rejoignent: L'Amour de la Vie, l'enfantement, les liens uniques entre mère et fils, la mort, l'amitié, l'amour, l'engagement, comment survivre à la barbarie ?, la liberté, la peur, la solitude des êtres, leurs ancrages originels qui font leur force ou leur faiblesse, la richesse et la sérénité du travail manuel, dont celui de l'ami de "notre héros", polissant, transformant le bois , la force de la musique, ainsi que la quête perpétuelle de sens et d'amour de nous, fragiles humains, etc.


"La vie n'est sacrée pour personne dans les guerres. On parlera toujours du nombre des tués. Tant qu'on n'a pas vu leurs visages, on ne sait rien.
Et lui, il est là pour ça.
Il continuera à regarder les visages.
La vie ne vaut que comme ça.

Cette nuit, Etienne cesse de combattre.
Les mots qui sont là, en lui, tout simples. Ce sont les mots d'un homme qui sait qu'il n'est rien sans les autres, tous les autres. Alors vient l'étrange prière.
Vous tous, du bout du monde et d'ici, vous tous qui m'avez fait ce que je suis, donnez-moi juste la force de continuer. (p.120)"

Etienne revient à son cocon original, aux lieux et attaches de l'enfance, pour retrouver l'espoir et l'élan pour reprendre pied dans ce monde, où il a vu, photographié des ultimes violences. De ce choix professionnel, on ne peut en sortir indemne !

Il est aussi beaucoup question d'une souffrance particulière, celle de l'attente, l'attente de ceux envers celui ou , celle qui est parti(e), qui par ses choix de vie ou de profession, comme Etienne, est de passage, continuellement en partance permanente... Ceux qui restent, doivent vivre avec cet état éprouvant, destructeur de l'attente...

Les thèmes, comme le style de Jeanne Benameur, me prennent à la gorge...car quelque que soit le cadre de la fiction, il est toujours question du noyau central de l'humain, de ses aspirations, de ses exigences, de ses rêves, ses failles....

Tout cela dans une langue poétique, fluide, magique...

J'ai dévoré en 2 jours ce roman magnifique... du mal à quitter l'univers de Jeanne Benameur; Ainsi, en me rendant à la médiathèque, j'ai emprunté un de ses anciens romans, "Les Reliques" (Denoël, 2005)....qui promet de nouvelles émotions et instants de magie pure !

Même les sujets les plus sombres, l'auteure les éclaire de sa sensibilité , de son empathie et de sa plume originale...


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« Otages intimes » est un livre dont la lecture a entraîné le même bouleversement que lorsque j’ai découvert Jeanne Benameur avec « Les demeurées ».

C’est un livre charnel où tous les sens sont sollicités, il marque profondément. Si les mots vous enveloppent en douceur c’est pour mieux vous pénétrer vous fouailler, mettre à nu le noyau dur qui une fois atteint et brisé permettra au souffle de vie de circuler pour qu’à l’image de tous les protagonistes de cette histoire poignante vous vous incarniez enfin, que le sang circule et que vous tentiez de ne plus être otages de vous-même.
« Je pense toujours aux Chinoises et à leurs pieds bandés. Quand on enlevait les bandes qui avaient torturé ces pieds, la torture recommençait. Le sang qui circule à nouveau fait mal. »
Et pour remonter de cette descente au coeur de soi, remonter de l’obscur où la barbarie a entraîné Etienne, otage pendant de longs mois, il y a la musique celle que l’on joue pour se retrouver ou ne pas se perdre, apaiser et celle des mots
« Les mots où s’encorder ne pas sombrer. Les mots séparent et lient dans le même mouvement l’enfance et le monde. S’encorder aux mots. Ne pas peser sur ceux qu’on aime. »

et aussi ceux qui sont là Enzo et Joranska, les amis d’enfance qui ont mélangé leur sang à celui d’Etienne, qui accompagnent la remontée des profondeurs, comme Irène la mère, autour de laquelle tout tourne. Quelle souffrance et quelle beauté irradie cette femme qui accompagne et garde espoir malgré tout :

« Sous tous les gestes de mère il y a un soupir. Toujours. Et personne pour l’entendre. Pas même celle qui soupire. Les mères prennent tellement l’habitude de faire et faire encore qu’elles ne savent plus elles-mêmes le soupir suspendu dans leur cœur.
Il faut du temps vide pour en prendre conscience.
Irène l’a eu ce temps, d’abord avec le père puis avec le fils.

« Son pas aura désormais cette fragilité de qui sait au plus profond du cœur qu’en donnant la vie à un être on l’a voué à la mort. Et plus rien pour se mettre à l’abri de cette connaissance que les jeunes mères éloignent instinctivement de leur sein. Parce qu’il y a dans le premier cri de chaque enfant deux promesses conjointes : je vis et je mourrai. Par ton corps je viens au monde et je le quitterai seul.
Il n’y a pas de merci.

(…) Il faudra pourtant qu’elle réponde de cela toute sa vie dans la part obscure que les mères tiennent cachée. Et toute sa vie elle luttera contre la peur sourde de qui a voué un être au temps. Elle transportera la crainte d’abord sur les petits riens de l’enfance vulnérable : une chute possible, un mauvais mal. Mais la grande peur, celle qui traverse les rêves obscurs, elle n’en parlera à personne. Jamais. C’est l’ombre des mères.


M’est revenu le beau proverbe gitan « N'entre pas dans mon âme avec tes chaussures » et c’est ce que fait Jeanne Benameur. Elle pénètre les coeurs avec précaution avec des mots qui relient et savent faire revivre la douleur pour la dépasser.

Lien : http://www.babelio.com/livre..
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Madame Benameur,nous ne sommes pas intimes mais vous m'avez prise en otage.
Lecture qui m'a plongée dans mon passé. Je n'avais pas compris.
1975. J'ai dix ans. Les mots...je les entends. Les visages des parents sont graves. Otage. Mauritanie. Polizzario. Sa femme et le petit n'ont pas été pris. Ils s'étaient cachés à temps dans le placard. Il n'était pas reporter de guerre. Il enseignait. Il diffusait la connaissance. Marche verte. Les images diffusent et les souvenirs sont confus.
Des mois prisonnier. Avec les autres. Pas de nouvelles. Pas
d' internet à l'époque.
Les parents ne parlent plus devant moi. Elle et le petit sont rentrés en France. Désorientés.
Plus tard la libération. Il avait tenté une évasion mais avait été repris. 40 kms de marche pour rien.Vu à la télé. Dans le journal en noir et blanc. On ne saura rien de sa captivité. Même nous les proches. le couple n'a pas résisté. Plusieurs années, c'est long pour être otage...mais même une minute c'est long. Que ressentait il?
Madame Benameur. ..par vos mots j'ai approché ses pensées. Il est décédé l'an dernier. Daniel B. Paix à ton âme.
Et la pire arme de guerre. ..le viol ...toujours et partout. de nos jours encore. Je n'en peux plus.
Cette auteure a une manière très particulière de me faire entrer dans la peau des gens et de provoquer des émotions indicibles.

Une lecture qui m'a fait mal.
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Quelle pépite mais quelle pépite ! Lu d'une traite, en apnée. Quel concentré d'émotions à l'état pur dans un si court roman ! (attention points d'exclamation omniprésents dans cette critique). Je ressors sonnée par ce roman d'une intensité comme il m'a rarement été donné d'en voir. Je ne peux qu'ajouter ma voix au concert unanime de louanges car Otages Intimes est une vraie réussite. Pourtant dieu sait que le parcours fut long avant que je me décide à réserver ce livre à la bibliothèque car je le confesse, j'avais déjà tenté d'approcher l'oeuvre de Jeanne Benameur avec Profanes, roman abandonné au bout de 20 pages. Mais comme les mystères du cerveau restent impénétrables, j'ai sauté le pas et me voilà conquise, séduite, admirative devant tant de talent !

Otages intimes est récit d'un long réapprentissage de la vie, celui d'un homme, Etienne. Grand photographe de guerre, il fut l'otage d'un groupuscule armé (on ne saura jamais la raison) qui l'a retenu (on ne sait pas combien de temps) dans un pays en guerre. le roman s'ouvre sur sa libération qui le verra échangé contre quelque chose que souhaitaient ses ravisseurs : hommes, argent, nous n'en saurons pas plus. Etienne est attendu de pied ferme par sa mère, femme courage qui l'a élevé seule et entend bien le ramener au coeur du village de son enfance, loin de la foule parisienne et du stress. Il y retrouvera Enzo, son ami de toujours qui lui est resté au village et Jofranka qui comme Etienne a sacrifié sa vie personnelle au profit d'une cause plus grande, la défense des femmes violées victimes de crimes de guerre. A la mère d'Etienne et Enzo, ancrés au territoire, stables et constants, s'opposent Etienne et Jofranka, enfermés dans leur monde égoïste, des électrons libres qui les ont rejetés et aspirent à plus : la rédemption, la lutte, semblables à des drogués camés à l'adrénaline. Chacun de ces protagonistes est otage de ses démons intimes. Otages intimes c'est aussi et avant tout la survie d'Etienne qui malgré l'amour de ses proches, se sent coupé des autres car otage de ce qu'il est devenu, un survivant. Car comment raconter la survie, l'enfermement, la violence et la détresse, quand la seule obsession se résume à manger, asservi aux besoins les plus basiques, avide du moindre geste de mansuétude de la part des geôliers ?

Récit intime d'un retour à la vie, Otages intimes est une perle littéraire qui interpelle le lecteur et l'émeut tout à la fois. Faites-moi plaisir, ne passez pas à côté sous peine de faire une bien belle erreur.
Lien : http://www.livreetcompagnie...
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Le récit commence lorsqu' Étienne, photographe de guerre, otage, a de la chance. Il est vivant. Il rentre. Aprés plusieurs mois de captivité, ses ravisseurs l'ont conduit, les yeux bandés, jusqu'à un avion. Ils s'apprêtent à le faire libérer. Se lancer dans la joie du mot" libre", il ne peut pas. Suspendu. Il se rappelle le jour" Oú toute sa vie est devenue juste un petit caillou que l'on tient serré au fond d'une poche...."Jeanne Benameur, comme à son habitude, nous enveloppe de lenteur, tisse patiemment, en prenant son temps, la trame fragile du retour à la vie de cet homme tout petit, réfugié en lui - même, cabossé qui pense à tous les êtres laissés derrière lui. La romancière travaille les mots précisément comme l'ébéniste travaille le bois, magnifiquement....se met à la place d'Etienne, ressent la douleur extrême, l'attente, le vide, " Il y a des nuits oú tout l'espace de la mémoire se déploie, les territoires sont ouverts" ....L'enfermement creuse les failles. Jusqu'où ? Les questions fusent : Faut- il accepter qu'il n'y ait aucun refuge?Peut- on reprendre sa vie d'avant ?Si l'on a connu la peur et la barbarie, faut - il inventer la paix, la douceur, la beauté quand même? Faut- il inventer le visage neuf des jours neufs?
Parmi les voix qui enrichissent ce récit hypnotisant, sans cesse traversé par l'intériorité et l'intime de soi, la retenue, l'apaisement, la suspension du temps, il y a celle d'Irène, la mére d'Etienne qui ne réussit d'abord à renouer les fils avec son fils qu'à travers les notes de musique du piano, dans la maison familiale, redevenue un refuge, un entre - soi originel .Plane aussi l'ombre d'Emma, l'ex compagne, otage de l'attente, du vide de l'attente.....Puis Enzo, le fils de l'Italien, le taiseux, le créateur de beauté à travers le travail du bois : il est là , l'ami d'enfance sécurisant ! Enfin, la petite qui vient de loin, Jofranka, devenue avocate à la Haye, qui aide les femmes victimes de guerre ....Elle revient au village et sème le trouble entre ces trois là, entre eux, une géographie muette se met en place....
La romancière explore le thème de l'intimité, habite et habille la solitude de l'otage après sa libération sans à priori , sans faux -semblants, sans fioritures, avec grâce et apaisement, en avançant sur le fil de la liberté vraie, en équilibre instable, semblable à nos vies.
" On Croirait avoir trouvé la paix mais la vie est inventive. Elle revient déranger tout votre petit monde paisible. Et il faut bouger."
Trés difficile de trouver les mots justes pour qualifier ce beau récit , intimiste, lent, doux, entêtant , ce "confinement ", cette "suspension." Ce ré- apprivoisement !
Magnifique !
Quelle est la part d'otage en chacun de nous?

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Emprisonnée dans cette lecture... Que de sentiments à travers les ressentis des protagonistes de cette histoire.
Cela commence par la libération d'un otage, Etienne, photographe de guerre.On est directement dans le sujet : emprisonnement-liberté. C'est du concret...
On découvre l'entourage d'Etienne, et là, on se rend compte que chacun est prisonnier de quelque chose, de quelqu'un, d'une histoire passée..., on découvre que chacun trouve aussi sa liberté à sa façon.
Ce n'est pas un film qui se déroule à travers les mots sous nos yeux, ce sont des sentiments, des ressentis, des impressions.
Presque un poème ! L'auteur nous entraîne par sa prose...
C'est le 1er roman que je lis de Jeanne Benameur, et je ne regrette pas cette découverte.
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Ce roman est d'une intensité telle que j'ai dû le lire très lentement, jamais plus d'une dizaine de pages par jour et encore…

L'histoire de cet homme est belle. il vient d'être libéré après avoir été pris en otage, maltraité pendant des mois, alors qu'il faisait son métier, reporter de guerre, s'approchant au plus près du conflit pour mieux le décrire, cherchant « La » photographie, pas forcément le scoop mais la photo la plus représentative de ce qu'il vit sur le terrain, pour montrer ce qu'est la guerre au quotidien.

Il a survécu, mais à quel prix ; il doit tout réapprendre. Tout ce qui est naturel ce qui se fait sans réfléchir, tout doit être apprivoisé de nouveau et il a du mal à mettre des mots sur ce qu'il ressent. Il est devenu un animal à cause de ses tortionnaires. Il était en mode survie pour résister.

Il a des images plein la tête, mais ne sait pas, ne sait plus (l'a-t-il jamais su ?) mettre des mots sur tout ce qui s'est passé. Il réapprend de façon animale le moindre petit geste, manger, goûter les aliments… Il est concentré sur la saveur du pain. Ne plus jamais s'en lasser. S'en vouloir de juste avaler déjà sans prendre le temps de savourer. Que chaque chose retrouvée s'enracine vraiment. Pour ne plus jamais la perdre. Mais il oubliera. Il le sait. P 77

En rentrant dans la maison familiale, c'est aussi le passé qui refait surface. Et Jeanne Benameur nous plonge dans les douleurs, les souffrances de chaque protagonistes, nous démontre qu'il y a certes, un otage pur et dur mais à côté, on est tous l'otage de quelqu'un ou d'une situation familiale ou personnelle.

Jeanne Benameur aurait pu nous parler syndrome de stress post-traumatique, résilience… en fait, elle n'emploie jamais ces mots, elle décrit de façon chirurgicale, cherchant constamment le bon mot, celui qui colle le plus à la réalité. Et pourtant, l'écriture est tellement belle que toutes sortes d'émotions nous submergent.

Elle nous parle de réapprivoiser la vie, le quotidien, mais aussi du deuil, de la façon dont on peut avancer dans l'horreur quotidienne. Les mots sont ciselés, sculptés comme Enzo lorsqu'il travaille son bois. On sent les odeurs, celles du sang mais aussi celles du café, on entend les bruits, celui des armes mais aussi celui de l'eau qui coule. Il respire lentement, boit le café. Il se rappelle qu'il aurait tout donné pour une tasse de bon café ces derniers mois. S'en tenir à cela. Boire le café. Sentir l'arôme descendre au fond de lui. P 68

On découvre le poids des mots, l'importance de mettre des mots sur les émotions, pour être au plus près du réel et identifier la souffrance, l'intime. Ces mots qui délivrent, qui permettent de trouver ou retrouver la liberté. le titre du livre, déjà, est extraordinaire. Et enfin, j'ai retrouvé la petite musique de Jeanne Benameur, la musique des mots, les sons, mais aussi les vertus de la musique pour cicatriser les plaies car notre trio est aussi un trio de musiciens, violoncelle, flûte, piano... et tapi dans l'ombre le poids du silence...

La nature est omniprésente, complices, thérapeute. C'est beau, puissant. C'est « de la belle ouvrage », comme on disait autrefois. Chapeau, Madame Benameur, votre plume est magique. Vous avez écrit un chef d'oeuvre sur un sujet tellement difficile.

Je pourrais parler de ce livre pendant des heures tant je l'ai aimé. C'est un coup de coeur, le dernier de 2015, comme l'a été chacun des livres de Jeanne Benameur que j'ai lus jusqu'à présent. Ce livre m'a accompagné pendant toute la maladie de mon père, et je l'ai terminé après son décès. Au milieu de la lecture, il y a eu les attentats, ce qui a fait encore monter la tension interne ; tout d'un coup, je faisais partie du livre. Il m'a nourrie.

N'hésitez pas, foncez, ruez-vous sur ce livre….

Note : 9,6/10
Lien : http://eveyeshe.canalblog.co..
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Etienne est photographe de guerre. Il est pris en otage dans une ville en plein combat.
Quand il est libéré, il se retrouve en danger face à sa propre personne, il a perdu tous ses repères.
De retour dans son village, entouré de l'affection d'Irène sa mère, d'Enzo et de Jofranka ses amis d'enfance, il va pouvoir revivre lentement, évacuer les images effrayantes et se reconstruire en allant au plus profond de son être.
J'ai ressenti énormément de coups de coeurs pour des passages et curieusement pour celui, assez long pourtant, qui décrit l'expression silencieuse d'Enzo dans son travail.
Avec des mots et des phrases qui nous mêlent aux pensées d'Etienne, Jeanne Benameur nous fait participer au parcours difficile de l'otage qui recouvre la liberté.
Elle nous pose une question : quelle est la part d'otage en chacun de nous? Otages de nos idées reçues, de nos obligations...?
Le titre "Otages intimes" est extrêmement bien choisi.
Que d'émotions grâce aux mots et au pouvoir d'expression de l'auteure dans ce roman !
J'avais lu "Profanes" de Jeanne Benameur. "Otages intimes" est bien de la même veine tout en abordant une situation toute différente.
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Photographe de guerre, Étienne se protège derrière son appareil photo pour faire écran à la réalité. Mais les images s'accumulent, l'horreur s'infiltre et les mots s'épuisent. Un jour son geste de photographe reste en suspens, il est comme en arrêt sur une image, sur une scène dans la rue qui l'ébranle. Cet instant de présence intense lui vole le réflexe de courir se mettre à l'abri et le prendra en otage.
Otage de guerre mais aussi otages intimes, car l'auteure sonde tous les recoins des pensées des personnages pour y dénicher la part d'otage qui s'y cache.

Étienne est libéré et retourne au pays. Il rejoint sa mère et ses amis espérant retrouver son monde de l'enfance pour effacer les traces de l'enfermement.
Il est relié à ses deux amis par le souvenir de leurs jeux d'enfants, de leurs découvertes, où se mêlaient la sauvagerie, la beauté et la magie des notes de musique. Ils ont comme outils pour retrouver cette part d'insouciance, la voix de leurs instruments qui recouvre le silence des mots, ainsi que la délicatesse de leur amitié.

Mais il faudra aussi oser regarder cette part d'otage enfouie en chacun d'eux, « S'encorder aux mots. Ne pas peser sur ceux qu'on aime. » Prendre le temps de trouver les mots justes, les mots qui résonnent comme des échos de la peur. Cette ombre une fois nommée laissera la chance à un chemin de liberté de s'ouvrir enfin.

Les phrases sont brèves et ciselées, elles cherchent et creusent, elles tentent de s'élever au-dessus du gouffre, se retrouvent comme des notes suspendues sur un fil avec parfois le silence. Otages intimes est aussi un chant de liberté, un chant d'enfance et d'espoir, où se rejoignent le violoncelliste, le pianiste et la flûtiste, pour faire barrage à la barbarie, à la part d'ombre. Une part d'ombre qui se reflète en chacun de nous. Celle qu'on traîne, qui ne se laisse pas oublier.
Un roman dans lequel il faut s'arrêter sur chaque petite phrase, sur un mot, un geste, un regard. Des mots comme des pensées en boucle, comme des éclats que la prose de l'auteure atténue.


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C'est à travers otages intimes que je découvre cette auteure.

Etienne, photographe de guerre, revient à la liberté après avoir été gardé captif longuement.

Il constate qu'il ne suffit pas d'être vivant pour être libre, il se sent toujours emmuré dans sa mémoire traumatique et hanté, il est mal dans sa peau, les mêmes images reviennent en boucle : le mur, les visages meurtris par les violences de la guerre qui tue. Lui Etienne s'est tu ; cela le terrifie d'avoir si peu de courage.

Jeanne Benameur a beaucoup de talent grâce à un style d'écriture qui décortique les pensées, c'est parfois pesant mais tout à fait normal, elle nous rend « un peu » otage du livre…c'est son tour de force.

C'est chez sa mère qu'il va tenter de retirer les chaines invisibles qui l'enserrent. Elle le respecte, tout en étant à la maison, reste à distance, de ses longs silences à marcher dans la forêt. Il pense qu'il va parvenir à émerger tout seul, mais cela ne va pas se passer ainsi. Puis il retrouve ses deux amis d'enfance, Enzo qui est ébéniste et Jofranka, avocate à la Haye qui vient en aide aux femmes victimes de la guerre à verbaliser les souffrances endurées.

A travers des chapitres courts, l'auteur nous embarque dans cette amitié triangulaire hors du commun qui s'est enracinée dès leur petite enfance et petit à petit ces deux amis et avec l'amour maternel inconditionnel mais distancié, l'aident à s'ouvrir et s'autoriser à être libre.

C'est parce qu' ils sont parvenus à se parler sans faux semblants que cette amitié survit et les rend libres et non otages, pas d'entraves, que des cordages d'amour et cela j'ai beaucoup aimé et chacun reprend le cours de sa vie.
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