La vache pourpre
Réflexions sur un animal mythologique,
pour le moins tout à fait remarquable.
Je n'ai jamais vu de vache pourpre
Et j'espère n'en jamais voir?
Mais j'ai beau être dans la lune,
Je préfère en voir qu'en être une.
Mes jambes sont si lasses,
qu'elles se brisent au lit,
Et mon oreiller caramel
Me colle au crâne.
J'aime mieux posséder
Des doigts aux mains qu'aux pieds,
Des oreilles qu'un nez
Pour mes cheveux,
Ils sont où je les veux.
Je voudrais que ma chambre ait un sol.
Une porte, je n'y tiens pas,
Mais marcher en rond sans arrêt,
Sans jamais toucher le parquet,
M'ennuie prodigieusement !
Je n'oserais jamais passer
Sur un pont invisible,
Car j'aurais bien trop peur,
Je le crains, d'en tomber !
p.198
Gelett Burgess
1866-1951
Vers nonsensiques
À Potsdam, les totaux absteneurs,
Comme tant d'autres titotalleurs,
Sont gloutons, omnivores,
Nasorubicolores,
Grands manchons, et terribles duffeurs.
Un vieux duc (le meilleur des époux)
Demandait (en lui tâtant le pouls)
À sa vieille duchesse
(Qu'un vieux catarrhe oppresse) :
« Et ton thé, t'a-t-il ôté ta toux ? »
« Cassez-vous, cassez-vous, cassez-vous,
O mer, sur vos froids gris cailloux ! »
Ainsi traduisait LAURE
Au profit d'ISIDORE
(Bon jeune homme, et son futur époux).
Il existe une Espinstère à Tours,
Un peu vite, et qui porte toujours
Un ulster peau-de-phoque,
Un chapeaux bilicoque,
Et des nicreboqueurs en velours.
Il naquit près de Choisy-le-Roi ;
Le Latin lui causait de l'effroi ;
Et les mathématiques
Lui donnaient des coliques,
Et le Grec l'enrhûmait. Ce fut moi.
Un Marin naufragé (de Doncastre)
Pour prière, au milieu du désastre,
Répétait à genoux
Ces mots simples et doux :
« Scintillez, scintillez, petit astre ! »
Il était un gendarme à Nanteuil,
Qui n'avait qu'une dent et qu'un œil;
Mais cet œil solitaire
Était plein de mystère ;
Cette dent, d'importance et d'orgueil.
« Oui, Français, votre patrie est belle,
Et chez vous le soleil étincelle !
Mais l'on n'a pas chez vous
Ces deux objets si doux,
Le Pôqueur, et la Côle-escoutelle ! »
p.106-108
George du Maurier (1834-1896)
Le Jabrebocq
Il brilguait ; slictueux, les tôves
Giraient et guimblaient sur les loignes ;
Mimeux étaient les borogoves,
Et la molmerase horgrippait.
« Mon fils, prends garde au Jabrebocq,
A ses crocs acérés, à ses griffes puissantes !
Evite aussi l'oiseau Jujube,
Et le frumieux Bandagrippe ! »
Saisissant son glaive vorpal,
Il dépista longtemps cet ennemi manscart.
Enfin, devant l'arbre Totom,
Il s'arrêta pour réfléchir.
Il pensait, d'uffuse manière,
Quand le Jabrebocq, oeil flambant,
Tout fibblant par le bois tulgeais,
Vint burbuler férocement !
Un, deux ! Un, deux ! De part en part
L'épée vorpale l'outreprit !
Tout mort, il le décapita,
Et rentra galomphant.
« A s-tu occis le Jabrebocq ?
Viens dans mes bras, rayonneux rejeton !
O jour frabrieux ! calleau, callai ! »
Cortula-t-il, ravi.
Il brilguait ; slictueux, les tôves
Giraient et guimblaient sur les loignes ;
Mimeux étaient les borogoves,
Et la molmerase horgrippait.
p.78-79
Monsieur Pepinet
Où donc est monsieur Pepinet ?
qui donc est monsieur Pepinet ?
il est fier comme Artaban
il est beau comme un astre
il est tiré à quatre épingles
il est bête comme une oie
Où donc est monsieur Pepinet ?
connaissez-vous monsieur Pepinet ?
il aime bien son petit confort
il préfère les calcéolaires
il marche dans les plates-bandes
connaît-il le pays
sans fleurs ni couronnes ?
Où donc est monsieur Pepinet ?
connaissez-vous monsieur Pepinet ?
cherchez-vous monsieur Pepinet ?
ohé Pepinet ohé Pepinet
c'est vous c'est moi c'est nous tous
et puis tout de même vive Pepinet
Philippe Soupault
Chansons vécues
p.180-181
L'hipporhinautruvache
L'hipporhinautruvache est une créature
Tout emmêlée aux entournures.
Elle dort le jour et sifflote la nuit.
Elle porte des chaussures rouges qui font du bruit.
Si vous riez de l'hipporhinautruvache
Vous vous exposerez à des désagréments,
Car l'animal est protégé de toutes les ganaches
Comme vous et moi, ou nos parents.
Spike Milligan
p.229
Robert Benayoun, “Alain Resnais, arpenteur de l’imaginaire”, 1986 présenté par Michel Ciment
Critique et directeur de publication de la revue Positif, célèbre bretteur du “Masque et la plume”, producteur de l’émission “Projection privée” sur France Culture, Michel Ciment est également l’auteur de remarquables monographies sur des cinéastes (Kubrick, Rosi, Losey).
Critique marquant (à France Observateur ou Positif), membre du groupe surréaliste, Robert Benayoun fit preuve d’une verve étincelante et d’une culture polymorphe. Parmi ses ouvrages de référence – sur le dessin animé, Jerry Lewis ou Buster Keaton –, Michel Ciment a choisi son livre sur Alain Resnais et étudie un chapitre consacré à l’un de ses films.
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