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EAN : 9791096011162
144 pages
L'Éveilleur (01/10/2017)
4.5/5   1 notes
Résumé :
"Enfin, ma chère, demanda Mrs Culverin un peu émue, vous n'allez pas me dire... une queue ?" Une queue, oui, et de chat : elle trouble le monde des mélomanes subjugués par sa virtuosité quand son étrange possesseur dirige les plus grands orchestres du monde ; et elle fascine une princesse siamoise qui ne la quitte pas des yeux. Une histoire qui ne tient pas debout, diront certains. Ils oublient les bonheurs de l'atmosphère fantastique, la plus à même de révéler l'an... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (1) Ajouter une critique
Stephen Vincent Benét m'était complètement inconnu jusqu'à ce que je lise sa nouvelle « Le Roi des chats » dans la fameuse anthologie fantastique dirigée par Dashiell Hammett, Terreur dans la nuit, où il côtoyait Lovecraft, Ewers, etc. Pour autant, cette nouvelle n'avait absolument rien de terrifiant : c'était une satire sociale légère et enjouée. le petit recueil concocté par L'Éveilleur nous offre l'occasion de relire ce texte, accompagné de cinq autres, dans lesquels l'auteur, poète admiré en son temps (et titulaire de deux prix Pulitzer, ce qui ne doit pas être très commun – même si le second était posthume), livre autant de variations sur l'imaginaire, fantastique, allégorique, science-fictif éventuellement (uchronie, post-apoalyptique…) ; l'humour est souvent de la partie, mais il s'y trouve bien d'autres choses, et parfois bien plus graves.



« Le Roi des chats », une relecture donc, relève plus ou moins d'une sorte de merveilleux burlesque, qui déboule dans les cancans de la bonne société américaine pour mieux la railler. Ici, ces dames se pâment pour un chef d'orchestre qui, voyez-vous ça, est doté d'une queue, avec laquelle il manie sa baguette ; sa dextérité est absolument hors-normes. Mais qu'en est-il donc de cette princesse siamoise qui affole les hormones de notre « héros », jeune homme pathétique et pas qu'un peu couillon, à vrai dire méprisable ? Vous vous en doutez très bien… Un texte léger et enjoué, oui. Une des nouvelles fantastiques les plus connues de l'auteur – mais, en ce qui me concerne, le meilleur est assurément à venir : « Le Roi des chats » est une nouvelle délicieuse, mais d'autres ici m'ont bien davantage parlé.



Le cas de la nouvelle suivante, « La Fuite en Égypte », est cependant particulier. Pareille nouvelle ne peut pas être lue hors contexte : nous y adoptons le point de vue d'un garde-frontière mesquin, qui voit défiler devant lui le « peuple maudit » banni du Vaterland. Amis d'enfance inclus. On y voit nécessairement le sort infligé aux Juifs par les nazis, et on ne s'étonne pas de cette chute qui n'en est pas une, « révélant » qu'un Joseph et les siens figurent parmi les rejetés – à l'horizon, on entrevoit peut-être aussi Israël ? C'est secondaire, je suppose. Mais voilà : cette nouvelle date de 1939 – ce qui la rend sombrement prophétique, et en même temps… presque timorée, au regard du degré des exactions à venir des nazis ? Ce dont on ne saurait bien évidemment blâmer l'auteur, ce n'est pas du tout le propos ; mais l'ironie de la conclusion n'en est que plus amère…



Après quoi « Le Docteur Mellhorn et les portes de perle » permet heureusement de relâcher un peu la pression. Cette nouvelle très drôle et truffée de gags met en scène un médecin acharné dans son travail (et ses tours de prestidigitation minables) qui se retrouve au paradis, mais s'y ennuie à mour… euh… Bref : il préfère se rendre en enfer, où, au moins, il a du travail. Une satire très pertinente et enlevée ; on rit de bon coeur, ce qui n'exclut pas un fond éventuellement plus grave qu'il n'en a tout d'abord l'air.



Suit « L'Homme du destin », peut-être ma nouvelle préférée du recueil – et, figurez-vous, une uchronie. Qui emprunte une forme épistolaire pour le moins savoureuse… Nous sommes en 1789, avant que ça ne dérape – ça ne dérapera pas, nous assure notre narrateur, un général anglais en convalescence dans quelque ville d'eau du sud de la France. Là, il rencontre un confrère, un officier français « né en Sardaigne ou quelque chose comme ça » ; un homme qui a une haute idée de lui-même, et enrage de n'avoir jamais eu l'occasion de faire la démonstration de ses considérables talents. Anecdotes et paroles, la famille envahissante de l'officier également, nous révèlent bien vite ce qu'il en est : le bonhomme n'est autre que Napoléon Buonaparte… né vingt ans trop tôt. Les génies ne sont rien sans les circonstances qui leur permettent de briller… Une nouvelle très subtile, drôle mais pas seulement, et d'une plume délicieuse ; un vrai modèle du genre, en fait.



Les deux dernières nouvelles reviennent à quelque chose de plus frontalement grave – et partagent un même thème : l'effondrement de la civilisation. Dans « La Dernière Légion », pas à proprement parler un texte fantastique ou SF, l'armée romaine abandonne la Grande-Bretagne – on la rappelle sur le continent… L'ambiance est amère : nombre des contemporains savent très bien ce qu'il en est – les légions ne reviendront pas, Rome ne tiendra pas. Mais quelques légionnaires se bercent encore d'illusions ; la puissance éternelle de Rome et de ses soldats ne peut tout simplement pas disparaître de la sorte ! Eh bien, si… Belle nouvelle, d'une force d'évocation admirable, et d'une ambiance pesante et sombre qui fait des merveilles.



La dernière nouvelle de ce recueil, « L'Âge d'or », reprend ce thème, mais dans un contexte d'anticipation post-apocalyptique. Nous y suivons un homme (« un Indien » nous dit le paratexte, mais je n'en suis pas convaincu – c'est plutôt qu'il doit évoquer au lecteur « un Indien »), prêtre en formation pour sa tribu, qui vit son épreuve initiatique dans les « Endroits morts », les « Endroits des dieux », et décide d'aller un peu plus loin qu'il n'est raisonnable ; avec lui, nous arpentons les ruines d'une ville inconcevable – une ville qu'on comprend bien vite être New York en ruines… Les dieux étaient des hommes – et leur monde s'est effondré. le titre de la nouvelle n'en est que plus cruellement ironique ; pourtant, ce tableau des cycles de la gloire et de la décadence des civilisations n'est peut-être pas si unilatéralement pessimiste ? Car d'autres civilisations sont envisageables. Elles disparaîtront ? Nul doute à cet égard – mais d'ici-là, il y a peut-être des choses à faire…



Un très bon recueil, qui illustre le talent pour l'imaginaire d'un auteur un peu oublié, surtout de par chez nous, et qui mériterait pourtant bien qu'on y revienne. Benét, poète avant tout, écrivait à en croire ses exégètes ce genre de nouvelles pour en tirer un revenu relativement régulier – son application et son talent, cependant, font plus que les sauver : ce sont autant de grandes réussites, d'un auteur « professionnel » sans doute, mais pas moins talentueux. Très bonne initiative, donc, que la publication de ces six nouvelles riches de qualités variées autant qu'indéniables.
Lien : http://nebalestuncon.over-bl..
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