Roman à la chute surprenante et qui prend son temps, comme toujours chez l'auteur, mais dont l'intérêt ne faiblit jamais, entre les Landes mystérieuses et la Mitteleuropa (évoquant irrésistiblement le Sceptre d'Ottokar), avec des descriptions savoureuses de parties de pêche et de rêveries éveillées sur des femmes-oiseaux.
Commenter  J’apprécie         10
Depuis une semaine à peine que j’avais pris pied dans cette paradoxale forêt landaise, tout semblait conspirer à me convaincre que je vivais en une féérie. En rêve, si l’on veut bien s’en souvenir, avaient commencé à m’apparaître des humains métamorphosés en monstres et divinités aquatiques. A présent, c’était d’un bien autre avatar qu’il s’agissait. Entre le Laffite 1841 et le Clicquot de la même année, les femmes, subitement, avaient cessé d’être des femmes. Elles étaient devenues des oiseaux, parfaitement, de ces oiseaux qui voltigent, avec négligence, devant les chasseurs, et que lisse le soleil opalin, dans les transparentes brumes d’octobre. Mme Odinet, dans son plumage d’or passé, tavelé de beige, avait pris d’un coup la sveltesse sautillante d’un pluvier. Un lotophore, telle était devenue, engainée de vert métallique, la penchante Mme d’Artenucq. Bardée d’un sourire barré de noir, Mme de Messanges, avait fait place au cruel passereau dont elle était presque l’homonyme. Je ne parle pas de Mlle de la Morlière, toute pareille, tout en blanc, à l’orgueilleux lagopède des neiges. Mme de Saint-Selve, en charmeuse violine, gaufrée de bleu, n’était plus que le tendre turtur de la première bucolique. Une acquiesçante poule faisane, rouge et argent, c’était ce que paraissait n’avoir jamais cessé d’être Mme Elichondo. Une foulque, Mme Hontarède. Une draine, Mlle Saint-Geours. Une sarcelle, Mlle Sentax. Mme de Neurisse, rose et grise, un ibis falcinelle. Et il convient enfin de ne pas oublier cette étrange Mme Larralde, au profil dur, aux yeux changeants, venue, eût-on dit, tout exprès du marais d’Orx pour symboliser parmi nous le bizarre hôte des bartes qu’est le tadorne, vêtu, ainsi qu’un procureur de chambre ardente, de pourpre, de sable, de blanc.
Pierre Benoit, un auteur majeur à redecouvrir .Voir l'émission : http://www.web-tv-culture.com/pierre-benoit-un-auteur-majeur-a-redecouvrir-375.htmlDe 1918 à 1962, il fut un auteur incontournable et a vendu des millions de livres dans le monde entier. Mais qui se souvient de Pierre Benoît ?50 ans après sa mort, dans sa maison des Landes, redécouvrez l?auteur de «L?Atlantide » et « Koenigsmark ».