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Mouchette. Si jeune et si fragile. Pourtant si dure face à son destin.
Mouchette a quatorze ans. Sa vie n'est que misère. Des parents alcooliques, sans tendresse. Des coups qu'elle prend, sans gémir. Des insultes qu'elle reçoit, sans broncher. Même à l'école, où pourtant elle aimerait avoir sa place, elle aimerait un peu de repos mais Madame la rudoie, lui insuffle la honte devant ses camarades. Des camarades, d'ailleurs elle n'en a pas. Qu'aurait-elle à partager ? du silence. Des mots coincés au fond de son coeur qu'elle ne sait exprimer. Pourtant, elle en rêve des beaux mots. Elle en rêve de l'amour, sentiment qu'elle ne sait nommer mais qu'elle ressent dans son corps, dans son âme. Oui, elle l'offrirait cet amour. Oui, elle donnerait son corps à cet autre qui viendrait un jour. Elle n'a que ça à offrir, Mouchette. Elle. Et sa virginité.
Mais un destin inéluctable semble régner...

« Tout ce grand espoir qu'elle a eu, si grand qu'il n'était sans doute pas à la mesure de son coeur, qu'elle n'en a tiré aucune vraie joie, qu'elle ne garde que le souvenir d'une attente merveilleuse, à la limite de l'angoisse, tout ce grand espoir n'était donc que le pressentiment d'une humiliation pire que les autres, bien que de la même espèce. Elle est allée seulement plus profond, si profond que la chair elle-même y répond par une souffrance inconnue, qui rayonne du centre de la vie dans le pauvre petit corps douloureux. »

Que d'âpreté dans cette histoire. Quelle tragédie !
Dès les premiers mots, Bernanos nous impose sa Mouchette. On entre immédiatement en empathie avec son personnage. L'image du destin de Fantine de Victor Hugo s'est aussitôt collée à ma rétine et je savais que Mouchette n'échapperait pas à son triste sort.
Tout conduit cet être solitaire vers son noir destin. La compassion n'existe pas ou peu chez ses semblables. L'abus de pouvoir, d'autorité semble au contraire bien répandu. Et face à la honte, à la solitude, au mépris, Mouchette ne trouvera qu'une échappatoire possible pour contrer sa souffrance, son mensonge. Même la nature enveloppe Mouchette de misère : le froid, la pluie, la boue sont omniprésents.

Un roman très marquant et très marqué sur le déterminisme social.
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A l'issue de cette troisième rencontre avec Bernanos, je commence à désespérer de trouver chez cet auteur un soupçon de lumière ou d'espérance...
Si je n'ai pas vraiment saisi le lien que Bernanos établit en préface entre cette Mouchette et celle de Sous le soleil de Satan, je retrouve dans cette Nouvelle histoire de Mouchette cette sensation de lecture éprouvante, lourde, ces personnages écrasés au sol par une force maléfique, avec en plus ici une noirceur sans nom enfermant cette gamine abandonnée des dieux dans une nuit éternelle.
Mouchette est une Cosette à qui aucun Jean Valjean ne tendra jamais la main, affrontant en animal sauvage un environnement dans lequel tout lui est hostile : crevant de misère, son ivrogne de père et sa mère malade n'ont pas d'amour à lui donner, son institutrice lui exprime avec violence le dégoût qu'elle lui inspire, la nature même, froide et hostile, ne lui offre pas de refuge. Rien d'étonnant alors que l'outrage d'une rencontre avec un braconnier ivre ne la conduise au drame libérateur.
Difficile pour moi de discerner si l'intention de l'auteur, seul à chérir tendrement son personnage, est d'ordre social ou spirituel; je penche, vu l'homme, pour le second, et le tragique de sa vision du monde n'en est que plus désespérant.
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« Ô maudite enfance qui ne veut pas mourir ! ». C'est le livre d'une malédiction vécue par Mouchette, mais aussi par M. Arsène, épileptique et saoul, qui l'abrite et lui parle avant de la violer, par sa mère, « La mourante tient le goulot serré entre ses lèvres et elle aspire bruyamment, maladroitement. le liquide coule d'abord de chaque côté de sa bouche, puis il inonde le cou, la chemise », par son père, « défiguré par l'enflure lorsqu'il souffre de ses terribles rages de dents », et encore son petit frère, « paquet de chiffons fumant d'urine et de lait aigre ».

Malédiction ou plutôt déréliction, misère extrême, car il n'est jamais question ici de religion — ni dieu ni diable —, témoignage d'une ultime misère matérielle et morale que Bernanos installe puissamment dans le récit d'une seule nuit. On y parle, mais il n'y a pas de dialogue, et le monologue intérieur est aussi nu qu'expressif. le seul personnage loquace et bienveillant est la vieille sacristine, familière de la fin de vie. Quelques expressions doloristes agacent le lecteur contemporain comme « l'inavouable douceur », « le pauvre petit corps douloureux », « sa pauvre âme harassée », mais ce livre hautement tragique est une révélation sur le plan social et mental.
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Avec cette "Nouvelle histoire de Mouchette", Bernanos m'a d'abord surprise, par une fluidité de l'écriture à laquelle de précédentes lectures (se limitant, pour être honnête, à celle de "Monsieur Ouine", et à une tentative avortée concernant "Le journal d'un curé de campagne") ne m'avait pas préparée... Il m'a ensuite à la fois atterrée et conquise, le sordide et douloureux destin de Mouchette suscitant autant de tristesse que la compassion et la justesse avec lesquelles Georges Bernanos le dépeint provoquent l'admiration.

Au cours de la vingtaine d'heures pendant lesquelles nous accompagnons Mouchette, quatorze ans, c'est tout un univers que nous pénétrons, et toute la désespérance de cette âme torturée par son incompréhension face à la violence du monde. Entre un père ivrogne et une mère gravement malade, au sein d'une fratrie dont le dernier membre, victime de l'alcoolisme parental, est né débile, l'adolescente a grandi dans un milieu où la misère prend trop de place pour autoriser un geste d'affection ou une quelconque marque d'attention envers des enfants essentiellement considérés comme des bouches à nourrir.
Négligée par ses parents, exclue par les autres enfants, méprisée par la maîtresse d'école, Mouchette est une fille sauvage et rebelle, à la manière d'un animal qui, poussé par son instinct, se lance dans une fuite éperdue pour échapper au carcan d'un environnement qui la condamne à la médiocrité.

Les premières pages la trouve en train d'épier ses camarades à la sortie de l'école, spectatrice d'une insouciance et d'une complicité enfantine qu'elle ne connaîtra jamais. Sur la route du retour, empruntant des chemins de traverse, surprise par la pluie et le vent, perdant, dans le noir, ses repères, elle s'égare dans les bois, laisse une de ses chaussures miteuses dans un trou de boue où elle est tombée... puis rencontre M. Arsène, qui l'emmène à l'abri dans le secret de sa hutte de braconnier...

Georges Bernanos nous emmène en compagnie de Mouchette dans un univers grisâtre, boueux. La fillette, malgré son désir à peine conscient de révolte contre le déterminisme social qui la relègue au rang des indésirables, est, par son manque d'expériences relationnelles et l'autonomie avec laquelle elle a du faire l'apprentissage du monde, dépourvue des armes propres à se prémunir des dangers liés à la concupiscence et la duplicité de certains adultes. C'est ce qui fera d'elle une victime passive de son malheur. Imprégnée de l'intensité de ses émotions et de ses peurs, elle expérimente avec détresse la solitude dans laquelle l'incompréhension des autres plonge les êtres différents.

L'auteur adopte une posture d'interprète : il est celui qui décrypte, pour les retranscrire au lecteur, les mécanismes qui président aux pensées et aux sentiments de son héroïne, qui déterminent ses actes, elle-même ne disposant pas de suffisamment de recul ou de maturité pour les analyser. Mouchette ressent, Bernanos décrit et analyse. Mais il le fait en démontrant une telle tendresse, une telle amertume face au gâchis que constitue la violation de son innocence, qu'il crée la possibilité d'une proximité avec sa petite Mouchette, que le lecteur n'oubliera pas de sitôt...
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Publié en 1937, Mouchette est l'histoire (et le nom) d'une pauvre paysanne victime d'un abus de confiance en faisant l'école buissonnière. Harcelée à l'école, mal aimée à la maison, elle flâne dans les bois un jour où elle rencontre – avec une symbolique inquiétante – un braconnier. Ivre, taché de sang, il a une histoire à raconter : il vient de tuer un homme dans une querelle qui a dégénéré. Mais un alibi n'est pas tout ce qu'il veut de Mouchette - son vrai crime n'a pas encore eu lieu.
le ton est anthropologiquement détaché, ce qui peut aller jusqu'à choquer par son cynisme: 'Ces filles ont de la chance chez qui la première expérience sexuelle suscite des remords ou du moins une émotion assez violente pour surmonter l'angoisse informe et la nausée désespérée qu'éprouvait Mouchette.'
Ce n'est pas une idylle bucolique. Chaque détail est calculé pour communiquer toujours davantage de pathos, que ce soit les grands évenements de la vie – la mort de la mère malade de Mouchette en un long déchirement – ou les banalités: un épicier bavard console Mouchette avec des croissants (bien sûr) rassis ; une vieille femme veille sur les morts, distribuant des bonbons aux enfants des personnes endeuillées - mais pas avant de les avoir lécher pour oter les saletés de ses poches.
Bernanos nous rend incapables de ne pas être émus, et même les coeurs de pierre saigneront.
Un choc court et brutal – c'est bien la marque de Bernanos.
Lien : http://holophernes.over-blog..
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J'ai découvert "Nouvelle histoire de Mouchette" par le cinéma, avec l'adaptation magistrale de Robert Bresson. Il y a d'ailleurs un passage du livre qui a peut-être influencé le travail du cinéaste, celui de la référence au langage des mains, bien plus franc et sincère que celui des yeux selon Bernanos, un langage si bien mis en valeur dans les films de Bresson (je pense notamment à des passages de "L'argent").
Ce récit est une peinture de la misère, celle d'une jeune fille de quatorze ans, Mouchette, qui en est comme l'incarnation. Bernanos arrive à transcrire la résignation et la soumission de cette pauvre adolescente confrontée aux brimades de l'institutrice, aux médisances des gens du village et aux regards malveillants des hommes. Comme si le tableau n'était pas assez sombre, elle doit subir les absences et les injustices d'un père alcoolique.
Mais contrairement à sa mère qui accepte, comme de nombreuses femmes, ce statut de bête de somme, Mouchette est une révoltée. Elle n'hésite pas à tenir tête, car quelque chose en elle le lui commande.
Ce récit pourrait être une sorte de réquisitoire contre le sort réservé aux femmes. Peut-être Bernanos aura-t-il contribué, en son temps, à éveiller les consciences devant cette intolérable injustice avec cette poignante histoire, mais il est toujours salutaire de le lire aujourd'hui, il reste encore tant de Mouchette dans ce monde de brutes.
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Un petit roman d'une centaine de pages qui se lit très vite. L'histoire est tragique et sordide de bout en bout, néanmoins c'est très bien écrit et prenant, c'est un peu du Zola. Il s'agit d'une jeune fille "Mouchette" qui vit dans une famille de paysans pauvres à la campagne. Je dirai juste que la fin m'a surprise étant donné que la jeune fille avait trouvé une sorte d'alliée dans le personnage de la vieille dame. Ce roman dépeint de façon crédible la misère du peuple au début du siècle. Je suis curieuse de lire d'autres livres de cet auteur considéré comme majeur, des années 30.
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Nouvelle histoire de Mouchette
Georges Bernanos (1888-1948)
Académie française
L'innocence violée.
« le grand vent noir qui vient de l'ouest éparpille les voix dans la nuit. Il joue avec elles un moment, puis les ramasse toutes ensemble et les jette on ne sait où, en ronflant de colère. »
Mouchette, quatorze ans, a fui l'école et les mercuriales de Madame la directrice une fois de plus, et courant par les chemins, puis errant à travers les taillis dans la grande colère du vent et le flagellement de la pluie, elle rencontre Arsène, un jeune braconnier ivrogne à ses heures. Mouchette retarde le moment de rentrer au logis où son père alcoolique invétéré et sa mère gravement malade ne l'attendent que pour lui mettre une raclée de plus.
Arsène parle et parle et ce flot de paroles empêche Mouchette de penser, mais tous ses sens sont à l'affût et guettent elle ne sait quoi encore en épiant un péril prochain. Mouchette est hors d'état de se défendre au cas où, autrement que par l'immobilité et le silence. Arsène en vient au fait et lui confie qu'il a sans doute tué le garde champêtre Mathieu en le frappant violemment au crâne avec un piège métallique. Il veut se servir de Mouchette comme alibi et la met en garde.
Plongée dans sa solitude, Mouchette après la mort de sa mère n'a personne a qui se confier après une enfance sans repère tel un paysage de brume…Elle n'est pas aimée, malmenée par ses camarades de classe, meurtrie dans son âme : l'expression sournoise de son visage et son regard insolent et craintif n'attirant guère la sympathie. Elle n'a jamais connu la douceur d'une caresse, d'une vraie caresse. Une fois pourtant… Et puis elle a été salie dans son intimité dans une nuit de tempête…
Ce bref et beau roman tout empreint de violence enfouie mais aussi de morale chrétienne nous emmène aux confins sombres de la détresse d'une âme blessée qu'aucune lueur d'espoir ne vient effleurer. Bernanos évoque à chaque page la vie de misère et le douloureux destin de Mouchette avec tendresse et ce dans un style d'une beauté absolue dans sa précision et sa retenue.
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Nouvelle Histoire de Mouchette
Le roman poignant et universel de Bernanos
Ce roman que j'ai lu une seule fois, fait partie de ceux qui marquent pour toujours. Relu il y a quelques jours, j'ai constaté qu'il n'avait rien perdu de sa force pour moi. L'une des pépites littéraires dont j'ai toujours conseillé la lecture aux amoureux de la vraie littérature, cette littérature qui nous dévoile la part obscure du monde et de l'être humain. Ce serait une erreur de condamner ce roman à la vision catholique de l'auteur Georges Bernanos, dans ce roman l'auteur nous livre simplement l'image sombre du monde rural impitoyable. Ce qui est malheureusement encore d'actualité et le sera toujours. L'enfant, différente, sublime et émouvante dans sa sincérité et son innocence, livrée à elle-même, mise devant la cruauté des hommes comme devant un peloton d'exécution. le texte est admirable par sa qualité d'écriture. Sa grande précision, sa générosité et sa sensibilité bouleversent toujours autant. Un inoubliable livre littéraire.
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L'écriture du dénouement est magnifique !
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