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EAN : 9782492270840
236 pages
Elyzad (27/10/2022)
3.79/5   7 notes
Résumé :
Une jeune femme libre, Saara, resplendissante au milieu des pudeurs de la ville. Un petit mendiant sourd-muet qui entend tout et refoule ses colères. Un Cheikh, sage parmi les sages d'une paisible oasis, perturbé par une passion interdite. Une administration corrompue, qui veut ériger un barrage sur les cœurs des gens. Et une montagne d'où s'échappent, le soir, d'étranges grondements.
La poésie de Beyrouk plane au-dessus de ce récit poignant. S'il dénonce fér... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (4) Ajouter une critique
Saara
Beyrouk

C'est un chant choral dans un pays et une ville sans nom que nous fait découvrir Beyrouk dans « Saara »
Les voix alternées de trois personnages tissent l'histoire entre conte philosophique et récit social.

Saara ouvre le bal en nous contant sa tragédie. Elle qu'on nomme « la mauvaise fille, la garce, la mangeuse d'hommes, l'impure » en fustigeant ses moeurs légères et sa liberté provocatrice, a toujours subi la violence des hommes, à commencer par son père maltraitant envers sa femme et ses deux filles.
Parmi ses amis, on trouve Sam le poète, Aziza et Zeinab ses amies et Jid, un jeune mendiant sourd et muet qui est l'une des voix du récit. Lui aussi a en commun avec Saara de subir la violence des hommes dont il se protège en s'enfermant dans un faux handicap qui lui permet d'écouter sans éveiller la méfiance.
La troisième voix, c'est celle de Qotb, promu cheikh après son père, fondateur d'une communauté religieuse réfugiée dans l'oasis de Louad.

Loin de la ville dont elle est séparée par une montagne aride, la communauté de Louad vit aux portes du désert dans la paix et la prière. Louad, « était la Médine de son coeur » disait le premier Cheikh, ce devait être une terre d'oubli destinée à la foi mais le cheikh Qotb s'interroge : « Qu'est-il advenu de nos espoirs et de nos certitudes ? ». Il est désemparé, comment s'opposer sans violence à la décision du maire corrompu et de ses sbires au projet de construction d'un barrage dans l'oasis qui les priverait de leur refuge et attirerait les citadins cupides qui mettraient en péril leur foi.
Ces trois personnages, qui ont en commun une certaine dignité face aux aléas de la vie, devront faire front, chacun à sa manière, aux évènements à venir.
Le fait de ne jamais nommer précisément les lieux – il y a une ville une montagne une oasis – fait pencher le récit vers le conte. L'écriture poétique, très imagée de Beyrouk joue aussi ce rôle. Et puis nos trois personnages, fiers et singuliers, auront des épreuves à surmonter. Ici, point de fantastique et, même si des cris s'échappent parfois de la montagne, nul être fabuleux pour venir contrer les destins. Non, le mal vient de la ville et de ses édiles puissants et riches qui pourrissent tout et qui ne connaissent que le pouvoir de l'argent et la violence.
Le monde tel que nos personnages l'habitent se fissure peu à peu tandis que l'ombre du barrage se fait de plus en plus menaçante.
Le lecteur suit les péripéties dans les pas de Saara, Jid et Qotb, mais, surtout, il partage leurs introspections, leurs états d'âme et leurs sursauts.
Ce récit sert aussi à montrer du doigt les dérives d'une société matérialiste, égotiste et violente à laquelle s'oppose d'autres façons de vivre plus altruistes et désintéressées. Cette spoliation autoritaire, c'est un médecin occidental qui la résume le mieux en s'adressant au cheikh : « C'est vrai, mon ami, cette terre vous appartient, mais ce que tu ne comprends pas… c'est que ces gens ont déjà volé votre pays entier et qu'ils n'hésiteront pas à s'emparer d'une terre prometteuse comme celle de Louad. »
La dimension écologique est aussi présente avec le symbole du barrage construit pour le profit d'un petit nombre au détriment de gens modestes qui vivent en autarcie vivrière.
En dénonçant le saccage d'un environnement préservé et l'appropriation d'un territoire, l'auteur a une vision politique. Avec ce drame annoncé, il nous laisse méditer sur les dérives de ce monde.
En s'attardant sur leurs états d'âme, l'auteur nous communique son empathie envers ses personnages.

« Saara » est un récit puissant, une histoire universelle qui donne à réfléchir et, jujube sur le gâteau, l'écriture est lumineuse, ciselée et poétique.

J'avais eu le plaisir de découvrir cet auteur à travers son roman « le silence des horizons » et j'ai retrouvé dans « Saara » le même plaisir de lecture.

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Polyphonique, magnétique, les mirages en plein désert, l'étendue vaste et apeurée.
La parabole vive d'un peuple meurtri dans sa chair.
« Saara » la tempête de sable des illusions. La fusion avec ce qui persiste et assigne au devoir de survivance : le Sahara.
La foi en l'homme, les vies endurantes, les habitus comme l'étoile du Sud. La résistance à la pauvreté. La croyance à l'instar du sable qui s'écoule en main. « Saara », plus que des voix qui s'élèvent et dévoilent les souffrances et les injustices.
Ce livre est un plaidoyer profondément humain.
« Je crois que les habitants de cette cité ont emprunté une voie qui les mène ils ne savent où… Nous menions ma petite soeur et moi, une vie calme, nous étions pauvres mais nous disposions la plupart du temps de l'essentiel. »
Saara, pauvre et résistante, les genoux pliés, la tête posée sur ces derniers, elle conte la passage de l'humilité. Elle ferme les yeux sur la violence des inégalités. Bercée par la voix de sa propre vie, combattante et fulgurante de sensualité. Une femme qui ne cède rien au désespoir.
le texte est un passeur. Les tons graves ou tristes, loyaux ou éperdus. Les narrations sont des bordures d'un pays en souffrance. Universel, tant il est le double de tant d'autres.
Le Cheikh dont l'aura est sublimée de théologal. du pain pour le pauvre, la conviction de savoir ses paroles comme un parchemin pour l'autre, son frère et sa soeur en humanité. L'enseignement comme l'épiphanie. On aime ses choix pourtant douloureux. Sa constance, telle la lumière en plein tourment. le paravent contre la tempête de sable.
« Mon Dieu, je ne veux pas trébucher sur les sentiers du monde et perdre mon chemin. »
Lui, qui doit se battre contre ce qui advient subrepticement. La barrage , métaphore du malheur, les bêtes affolées, l'oasis dont le bleu perd la rémanence. le monde délavé par la corruption, l'orage gronde. le Cheikh est un bâton qui s'enfonce dans le sable. Et pourtant, invincible de par sa maîtrise. Ne jamais faillir. Ne jamais céder à la force du mal. Les terres où son peuple vit, ne changeront pas de propriétaire. Mais que peut le Cheikh contre l'administration  et les lois intestines ?
« - Qu'importe ! Et d'ailleurs, même si vous possédiez légalement ces terres, l'administration a le droit de vous spolier, le fait du prince, vous connaissez ? »
Le Cheikh est pris en tenaille. La vacillement du monde entre ses mains, son éthique est fissurée.
« - Et moi, je vais à l'instant visiter quelques malades avant de partir. Ta mère va mieux. -J'ai prié pour elle ! -Et moi je l'ai soignée ! »
Le mendiant, pauvre enfant, dont les blessures sont à l'instar de ses regards dont d'aucuns ne connaît la signification. Sa mère, malade, mourante, ensanglantée par un trop plein d'injustices et de coups lâches et vils. Tous, ignorent ce corps replié dans l'abri de fortune.
« Et je souffre de la voir souffrir, ma mère… Un reptile harassé par les ans et les misères. »
Le récit est d'un réalisme extrême. On ressent les batailles pour atteindre l'apaisement. Un peuple qui dérive sous le poids du plus fort. L'anéantissement de la beauté et les cruautés vives qui ne sont que noirceur. « Saara » l'acclamation des êtres que l'on regarde en pleurant. Un texte précis, charnel, puissant et vivant. La lutte au quotidien, le souci de maintenir la part de vérité. Les traditions qui assignent à croire encore un instant que tout peut changer. le rêve comme un songe à ciel ouvert. Mais, que peut-on contre la folie humaine ? Ce livre empreint de sagesse, de spiritualité est une poésie triste et nécessaire. On ne lit pas « Saara », on prend par la main la grâce de ses doigts et l'on se glisse dans l'écoute d'une histoire source, colorée entre espérance et désespoir. Prodigieux. Beyrouk n'écrit pas, ici c'est renom qui passe en premier. La trace d'un récit choral, jusqu'à notre présent.
Publié par les majeures Éditions Elyzad.
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Un magnifique roman à trois voix : Saara, une femme qui mène une vie de liberté loin des diktats mais qui reste marquée par la blessure de l'abandon, le Cheikh, imam d'une confrérie religieuse reculée et conservatrice menacée par la construction d'un barrage, et le mendiant, partout, à la fois au milieu des gens et ignorés d'eux.

L'écriture est belle, pour transcrire ce qui est à la fois pour moi un conte et un roman social. On y parle de la société mauritanienne et de sa folle complexité, dans des villes où se côtoient des notables sans scrupules, des religieux conservateurs mais tolerants, des prostituées, des mendiants, d'anciens esclaves...

Je me suis laissée emportée par cette histoire et par ces 3 voix qui m'ont beaucoup touchée. On parle ici de tolérance, de quête d'identité et, aussi, un peu, d'écologie. On parle de corruption, des pressions de l'état pour spolier des terres et des exactions des hommes de pouvoir. On parle enfin de comment on peut vivre sa vie librement à côté de gens diametralement différents et pour autant dans le respect de la "voie" que chacun s'est choisi. J'ai adoré le message, et le recit empreint d'humanité fait beaucoup de bien !
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Dans la plume caractéristique de Beyrouk, à la fois poétique, voluptueuse et bouleversante, le récit rend hommage à Saara, femme libre, délaissée par ceux qu'elle aime et qui ne jure que par sa liberté ; au Mendiant, sourd-muet devant l'hypocrisie et la noirceur de la ville et de ses gens ; et enfin au Cheikh, poussé dans ses retranchements et confronté à l'interdit.
Roman polyphonique aux voix torturées, méprisées et réduites au silence, Saara est le poignant récit de ces êtres victimes d'une société inégalitaire, bien-pensante et à la modernité violente.
Une lecture douce-amère, envoutée par l'attrait et la splendeur des mots et bouleversée par la justesse des plaintes silencieuses de ceux qu'on opprime.

Par-delà la roche montagneuse d'Atar, Saara continue de résonner et de porter ces voix refoulées.
Un rappel poignant pour la préservation de la nature et le respect de l'autre dans toute sa différence.
Quel talent ! A lire absolument !

Lien : https://www.instagram.com/ne..
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critiques presse (1)
LeMonde
23 janvier 2023
Une femme libre, un homme de foi respecté et un jeune mendiant s’y racontent tour à tour, passant des débuts de leur existence aux questionnements que leur imposent les mutations les plus actuelles de la société.
Lire la critique sur le site : LeMonde
Citations et extraits (3) Ajouter une citation
Je ne dois pas lâcher cette portion d'amour qui m'attend, la seule que je puisse encore espérer.
J'ai déjà hâte de la chercher, d'aller suivre ses traces, de flairer chaque arpent de sable qu'elle a emprunté, d'escalader les montagnes qu’elle a peut-être franchies et de savoir...Je ne saurais plus vivre sans savoir.
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Que me reste-t-il à aimer ? Il n'y a que ma petite sœur, et celle-ci est partie, elle s'est enfuie sans regarder en arrière, sans se soucier du désespoir dans lequel elle m'a laissée. J'ai appelé cela trahison, mais aujourd'hui je ne sais plus si un cœur qui aime ne doit pas absoudre, si je ne dois pas pardonner un peu.
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Moi, Saara, femme aux mœurs légères et à l'esprit libre, lui, Qotb, chef d'une confrérie d'un autre temps, imam d'une foi qui refuse les joies du corps et rêve d'un au-delà ! Comment concilier deux planètes qui se nient ?
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