La recherche de cet anonymat que John Ford atteignait avec tant de naturel et de grandeur, n'est peut-être pas autre chose que le désir d'écouter le monde et de respecter le déséquilibre qui naît entre lui et les moyens dont nous disposons pour en exprimer le chant. Le cynisme face aux sexe et les invocations à Dieu sont aujourd'hui les signes insistants par lesquels certains cinéastes, qui furent parfois estimables, cessent d'écouter le monde pour s'identifier au cinéma devenu Veau d'or ; ce cinéma où les images de sexes et les sons de Dieu, parés pour la consommation "culturelle", sont les métaphores totalitaires les plus apparentes qui mettent aujourd'hui les spectateurs en demeure d'aller au cinéma pour ne pas voir le monde mais son cortège de commissaires politiques ou esthétiques, toutes confessions admises. Le monde, diront-ils, il y a la télévision pour ça.
Il est pénible - que l'on fasse des films ou que l'on en soit spectateur - de voir et d'écouter des personnages constamment victimes des circonstances et qui ne mettent pas un peu du leur à faire le mal. C'est en partie pourquoi la plupart des films sociaux d'aujourd'hui non seulement sont intrinsèquement mauvais, mais sont à vous ôter le goût de la vie tant ils sont peu clairvoyants sur ce qui fait marcher la machine humaine.
Le cynisme est précisément ce mouvement destructeur qui vous fait mesurer la réalité et vous la fait ensuite reproduire avec le filtre de prudence, qui retient tout ce qui pourrait s’exposer au regard cynique – c’est-à-dire prudent – du spectateur. Le cynisme est une armure : il cache au regard les fragilités du corps, protège des coups et blessures. Le cynisme n’est pas la lucidité : il arrête les mouvements de la vie et n’en donne qu’une expression grossière. Un artiste ne peut qu’en faire les frais : il le paye par un appauvrissement considérable de sa perception du monde. Comme disaient Fritz Lang et Bertolt Brecht dans une chanson : tout se paie. Je note pour moi-même : toujours trop cynique, jamais assez lucide.
Aimer autant un homme et une femme est une épreuve capitale pour un cinéaste : elle consiste à traverser le miroir de ses goûts sexuels. Ce critère, si insolemment irrationnel, est à peu près le seul qui permette d’établir l’authenticité et la grandeur d’un cinéaste.
Il y a une distance à observer et cette distance permet aux films de tenir. Les films sans distance tombent de l’écran (ou de la caverne), même si peu de gens le constatent ou en souffrent, et ne font que passer dans la mémoire.
Dans "Petite Solange", Axelle Ropert présente un drame familial à travers le regard d'une adolescente. Elle nous livre ce que vit profondément Solange, et par là les grands tiraillements du passage à l'âge adulte.
Cette réalisatrice et scénariste est connue pour son cinéma original et hors des modes, ce qui ne l'empêche pas de trouver l'inspiration dans plusieurs traditions cinématographiques, de la Nouvelle Vague au cinéma classique américain (Ernst Lubitsch, Leo McCarey, Fritz Lang) et aux cinéastes des productions Diagonales (Paul Vecchiali, Jean-Claude Biette).
Elle revient avec "Petite Solange", un film à hauteur d'enfant, qui montre comment Solange, jouée par Jade Springer, une adolescente qui vit le divorce de ses parents, joués par Léa Drucker et Philippe Katherine.
Ne montrant pas les disputes de manière frontale et ne donnant jamais à entendre les cris, le film souligne la dureté du passage à l'âge adulte et la profondeur des drames quotidiens. Il s'est vu décerner le prix Jean Vigo.
Olivia Gesbert invite à sa table Axelle Ropert pour nous présenter son dernier film, "Petite Solange" en salle dès le 2 février.
#cinéma #PetiteSolange
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