Everett RUESS, Quand je m'en vais, je ne laisse aucune trace

Quant à savoir si je rendrai visite à la civilisation, je crois que ce ne sera pas de sitôt. Je ne me suis pas lassé de la nature sauvage ; j'apprécie plutôt sa beauté et la vie vagabonde que je mène de plus en plus intensément. Je préfère la selle au tramway, le ciel constellé d'étoiles à un toit, le sentier obscur et difficile menant vers l'inconnu à toute route pavée, et la paix profonde de la nature au mécontentement engendré par les villes. Me reprochez-vous alors de rester ici, où je me sens chez moi et ne fais qu'un avec le monde qui m'entoure ? Il est vrai qu'une camaraderie intelligente me manque, mais ils sont si peu nombreux ceux avec qui je peux partager ce qui m'importe vraiment que j'ai appris à me maîtriser. Il me suffit d'être entouré de beauté et de la porter avec moi dans des choses qui me font un plaisir permanent, comme mes magnifiques couvertures de selle Navajo et le bracelet d'argent à mon poignet dont les trois turquoises brillent dans la lumière du feu.

Jusqu'à présent je me suis préservé des montres et des horloges. Je ne me demande jamais quelle heure il est, car pour moi c'est toujours l'heure de vivre.