Depuis plus de cent cinquante ans, la personnalité et les actions d'Otto von
Bismarck font l'objet de nombreuses interprétations souvent contradictoires. L‘ancien chancelier de
Guillaume II a inspiré et a influencé fortement le monde littéraire germanique, les opinions politiques et religieuses, au moins jusqu'au lendemain de la Seconde Guerre mondiale. Chose qui s'explique par le fait que l'Allemagne lui a consacré un véritable culte durant de multiples décennies, usant de son patronyme à toutes fins utiles, allant parfois jusqu'à détourner sa pensée. Pour ceux que la chose intéresse, ses
mémoires viennent d'être rééditées chez Perrin, agrémentées d'une présentation et d'annotations de
Jean-Paul Bled. Texte qu'il a commencé à rédiger après la démission de ses fonctions en 1890, l'esprit rempli d'amertume. Pour l'historien, ces feuillets représentent une source quasi inépuisable de témoignages de première main, tout en restant une suite de citations à sa propre gloire et qui ont fourni à ses admirateurs une matière à partir de laquelle édifier un culte de la personnalité, façonnant l'image qu'il entendait laisser dans l'histoire. Au fil des pages,
Bismarck y règle également certains comptes. Même si cet ouvrage se révèle quelquefois subjectif, il possède le mérite de revenir sur un siècle compliqué, en combattant les catholiques et les socialistes (alors considérés comme étant les ennemis intérieurs du Reich), mais également les puissances adverses sur l'échiquier des nations, dont une France avide de revanche et qu'il n'a eu de cesser d'isoler. Surnommé le chancelier de fer, il a corrigé et recorrigé son manuscrit, veillant à entrer dans la légende et à soigner la postérité.