Se défendre ne risque pas de causer plus de tort que de ne rien faire
En introduction, La brèche,
Mathilde Blézat parle de son premier stage d'autodéfense féministe, des comportements d'hommes qu'elle connaissait bien, de cette inquiétude pesante tapie dans l'ombre, des corps qui se déplient et des gorges qui se dénouent, de la rupture avec l'interdit de la violence des femmes, du droit de faire mal pour s'en sortir, du corps comme arme, « Qu'on avait toutes des ressources variées, simples et efficaces à disposition, qui ne demandaient qu'à être mobilisées, travaillées, déployées, pour ensuite pouvoir bâtir, au gré des situations, nos stratégies d'autodéfense singulières », de la peur et de sa gestion, « Mais la peur n'est plus panique, paralysante, elle est gérable, et sous cette forme, elle est un bon carburant pour l'adrénaline qui rend si forte », des regards et des postures, des répliques et des gestes…
« Apprendre à se défendre ensemble, entre femmes, c'est ne plus maintenir la peur cousue dans la doublure de nos épidermes : c'est reprendre du pouvoir sur les violences passées et se donner le droit de riposter face aux agressions à venir ». L'autrice met en lumière l'histoire du mouvement d'autodéfense féministe avec une focale sur la pratique européenne francophone et les héritages nord-américains.
Une mise en pratique du féminisme, « elle avance sa main, paume relevée signifiant « stop », regard planté dans les yeux de l'autre, qui s'arrête ». L'autrice parle de ligne de justice franchie, « Cette ligne physique, mais aussi mentale, verbale, enfreinte tour à tour par celui qui nous colle au corps ou qui nous mate de loin, cet autre qui pose des questions intimes à table ou encore celui qui nous insulte sur Internet », des cours d'autodéfense, d'histoire et de pratiques, du récent essor de l'autodéfense en Belgique et en France, d'autrices et d'organisations, de l'indifférence des pouvoirs publics « pour la prévention primaire des agressions et des violences sexistes et sexuelles », de non écoute des victimes, de non-mixité et de mixité choisie, de condition commune…
L'autodéfense féministe n'est pas un sport de combat mais « une pratique de prévention primaire centrée sur l'autonomie et le choix des personnes ». Il s'agit de « se donner le droit, la légitimité à se défendre ».
Mathilde Blézat discute de posture, regard, riposte verbale, fuite. Elle nous rappelle que « l'immense majorité des agressions faites aux femmes sont le fait de personnes que connait la victime », que l'autodéfense féministe « porte un regard profondément critique sur les politiques sécuritaires ». Elle souligne que les pratiques d'autodéfense féministe « cherchent à autonomiser les femmes et renforcer leur confiance en elles ».
L'autrice propose un certain nombre de témoignages, dont des vécus de stages, et discute, entre autres, de cadres d'échange, de collectif, de la notion de « vulnérabilité », de blocages mentaux, d'interdits sociaux, de confiance en soi, de ressources cachées, de visibilité, de femmes handicapées, de dépendance organisée, d'émotions, de gestuelle du corps, d'impact du racisme sur la santé mentale et le corps, de la diversité de l'« être femme », de domination masculine et de continuum de violence.
Avant et après. L'autodéfense féministe a comme effet, un « déclic mental », un sentiment « d'être à la fois en droit et capable de se défendre face aux agressions, d'être puissante et entourée », une brèche dans la peur inculquée dès la petite enfance aux filles, dans une socialisation dévalorisante (dont « de culpabilisation des victimes et de disculpation des agresseurs »), une fissure dans l'imaginaire de vulnérabilité, un pouvoir d'agir, une autre vision du corps (« son corps n'est pas seulement « un fardeau », mais aussi « une arme »), un rapport nouveau à la violence et à l'usage de celle-ci, « elle n'est pas une prise de pouvoir sur l'autre, elle est différente de la violence typiquement masculine »…
Contre le déni de riposte, reprendre du pouvoir sur les vécus. « A longueur de faits divers et dans la culture commune, les vécus des femmes sont le plus souvent racontés comme des échecs ou des coups de chance, et leurs actes d'autodéfense tout simplement invisibilisés ».
Mathilde Blézat aborde des survivantes, l'unique coupable, « l'agresseur est le seul responsable des violences qu'il commet », la capacité, « Et ce n'est pas parce qu'on n'a pas pu se défendre une fois qu'on ne le pourra jamais », l'isolement à rompre, la reconstruction de soi, les traumas et leur réactivation, la diminution des agressions et des impacts de celles-ci, les dimensions préventives de l'autodéfense, les ressources mentales et verbales, la santé… et au delà les capacités à se défendre, la légitimité d'être et de se déplacer dans les espaces publics.
L'autrice insiste sur les dimensions collectives, la sororité, la création d'un nouvel imaginaire collectif qui brise l'isolement, les transmissions de savoirs, la présence dans le monde et l'agir au-delà de soi…
En conclusion, Autodéfense féministe pour toutes, tout de suite !,
Mathilde Blézat souligne la volonté de ne plus compter nos mortes, « Pas une de moins ». Elle revient sur les chiliennes du collectif Las Tesis – « le patriarcat est un juge, qui nous juge dès la naissance / Et notre punition / C'est cette violence que tu vois / C'est le féminicide / L'impunité pour mon assassin / C'est la disparition / C'est le viol » –, le simple fait d'être un·e enfant ou une femme. L'autrice propose de développer une culture d'autodéfense féministe, un mouvement populaire et autonome, la révolution féministe…
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