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EAN : 9782491109042
220 pages
Derniere Lettre (04/02/2022)
4.67/5   6 notes
Résumé :
Ni art martial, ni technique de développement personnel, l'autodéfense féministe est un indispensable outil de prévention des violences. L'enquête de Mathilde Blézat auprès de participantes à des stages d'autodéfense montre que c'est aussi le levier d'une profonde transformation de leur rapport à l'intimité et au monde : une arme de la révolution en cours.
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Critiques, Analyses et Avis (2) Ajouter une critique
Après avoir participé à un stage d'autodéfense féministe, la journaliste Mathilde Blézat a voulu recueillir les témoignages d'autres participantes à cet outil de prévention primaire des violences sexistes et sexuelles, pour vérifier si «à elles aussi, ça a changé leur vie» .

Avant cela, elle commence par revenir sur l'histoire de cette pratique qui est apparue au début du XX ème siècle en Angleterre avec les Suffragettes, qui apprirent des techniques d'arts martiaux pour se défendre contre les violences policières et machistes qu'elles pouvaient subir durant leurs actions de revendication pour le droit de vote des femmes. Bousculant les normes de genre, ces pratiques d'autodéfense tombèrent peu à peu dans l'oubli pour ressurgir dans les années 1970 aux USA.

Différentes méthodes d'autodéfense vont se consolider dans ce pays (le wendo), pour transiter et se transformer au Canada (Fem do chi), avant d'être adaptées en Europe. Si dans les années 80 ces pratiques deviennent plus confidentielles à cause de la focalisation sur le sécuritaire et le punitif pour répondre aux violences de genre, il faudra attendre les années 2000 pour que des associations belges et françaises voient le jour et tentent de populariser l'autodéfense féministe. Les pouvoirs publics étant peu tournés vers la prévention primaire des violences, les structures associatives trouvent peu de subventions pour mener leurs actions, ce qui impacte sur leur fonctionnement, et engendre de la précarité pour les formatrices.

Pourtant l'autodéfense féministe devrait être centrale dans toute politique de prévention des violences sexistes et sexuelles. Elle permet de mettre en oeuvre de manière concrète des discours féministes, de favoriser «la prise de conscience d'une condition commune – celle de la classe des femmes en système patriarcal – et par là, la recherche de pistes d'émancipation et la création de liens de solidarité».

Les exercices physiques représentent la moitié du temps de stage. La méthode est construite à partir du quotidien et «centrée sur l'autonomie et le choix des personnes», pour que celles-ci se sentent légitimes pour se défendre. Ce qui est à l'extrême opposé d'un cours de self-défense ou de développement personnel, qui peuvent par ailleurs renforcer les stéréotypes sur les auteurs des agressions et dépolitiser la lutte contre les violences en écartant la grille d'analyse féministe.

Si les femmes participent aux stages en non-mixité, c'est-à-dire sans la présence d'hommes cisgenres (qui se reconnaissent dans le genre qui leur a été assigné à la naissance), des mixités additionnelles peuvent s'ajouter pour analyser et traiter des discriminations, des dominations spécifiques ou plurielles que les participantes pourraient subir.

Ainsi des stages sont proposés à des publics précis, comme à des enfants, des adolescentes, des femmes âgées, handicapées, sourdes, racisées. Pour ces dernières, cela reste très mal perçu par les pouvoirs publics d'organiser des événements en non-mixité, la crainte étant d'alimenter un «communautarisme» qui contreviendrait au mythe de l'universalisme républicain... Les associations d'autodéfense féministe rencontrent aussi des difficultés d'organisation pour répondre aux besoins spécifiques des LGBTQI, notamment des hommes gays.

Pensés comme une démarche de co-construction, les stages sont vécus comme une «expérience puissamment transformatrice» par les participantes. Les formatrices enseignent des techniques verbales, émotionnelles, psychologiques et physiques simples, facilement reproductibles par les femmes, ce qui va leur permettre de se sentir armées pour affronter d'éventuelles situations de violence et y mettre un terme. En apprenant à se défendre, elles acquièrent une nouvelle estime d'elles-mêmes, et brisent l'idée sexiste, intégrée depuis la petite enfance, que les filles sont des êtres fragiles, doux, qu'il faut protéger.
Enfin, l'autodéfense féministe permet aux participantes de prendre en compte et de valoriser leurs expériences passées de survivantes de violences de genre. Ce sont aussi des moments de dialogues, d'échanges, qui peuvent être le départ d'une reconstruction, notamment lorsque des femmes témoignent pour la première fois des violences subies.

A travers la parole des participantes et des formatrices qu'elle a recueillie, Mathilde Blézat a le grand mérite de mettre en lumière l'autodéfense féministe, outil de prévention indispensable des violences de genre, dont il est urgent de diffuser la pratique dans le milieu scolaire, les collectivités, le monde du travail et nos espaces militants, car «la déployer partout, à destination de toutes, constitue une arme pour la révolution féministe».
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Se défendre ne risque pas de causer plus de tort que de ne rien faire

En introduction, La brèche, Mathilde Blézat parle de son premier stage d'autodéfense féministe, des comportements d'hommes qu'elle connaissait bien, de cette inquiétude pesante tapie dans l'ombre, des corps qui se déplient et des gorges qui se dénouent, de la rupture avec l'interdit de la violence des femmes, du droit de faire mal pour s'en sortir, du corps comme arme, « Qu'on avait toutes des ressources variées, simples et efficaces à disposition, qui ne demandaient qu'à être mobilisées, travaillées, déployées, pour ensuite pouvoir bâtir, au gré des situations, nos stratégies d'autodéfense singulières », de la peur et de sa gestion, « Mais la peur n'est plus panique, paralysante, elle est gérable, et sous cette forme, elle est un bon carburant pour l'adrénaline qui rend si forte », des regards et des postures, des répliques et des gestes…

« Apprendre à se défendre ensemble, entre femmes, c'est ne plus maintenir la peur cousue dans la doublure de nos épidermes : c'est reprendre du pouvoir sur les violences passées et se donner le droit de riposter face aux agressions à venir ». L'autrice met en lumière l'histoire du mouvement d'autodéfense féministe avec une focale sur la pratique européenne francophone et les héritages nord-américains.

Une mise en pratique du féminisme, « elle avance sa main, paume relevée signifiant « stop », regard planté dans les yeux de l'autre, qui s'arrête ». L'autrice parle de ligne de justice franchie, « Cette ligne physique, mais aussi mentale, verbale, enfreinte tour à tour par celui qui nous colle au corps ou qui nous mate de loin, cet autre qui pose des questions intimes à table ou encore celui qui nous insulte sur Internet », des cours d'autodéfense, d'histoire et de pratiques, du récent essor de l'autodéfense en Belgique et en France, d'autrices et d'organisations, de l'indifférence des pouvoirs publics « pour la prévention primaire des agressions et des violences sexistes et sexuelles », de non écoute des victimes, de non-mixité et de mixité choisie, de condition commune…

L'autodéfense féministe n'est pas un sport de combat mais « une pratique de prévention primaire centrée sur l'autonomie et le choix des personnes ». Il s'agit de « se donner le droit, la légitimité à se défendre ». Mathilde Blézat discute de posture, regard, riposte verbale, fuite. Elle nous rappelle que « l'immense majorité des agressions faites aux femmes sont le fait de personnes que connait la victime », que l'autodéfense féministe « porte un regard profondément critique sur les politiques sécuritaires ». Elle souligne que les pratiques d'autodéfense féministe « cherchent à autonomiser les femmes et renforcer leur confiance en elles ».

L'autrice propose un certain nombre de témoignages, dont des vécus de stages, et discute, entre autres, de cadres d'échange, de collectif, de la notion de « vulnérabilité », de blocages mentaux, d'interdits sociaux, de confiance en soi, de ressources cachées, de visibilité, de femmes handicapées, de dépendance organisée, d'émotions, de gestuelle du corps, d'impact du racisme sur la santé mentale et le corps, de la diversité de l'« être femme », de domination masculine et de continuum de violence.

Avant et après. L'autodéfense féministe a comme effet, un « déclic mental », un sentiment « d'être à la fois en droit et capable de se défendre face aux agressions, d'être puissante et entourée », une brèche dans la peur inculquée dès la petite enfance aux filles, dans une socialisation dévalorisante (dont « de culpabilisation des victimes et de disculpation des agresseurs »), une fissure dans l'imaginaire de vulnérabilité, un pouvoir d'agir, une autre vision du corps (« son corps n'est pas seulement « un fardeau », mais aussi « une arme »), un rapport nouveau à la violence et à l'usage de celle-ci, « elle n'est pas une prise de pouvoir sur l'autre, elle est différente de la violence typiquement masculine »…

Contre le déni de riposte, reprendre du pouvoir sur les vécus. « A longueur de faits divers et dans la culture commune, les vécus des femmes sont le plus souvent racontés comme des échecs ou des coups de chance, et leurs actes d'autodéfense tout simplement invisibilisés ». Mathilde Blézat aborde des survivantes, l'unique coupable, « l'agresseur est le seul responsable des violences qu'il commet », la capacité, « Et ce n'est pas parce qu'on n'a pas pu se défendre une fois qu'on ne le pourra jamais », l'isolement à rompre, la reconstruction de soi, les traumas et leur réactivation, la diminution des agressions et des impacts de celles-ci, les dimensions préventives de l'autodéfense, les ressources mentales et verbales, la santé… et au delà les capacités à se défendre, la légitimité d'être et de se déplacer dans les espaces publics.

L'autrice insiste sur les dimensions collectives, la sororité, la création d'un nouvel imaginaire collectif qui brise l'isolement, les transmissions de savoirs, la présence dans le monde et l'agir au-delà de soi…

En conclusion, Autodéfense féministe pour toutes, tout de suite !, Mathilde Blézat souligne la volonté de ne plus compter nos mortes, « Pas une de moins ». Elle revient sur les chiliennes du collectif Las Tesis – « le patriarcat est un juge, qui nous juge dès la naissance / Et notre punition / C'est cette violence que tu vois / C'est le féminicide / L'impunité pour mon assassin / C'est la disparition / C'est le viol » –, le simple fait d'être un·e enfant ou une femme. L'autrice propose de développer une culture d'autodéfense féministe, un mouvement populaire et autonome, la révolution féministe…
Lien : https://entreleslignesentrel..
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Citations et extraits (7) Voir plus Ajouter une citation
Apprendre à se défendre ensemble, entre femmes, c’est ne plus maintenir la peur cousue dans la doublure de nos épidermes : c’est reprendre du pouvoir sur les violences passées et se donner le droit de riposter face aux agressions à venir
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Qu’on avait toutes des ressources variées, simples et efficaces à disposition, qui ne demandaient qu’à être mobilisées, travaillées, déployées, pour ensuite pouvoir bâtir, au gré des situations, nos stratégies d’autodéfense singulières
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Cette ligne physique, mais aussi mentale, verbale, enfreinte tour à tour par celui qui nous colle au corps ou qui nous mate de loin, cet autre qui pose des questions intimes à table ou encore celui qui nous insulte sur Internet
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A longueur de faits divers et dans la culture commune, les vécus des femmes sont le plus souvent racontés comme des échecs ou des coups de chance, et leurs actes d’autodéfense tout simplement invisibilisés
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Le patriarcat est un juge, qui nous juge dès la naissance / Et notre punition / C’est cette violence que tu vois / C’est le féminicide / L’impunité pour mon assassin / C’est la disparition / C’est le viol
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Vidéo de Mathilde Blézat
Notre corps, nous-mêmes, manuel de santé féministe. Manuel féministe historique, outil d'information et d'émancipation, la version entièrement ré-écrite de Notre corps, nous-mêmes est parue aux éditions Hors d'Atteinte. Rencontre avec deux des huit co-autrices du livre, Mathilde Blézat et Nina Faure.
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