Un pirate aux mouvements félins, une espionne aux formes de rêve et à la droite redoutable, une I.A. omnipotente, une bricoleuse de génie complètement allumée et fan d'explosifs en tout genre, des tueurs à gage tout droit sortis de l'époque disco, des barbouzes aux manières dignes des vieux polars. Ça sulfate, ça pulvérise, ça disperse façon puzzle. Et c'est drôle. Bienvenue dans l'univers complètement déjanté de
Thomas Bois.
Tout commence avec un objet d'origine extraterrestre comportant des informations très désirées. Un vrai MacGuffin (du moins, au début, car cette clef aura une réelle importance vers la fin du roman) qui amène à une scène de chaos total. En quelques pages,
Thomas Bois m'a plongé dans son univers, sa folie. Il nous raconte la scène avec verve et drôlerie, humour noir et macabre, plusieurs fois, mais sans se répéter, selon le point de vue des différents protagonistes. Ainsi, on les découvre l'un après l'autre, tout en respectant un tempo d'enfer. Car, dès les premières pages, ça défouraille et ça explose. Méchamment ! Suite à ce démarrage en trombe, la chasse à l'homme est lancée. Et l'homme en question, c'est
Cobrastar. Surnom que s'est donné le héros éponyme, mais à qui ses anciens partenaires préfèrent redonner le surnom qui a bercé ses débuts : l'Orvet, peut-être un peu moins flatteur. Mais entre pirates, on ne se fait pas de cadeaux. On a le sens de l'honneur et de la parole donnée. Par contre, l'indulgence, connaît pas ! Et c'est bien dommage, car il aura besoin de toute l'aide disponible, ce
Cobrastar dont on ne sait au début si c'est juste un gros vantard ou s'il a tout de même des talents cachés. En effet, il est poursuivi par toutes les forces, légales ou non, qui veulent récupérer cette clef et tenter d'en déchiffrer le contenu. Toutes pensent, à tort ou à raison, qu'elle contient des informations de la plus haute importance.
Cobrastar et son équipe (qui va se bâtir peu à peu) vont parcourir l'espace et enchaîner les aventures pour survivre et tenter de découvrir, les premiers, le contenu de l'artefact. Tout un programme !
Si le scénario tient la route et donne envie de tourner les pages à grande vitesse, le point fort de
Cobrastar est sans hésiter la langue. Et, surtout, le vocabulaire choisi et fleuri. L'auteur use de termes techniques, mêlés à de l'argot stéphanois, avec quelques ajouts personnels (comme il le dit lui-même dans une note de bas de page). On lâche donc des gros « cramiauds » aux pieds des intrus, les différents alcools se « courlent » délicieusement au fond du gosier (voire de l'estomac), tandis que les pauvres caves se font « agourrer » par les truands locaux. C'est poétique, ou pas ; c'est musical en tout cas. Et, pour arranger le tout,
Thomas Bois a un certain sens de la formule. Faut dire qu'il les multiplie, les formules. Alors dans le tas, on en trouve des moyennes, mais aussi de très bonnes, voire d'excellentes. Audiard (le père), toujours lui (je me demande combien de temps, encore, il sera cité comme modèle de ce style avant d'être remisé aux oubliettes au profit d'un plus jeune que lui) signerait sans doute certaines d'entre elles. Petit exemple : « Je suis pas un obsédé des éclaircissements, la cachotterie a ce petit goût d'interdit sans lequel j'ai du mal à vivre. Tiens ! D'aucuns pourraient même dire que j'ai une certaine fascination pour le mystère. »
Mais là, j'ai fait dans le sobre. Car un autre plaisir (jouissif) procuré par la lecture de ce récit déjanté, c'est le massacre assumé. Je l'ai dit plus haut, le roman s'ouvre sur une explosion dévastatrice et bien sanglante. Mais ce n'est pas le seul exemple. Les cadavres vont se ramasser à la pelle. Quand les zombies (ou l'équivalent moderne) débarquent, le carnage est total et le monde se transforme en une gigantesque purée rouge. Mais sans perdre le style et l'humour : « De son côté, Bambino se pose moins de questions, il est au practice. Il s'agit d'améliorer son swing à chaque tête de gland. Il est chanceux parce que l'arrivée des zombies sur un chemin aussi étroit lui offre des cibles aux postures sensiblement identiques, de quoi réellement améliorer son geste. Bambino est un esthète de la décapitation batteuse, un crâne qui vole en ligne droite, un autre légèrement frotté, une belle course en cloche, un tir tendu… Il n'est pas encore fixé sur ses préférences. » (page 215). On ne se prend pas au sérieux, mais l'auteur le fait sans nous prendre pour des andouilles : il ajuste ses mots, tout cela pour une histoire construite et dont on attend les différents épisodes avec intérêt.
La lecture de
Cobrastar est un moment de plaisir intégral. La galerie de personnages est d'une richesse extraordinaire (Ah ! Tiny, l'allumée adepte de l'explosif en tout genre). Et, si l'on accepte de jouer le jeu, on est parti pour quelques heures de détente, de sourire, voire de franche rigolade si on est d'humeur. Comme (cette comparaison vaut ce qu'elle vaut, même si je n'aime pas trop cette expression) dans les films de la série des Ocean, où des plans d'une grande complexité sont menés dans la bonne humeur et une certaine décontraction. Même si, ici, ça saigne plus et si le politiquement correct est définitivement banni. D'ailleurs, rien que le fait d'employer ces mots de « politiquement correct » m'aurait valu quelques bons agrognons (et ça fait mal !). Une belle découverte, donc, pour moi. Merci à Monsieur
Thomas Bois.
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