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4,23

sur 430 notes
Je ne savais pas à quoi m'attendre en attaquant ce pavé. le seul indice de qualité dont je disposais, moi qui ne connaissais ni l'auteur ni son oeuvre, était que l'amie qui me l'a mis entre les mains, lectrice parmi les plus aguerries, m'a harcelée jusqu'à ce que je l'attaque enfin. « Ça y est, tu l'as commencé ? ». Eh bien, oui. Non seulement je l'ai commencé, mais j'ai dévoré les 1357 pages écrites en petits caractères, allant même jusqu'à ralentir ma lecture vers sa fin pour ne pas atteindre trop vite le mot final. Quelle oeuvre magistrale !

Le roman est écrit en cinq parties distinctes. Il a comme fil conducteur les viols de femmes couplés d'assassinat, non élucidés, de Ciudad Juarez (ou son avatar de fiction, Santa Teresa), ville mexicaine frontalière des Etats-Unis, point de passage des clandestins et de la drogue vers les Etats-Unis. Bien entendu, limiter la structuration du roman et l'intrigue à l'énonciation de ce fait divers atroce serait une réduction idiote et avilissante. Ce livre est en réalité bien plus qu'un roman. C'est une ovation à la littérature internationale d'une telle maîtrise stylistique que malgré la traduction, sa puissance est colossale.

Le roman débute par la quête de quatre universitaires européens, spécialistes de littérature allemande et, plus particulièrement, admirateurs de Benno von Archimboldi. L'écrivain (allemand, malgré son nom) est octogénaire, nobélisable, avare de son intimité et fuit toute expression publique. La deuxième partie reprend un personnage secondaire de la première, un universitaire espagnol résidant à Santa Teresa au Mexique. Subtilement, Roberto Bolaño amène le lecteur vers les assassinats, auxquels il consacre pleinement ses troisième et quatrième parties, sous deux angles de vue différents. Volontairement, je n'évoque pas le sujet de la cinquième partie. Il faut bien laisser le lecteur se faire happer par l'histoire comme je l'ai été moi-même !

Même ainsi, la description de 2666 est loin d'être complète. le style d'écriture, bien qu'il garde tout le long du récit un côté sobre et concis qu'il n'abandonnera jamais, est adapté à chaque atmosphère. La première partie est européenne et universitaire, rythmée par l'agenda des congrès de littérature germanique. Les clins d'oeil à la littérature allemande y sont légion. Bien que Chilien d'origine, Roberto Bolaño maîtrise les écrits de Stephan Zweig, Thoman Mann et autres grands auteurs allemands, c'est incontestable. La deuxième partie, espagnole, a des envolées dignes de Cervantes. le troisième volet est évidemment nord-américain ; le quatrième, sud-américain. Enfin, le cinquième (et je ne l'évoque que pour donner envie aux lecteurs d'entamer ce monument littéraire) baigne dans l'atmosphère soviétique ponctuée de relents que Dracula approuverait sans doute. On ne quitte un volet du livre que pour plonger avec plus de force dans le suivant, ballotté par la puissance des mots au service absolu de la fiction. Et ça fonctionne !

J'évoquais le style sobre… Cet épithète est loin de se suffire à lui-même, tellement il offre de possibilités. Et l'auteur les exploite sans compter. Selon son angle d'attaque, le ressenti du lecteur varie entre humour, horreur, poésie et j'en passe.

Les viols meurtriers non élucidés de Ciudad Juarez, décrits avec moult détails glaçants, sont au coeur de ce roman. le ton de Roberto Bolaño n'est pas voyeur. Il n'est pas accusateur non plus. Il est simplement factuel et en cela, il dénonce l'inaction policière bien plus efficacement qu'un doigt pointé. Et plus encore : à toutes ces victimes qui n'ont pas été vengées, dont parfois l'identité n'a même pas pu être retrouvée, l'écrivain redonne une âme. On les sent flotter au-dessus du roman, les âmes en colère. Elles agacent le lecteur, elles l'empêchent de refermer le livre avant de l'avoir lu jusqu'à la dernière page. Car refermer 2666 en cours de lecture signifierait renvoyer ces femmes à l'indifférence de la société.

Ouest France a publié un article en février 2016, soit huit ans après la parution de ce roman, avec le titre « Ciudad Juarez, capitale mondiale du crime ». D'après l'article, en 2010, la ville aurait enregistré dix homicides par jour et plusieurs dizaines d'enlèvements par mois. Entre 1993 et 2003, plus de 400 femmes ont été enlevées, torturées et violées. La justice a mis dix ans à se saisir de l'affaire et, aujourd'hui, ces meurtres ne sont toujours pas élucidés.

Roberto Bolaño, tel un chef d'orchestre de premier ordre, donne le ton. le phrasé est précis, lent ou rapide selon la volonté de son créateur. le lecteur ne peut que savourer comme du petit lait les modulations rythmiques, malgré la répulsion qu'il ressent à certains passages. J'ai lu quelques extraits à mes proches et me suis rendu compte de la subtile complexité linguistique qui m'obligeait à accélérer ou ralentir ma récitation à des moments charnières imposés par l'auteur, toujours justes, toujours percutants. le rythme est d'une rare maîtrise et c'est exquis.

Et ce qui est incroyable, c'est que malgré ma chronique déjà longue, je ne vous ai rien dit… J'espère vous avoir donné envie de découvrir ce chef d'oeuvre, roman posthume de Roberto Bolaño. Ce qui est certain, en ce qui me concerne, c'est que je vais remonter le temps et lire d'autres ouvrages de l'auteur, dont plusieurs annoncent l'écriture de 2666.
Lien : https://akarinthi.com/
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http://bartlebylesyeuxouverts.blogspot.com/2008/06/le-cinquime-postulat-roberto-bolao-2666.html
http://bartlebylesyeuxouverts.blogspot.com/2008/06/le-cinquime-postulat-roberto-bolao-2666_14.html

Extrait :

« Tout ce qui existe dans ce pays est un hommage à tout ce qui existe dans le monde, et même aux choses qui ne sont pas encore arrivées. »


S'il y a bien un livre qui a créé l'événement ces derniers mois, c'est 2666 de Roberto Bolaño. Il s'agit d'un roman de plus de mille pages divisé en cinq parties qui auraient pu être publiées séparément si les éditeurs avaient suivi les recommandations de l'auteur qui, se sachant condamné, espérait ainsi mettre plus facilement sa famille à l'abri du besoin. Nous pouvons remercier les ayant-droit de n'avoir pas respecté la volonté de l'auteur car si une lecture séparée de ces cinq parties était possible, l'unité de l'ensemble aurait été perdue pour la plupart des lecteurs.

La première partie, « La partie des critiques », est une sinistre parodie de roman universitaire. On est à la fois très proche et très éloigné de l'univers de David Lodge, car si les mesquineries intellectuelles et amoureuses du milieu universitaire ont bien une place essentielle, Bolaño y introduit la dimension du mal à travers deux de ses manifestations les plus communes : la bêtise et la violence. Cette partie raconte l'histoire de quatre professeurs, Espinoza l'Espagnol, Morini l'Italien, Pelletier le Français et Norton l'Anglaise, spécialistes de l'oeuvre de l'écrivain allemand Benno Archimboldi, qui, tel un Salinger ou un Pynchon, s'est éclipsé, laissant désemparés ces critiques qui tentent de le retrouver afin de lui assurer une chance de se voir attribuer le prix Nobel de littérature. Bolaño fait de Pelletier et d'Espinoza la parfaite caricature de ces universitaires arrogants au teint cireux qui, parce qu'ils consacrent leur vie à commenter l'oeuvre d'un autre, n'ont finalement pas d'oeuvre propre et qui vivent dans une telle misère sentimentale qu'ils doivent se partager – parfois en même temps – les faveurs de Norton ou s'amouracher de pauvres adolescentes. Mais sous leur bienséance de façade se cache, comme en tout homme, une frustration haineuse qui n'attend qu'une occasion pour se manifester le plus lâchement possible comme ce sera le cas à Londres où ils tabasseront un chauffeur de taxi pakistanais au point de lui casser le nez, quatre côtes, toutes les dents et lui causer une commotion cérébrale. Leur forfait commis :

« Pelletier avait l'impression d'avoir joui. Même chose, avec quelques différences et nuances, pour Espinoza. Norton, qui les regardait sans les voir au milieu de l'obscurité, paraissait avoir eu un orgasme multiple. »

De colloques en congrès, ces quatre professeurs sillonnent l'Europe – dérisoires apôtres d'Archimboldi –, jusqu'à ce qu'ils apprennent par hasard qu'Archimboldi a été localisé au Mexique, dans l'état du Chihuahua, dans une ville à la frontière des Etats-Unis, dont le vrai nom est Ciudad Juárez, mais que Bolaño appelle, et nous verrons pourquoi, Santa Teresa. Prétextant son handicap et les difficultés qu'il y a à voyager en chaise roulante, Morini refuse d'accompagner ses coreligionnaires au Mexique. le trio amoureux s'envole donc vers l'Amérique centrale. Bornés comme peuvent l'être des Européens, ils n'éprouvent que du mépris pour leurs collègues autochtones (ça les amuse de se faire appeler « chers collègues »). Une Université dans une ex-colonie ne peut être qu'un ersatz d'Université. Et si un professeur mexicain ne saurait être véritablement un professeur, que dire d'un étudiant ? S'ils condescendent à faire quelques conférences, ils ne préparent rien, adoptant une attitude de « boucher », de « tripier » ou de « videur de boyaux ». Ils s'étonnent même et s'émeuvent de constater que ces étudiants lisent, parfois même leurs livres… S'ils finissent par apprendre qu'il se passe des événements effroyables dans cette ville, cela les indiffère et ils continuent, pendant tout leur séjour, à se conduire, qu'on m'excuse le pléonasme, comme de vulgaires touristes. Seules Norton aura l'intuition de quelque chose et rentrera soudainement en Europe rejoindre le seul homme qu'elle peut vraiment aimer : Morini.
Pelletier et Espinoza continueront en vain à chercher Archimboldi. Ils sauront n'avoir jamais été aussi proches de lui, mais si cela est géographiquement vrai, c'est “spirituellement” faux car, comme nous l'apprend la cinquième partie, « La partie d'Archimboldi », c'est à cause de ce qui se passe à Ciudad Juárez qu'Archimboldi est là.

Cette dernière partie constitue le pendant de la première puisque, elle aussi, retrace un itinéraire menant à Ciudad Juárez, celui à cause duquel les personnages de la première partie s'y sont rendus : Benno von Archimboldi. Bolaño emprunte cette fois le genre de la biographie, voire, parfois, celui du roman historique (certaines pages m'ont rappelé Un sergent dans la neige de Rigoni Stern). On découvre comment Hans Reiter, né en 1920, d'une paysanne borgne et d'un misérable boiteux, qui « n'avait pas l'air d'un enfant mais d'une algue » devint Benno von Archimboldi, le mystérieux écrivain toujours susceptible de recevoir le prix Nobel. Plus grand que les autres enfants de son âge, Hans Reiter semble souffrir d'autisme, « il n'appartenait pas à ce monde, auquel il se rendait seulement comme explorateur ou en visite. »
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Une oeuvre "monstre"...
Ceux qui disent ne pas avoir changés aprés la lecture de cet opus sont des menteurs...
Ici l'on à l'art littéraire dans toute sa splendeur..
Il y a tout ici, et principalement une quéte existentielle ...
Il est vrai que tout n'est pas facile d'accés et qu'il faut parfois s'accrocher, mais que c'est bon...
Il y a une intelligence rare, une puissance narrative inouie dans ces pages...
Le lecteur plonge au coeur d'un esprit en plein travail , et se retrouve embarqué sur un bateau fou , qui tangue au gré des désirs de l'auteur qui suit sa propre logique...
Ce n'est pas de la lecture à ce niveau , c'est une expérience sensorielle , qui fait grandir l'aventurier qui à ouvert ces pages...
Au gré du parcours de l'auteur , on dérive sur un cours d'eau qui ne semble avoir aucune logique et se jette dans les torrents de l'absurde.
C'est un délice inoui de pouvoir gouter à autant de fureur créatrice !
Il faut absolument embarquer sur ce bateau !!!!!
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Lire 2666 de Roberto Bolaño est un petit défi.
Écrire sur 2666 est un défi beaucoup plus grand, tant ce livre est un monde, comme s'il avait l'ambition et réussissait à englober l'humanité et la littérature en un seul livre.

A travers la recherche de l'écrivain invisible Benno von Archimboldo par quatre universitaires européens qui lui ont consacré leur vie, on aboutit au Mexique, à Santa Teresa, ville où des centaines de crimes de femmes sont commis et non élucides, inspirés par les crimes réels de Ciudad Juarez.
Santa Teresa est le centre de gravité de ce livre, le lieu vers lequel tous les personnages convergent.

2666 est l'humanité. Comme dans la vie, certains personnages restent et d'autres passent, et on ne le sait pas quand on les croise pour la première fois. Ni pour la dernière fois. 2666 nous fait parcourir le vingtième siècle européen avec la vie d'Archimboldi, nous emmène d'Europe au Mexique, nous fait errer. 2666 est l'errance, le désoeuvrement et le spectacle de la folie. Avec la longue litanie des crimes de Santa Teresa décrits de façon froide, clinique, on est dans la déshumanisation des crimes qui ouvre la porte de l'horreur.

2666 est la littérature. Au-delà du sujet, on a parfois l'impression que le livre ne parle que de lui-même.
« ... son ancien collègue autrichien, qui préférait nettement, sans discussion, l'oeuvre mineure a l'oeuvre majeure. Il choisissait La métamorphose plutôt que le Procès..., Un coeur simple plutôt que Bouvard et Pécuchet... Quel triste paradoxe, pensa Amalfitano. Même les pharmaciens cultives ne se risquent plus aux grandes oeuvres imparfaites, torrentielles, celles qui ouvrent des chemins dans l'inconnu. Ils choisissent les exercices parfaits des grands maitres. Ou ce qui revient au même : ils veulent voir les grands maitres dans des séances d'escrime d'entrainement, mais ne veulent rien savoir des vrais combats, ou les grands maitres luttent contre ca, ce ca qui nous terrifie tous, ce ca qui effraie et charge cornes baissées, et il y a du sang et des blessures mortelles et de la puanteur. »

2666 est un continent, un océan, un grand livre.
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2666 est un roman rare et précieux dont les dimensions en font un édifice gigantesque, une cathédrale que l'on n'en finit pas d'admirer et dans laquelle il est si bon de se perdre.

Roberto Bolaño, poète et écrivain chilien, est mort en 2003 juste après avoir livré 2666 à son éditeur, dans une version qu'il estimait proche de l'achèvement.

Qu'est ce qui se cache derrière ce titre en forme d'énigme apocalyptique ?

Réponse via le lien.
Lien : http://casentlebook.fr/2666-..
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Histoire de nos disparitions, dissémination de notre fascination pour le mal, ses instants de basculement ; immense fresque sur la quête de l'auteur des crimes du Sonora ou d'un romancier clandestin. En cinq romans distincts, reliés par des correspondances en apparences trop superficielles pour ne pas révéler le Mal qui hante cet immense roman, en d'incessantes et haletantes intercessions de parole, Roberto Bolaño explore nos désirs de récits, notre obsession de la sexualité et notre passion du sens. 2666 ou le grand roman du début de ce siècle coupable.
Lien : https://viduite.wordpress.co..
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Roman monstre, issu d'autres romans et engendrant d'autres romans, roman de roman, à la fois ouvert et fermé, sorte de haïku tentaculaire et labyrinthique de plus de mille pages où tout est permis et envisageable, entre digressions et mises en abyme, 2666 est une épopée inquiétante, hantée par un trou noir intellectuel qui interroge les liens entre création, littérature, Histoire et réalité, inspiré en partie du livre Les os dans le désert de Sergio González Rodríguez.
Tenter de saisir le réel pour le perdre, lutter pour accéder au livre absolu, littérature presque quantique et multiverselle, ce livre est une énigme sans solution, à la recherche de la théorie unificatrice de tous les univers écrits : dans un monde qui s'épuise de travailler à sa survie, on frôle la révélation, mais athée, la cause perdue d'avance, celle qui nomme tout et n'y croit pourtant pas. Car Roberto Bolaño ne croit pas en l'art, y compris littéraire, pas plus qu'en ses critiques ou dans les prétentions de ses auteurs, et l'ironie à ce sujet dans 2666 est aussi jubilatoire que dévastatrice, sorte d'ultime effort de l'auteur pour sublimer le silence.
Quatre professeurs de littérature ont en commun la fascination pour l'oeuvre de Benno von Archimboldi, un énigmatique écrivain allemand de renommée internationale, exilé au Mexique. Sur ses traces, ils se rendent en pèlerinage à Santa Teresa, incarnation fictionnelle de Ciudad Juarez, la ville des femmes assassinées en série… 2666 est une enquête philosophique qui avance sur les cadavres de notre civilisation, sa perte et sa déliquescence, en un immense travelling le long des ruines d'une culture qu'invoque la trahison d'une bavarde littérature contemporaine et de son terrible et vain simulacre de salut.
Lien : https://tandisquemoiquatrenu..
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Difficile, voire impossible de résumer ce roman, cette somme, cette expérience littéraire qu'est « 2666 ». La surprise du lecteur est totale (et fait partie de l'expérience) aussi bien sur le fond – ver-sion poupée russe –, que sur la forme – version jeu de domino. Monumental, labyrinthique, extrême-ment posé tout en étant parfois foutraque, « 2666 » est un exercice respiratoire : une inspiration et une expiration longues avant une apnée générale.
Comme tout gros pavé qui se respecte, le roman de Bolaño demande un gros investissement : en temps, évidemment (oubliez la lecture diagonale, c'est impossible) et en attention également. Ce n'est pas un ouvrage que l'on peut avancer pendant cinq minutes en attendant le bus ou lire juste avant de s'endormir. Il demande une concentration et une vigilance soutenues, ce qui en fait sa richesse… mais aussi sa lourdeur.
Plus que romanesque, « 2666 » est avant tout une expérimentation littéraire et je balance entre « whaou, c'est génial » et « quel foutage de poire ». A chacun de se faire une idée…
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2666 est un roman fleuve, un livre monde, un au-delà des lettres. Cet ouvrage aux dimensions gigantesques est composé de cinq parties de longueurs variables " avec leur propre unité, mais fonctionnellement reliés par le dessein de l'ensemble" convergeant vers l'épicentre de la narration, Santa Teresa, transposition fidèle de la ville de Ciudad Juárez, au nord du Mexique, à la frontière avec les Etats-Unis, théâtre d'une enchaînement vertigineux de meurtres dont les victimes sont des femmes de condition modeste, ouvrières, prostitués ou filette, violées, assassinées, mutilées, selon des modus operandi qui varient périodiquement en obéissant à une macabre loi des séries. Ces crimes atroces sont perpétrés dans un climat d'inertie policière, d'incurie totale, où la corruption et les conflits d'intérêt règnent. Cet ouvrage cyclopéen et polymorphe est une invitation au vertige, à l'abandon du cadre cartésien de la narration, c'est un jeux de miroirs sans fin dans la récurrence des motifs narratifs. La lecture prend la forme d'un jeux de pistes qui sollicite toute l' attention du lecteur pour finalement le perdre dans l'abîme. Ce titan est par sa dimension baroque, absurde, foisonnant. En revanche la violence qui suinte de ces pages, l'étrangeté foncière qui nimbe le récit, l'exubérance de ses dimensions en fond un livre profondément sud-américain.

Un testament littéraire qui ne laisse pas indifférent, assez déroutant et pas exempt de redondances ni d'imperfections.
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Bolano est mort avant d'achever ce livre, qui paraît être plusieurs livres (il souhaitait au demeurant une parution posthume segmentée pour que sa famille soit mieux rémunérée). Plusieurs histoires se croisent où convergent vers une ville mexicaine, à la frontière avec les USA, qui représente une sorte d'enfer, ou une porte vers l'enfer... de quoi parle le roman ? Mystère. du Mal, assurément, de la littérature aussi. Pour le reste... Certaines des histoires sont passionnantes, d'autres lunaires, fastidieuses, aucune vraiment achevée. Elles ne peuvent pas l'être : le roman est un monde. C'est sa force, une fois entrée dans le roman, on pourrait ne jamais le quitter. Bolano est généreux, on devient à le lire participant de son monde proliférant. Pareil pour son autre grand livre, "Les détectives sauvages", mais plus difficile à lire, à conquérir, que 2666, à mon avis son chef d'oeuvre et un très très grand livre.
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