«L'histoire se fait avec des documents écrits, sans doute. Quand il y en a. Mais elle peut se faire, elle doit se faire, sans documents écrits s'il n'en existe point. Avec tout ce que l'ingéniosité de l'historien peut lui permettre d'utiliser pour fabriquer son miel, à défaut des fleurs usuelles. Donc avec des mots. Des signes. Des paysages et des tuiles. Des formes de champ et des mauvaises herbes. Des éclipses de lune et des colliers d'attelage. Des expertises de pierres par des géologues et des analyses d'épées en métal par des chimistes. En un mot, avec tout ce qui, étant à l'homme, dépend de l'homme, sert à l'homme, exprime l'homme, signifie la présence, l'activité, les goûts et les façons d'être de l'homme.»
Lucien Febvre, 1949.
Tout au plus la signature, ce lien si particulier entre le contenu et le contenant, entre le scripteur et l'individu, entre l'information et la validation, a-t-elle retenu une attention peut-être moins motivée par le questionnement sur l'individuation moderne et l'acculturation à l'écrit que par la fascination exercée par la présence d'une trace censément peu suspecte d'une autographie synonyme de proximité avec l'homme ou la femme surgie du passée.
Dans un moment où l'histoire se cherche entre mémoire et science et où elle est tiraillée plus que jamais par des enjeux communautaires, religieux ou géopolitiques, quoi de plus rassurant finalement que d'effectuer un retour aux sources et de se livrer à une «nouvelle érudition» ?