AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet
3,49

sur 170 notes
Une lecture très tonique en dépit d'un sujet douloureux. le mérite de de récit filial est que l'auteur évite le sordide règlement de comptes avec un père à la personnalité difficile ; transforme cette relation au père , si décourageante et négative, soit-elle… en une construction positive ; Que ce père soit raciste, antisémite obsessionnel, il y a aussi les moments de répit, de souffle d'un père et grand-père qui peut être aimant et attentionné.

Les thèmes m'ont fait songer à une autre autobiographie, plus sombre, plus douloureuse qui est celle du peintre Gérard Garouste, avec « L'Intranquille »…le fils choqué et culpabilisant sur les idées antisémites de son père , souffrira de dépressions intenses , et même au-delà… La souffrance et la culpabilité seront transformés à travers l'Art et la peinture ainsi que par le soutien indéfectible de l'épouse de l'artiste.

Le récit de Pascal Bruckner est plus « léger », plus distancié… avec des moments certes, de découragement et d'exaspération croissants du fils… mais au bout du compte ce fils se construira « Contre »… grâce à cette phénoménale opposition au Père…

l'extrait suivant que j'ai choisi donne le ton de l'ensemble de cette autobiographie :
Les pères brutaux ont un avantage: ils ne vous engourdissent pas avec leur douceur, leur mièvrerie, ne cherchent pas à jouer les grands frères ou les copains. Ils vous réveillent comme une décharge électrique, font de vous un éternel combattant ou un éternel opprimé. le mien m'a communiqué sa rage: de cela je lui suis reconnaissant. La haine qu'il m'a inculquée m'a aussi sauvé. (p.17)

« Je n'ai qu'une certitude : mon père m'a permis de penser mieux en pensant contre lui. Je suis sa défaite : c'est le plus beau cadeau qu'il m'ait fait. » (p.251)

« le doigt de la sorcière s'appelle les liens du sang, les lois de l'hérédité, le poids de la mémoire, de la génétique, qu'importe l'explication que l'on donne, ce doigt me retient et fait de moi, quoi que je veuille, toujours un fils et un fils de. S'émanciper, c'est s'arracher à ses origines tout en les assumant. » (p.186)

Un livre qui évite tous les écueils des larmoiements ou ressassements accusateurs… pour rester dans l'amour de la vie, des autres et de l'écriture. Un texte plein d'humour , de dérision et d'auto-dérision …
regorgeant au-delà des souvenirs pesants, de « joyeusetés »…

Ce récit en dépit de ces rapports père-fils éprouvants, sombres, est un texte relativement apaisé, où l'auteur répète qu'en réaction à toute cette haine , cette agressivité contenues dans son père, il a choisi, construit son chemin personnel aux antipodes . Il a développé un désir démultiplié d'apprendre, de connaître, d'expérimenter, d'aimer doublement les gens , l'existence, de prendre des engagements contraire à tout le poison idéologique distillé dans son enfance et adolescence…. de se construire son univers par l'écriture et ses rencontres personnelles dont un mariage avec une compagne de confession juive !!!

« le monde est un appel et une promesse : il y a partout des êtres remarquables, des chefs d'oeuvre à découvrir. Il y a trop à désirer, trop à apprendre et beaucoup de pages à écrire. Tant qu'on crée, tant qu'on aime, on demeure vivant. «


Commenter  J’apprécie          582
Autobiographie de Pascal Bruckner.
De lui je n'ai lu qu' "un petit mari", qui ne m'a pas laissé un souvenir impérissable. C'est donc quelqu'un que je ne connais pas plus que ça.
Et dès le début ça démarre très fort. Petit garçon élevé dans la tradition catholique, il adresse des prières pour que son père décède. Faut dire que le papounet y va fort, on pourrait résumer par : un gros con. Violent, antisémite, raciste, il tape sur sa femme, son fils aussi, parfois c'est juste pour soulager une journée trop chargée. Son attitude forgera le caractère de son fils et celui-ci deviendra en tout son opposé.
Malgré toute cette violence, on ressent tout au long du livre un certain amour de la figure paternel. L'écriture est débridée, empreinte de pudeur et de sensibilité, l'auteur visiblement ne cache rien. Un livre qui n'est pas un règlement de compte mais qui est plus un bilan pour faire le point sur le passé peut-être tout simplement pour mieux l'évacuer.
Commenter  J’apprécie          570
Certains ont espéré, enfant, être adoptés pour rejeter et nier la filiation douloureuse dont ils sont issus. D'autres, comme Pascal Bruckner, âgé alors de 10 ans, à même prier pour que son père meurt.
La filiation de Pascal Bruckner est très douloureuse, elle ressemble beaucoup à celle de Gérard Garouste qu'il décrit dans: L'intranquille, autoportrait d'un fils, d'un peintre, d'un fou.
Tous deux auront eu un père violent, colérique et antisémite. Évidemment, leurs parcours respectifs vont laisser des séquelles irréparables. Garouste en devient fou, il est sauvé par la peinture, Bruchner par l'écriture.
Pour moi, Pascal Bruckner se met courageusement à nu dans ce livre. Car bien sûr, il a aussi une mère qu'il va voir s'humilier, se faire violenter et se sentir coupable.
C'est un des noeuds fondamentaux dans ces tragédies familiales, on se sent coupable et il faut des années pour sortir de ce cercle infernal.
Pascal Bruckner énonce aussi dans ce roman son parcours intellectuel, ses pairs qui l'ont aidé à se forger. J'aime beaucoup ces remarques et ses analyses pertinentes sur nos " erreurs de jeunesse", nos emportements don't aura raison notre "vieillesse"
En lisant ce livre, et même il s'agit d'une relecture, j'ai eu beaucoup de tendresse pour ces enfants " maudits" que certains ont été et leurs parcours néanmoins réussi à l'âge adulte.
Reste le titre: Un bon fils", faut-il encore se justifier aux yeux du père ?, des autres ?
À rapprocher aussi du titre de Laurent Seksik : Un fils obéissant.
La culpabilité dévore et rogne l'esprit.
Commenter  J’apprécie          524
Cinq étoiles... mais, je l'admets, accordées plus subjectivement qu'objectivement, étant trop impliquée pour juger avec le recul qui s'impose.

Egalement enfant unique, même génération, "même" père, mêmes idéologies extrémistes...
Même ressenti, mêmes contradictions, mêmes ambiguïtés dans les sentiments...
Je suis entrée dans ce livre comme on entre en thérapie.
Psychothérapie que je n'aurais, d'ailleurs, jamais sollicitée. Dans un premier temps parce que j'ai tendance à nourrir une certaine méfiance envers tout ce qui commence par "psy". Dans un second, parce que je pense que l'on ne peut comprendre vraiment certaines situations que lorsqu'on les a vécues de l'intérieur et que tous les lieux communs, plus ou moins "guimauve", dont vous assènent ceux qui n'ont qu'une vision théorique de la chose sont aussi stériles qu'accablants.

Soixante ans que je me débats dans cette confusion et Pascal Bruckner vient, enfin, d'y apporter un éclaircissement salutaire.
En effet, on s'expose à la critique en formulant son désamour quand on n'a pas été enfermé dans un placard, torturé, abandonné... situations tragiques où narrer sa douleur est acceptable car les "cicatrices" sont visibles.
Pourtant, je le cite : "Les vraies blessures sont verbales, les jugements négatifs, les vexations qui s'inscrivent en vous en lettres de feu. Mon père voulait absolument me persuader de mon infériorité."

Le mien a failli faire une crise d'apoplexie le jour où, en réponse à ses insultes et reproches, je lui ai annoncé en toute sérénité : "Je ne te dois rien, Papa. Je ne t'ai rien demandé. Ne te fatigue pas à déverser tout le mépris que tu as pour moi. Je connais tout ça par coeur et ça ne m'atteint plus. Ton entreprise de démolition est arrivée à son terme."

Tout comme l'auteur, je ne ressens à son égard ni haine ni colère. Juste de la résignation après avoir tenté tout ce qu'il m'était possible d'espérer. Et, paradoxalement, de la reconnaissance aussi, car il m'a inculqué le goût de la lecture, de la musique classique, du jazz, des bons vins... éléments non négligeables dans ma construction personnelle.
Aucun être n'est ni foncièrement bon ni foncièrement mauvais. C'est ainsi. Mais il faut cependant avoir la sagesse de renoncer à changer les rayures du zèbre.
"Je n'ai qu'une certitude : mon père m'a permis de penser mieux en pensant contre lui. Je suis sa défaite, c'est le plus cadeau qu'il m'ait fait."

Merci, Monsieur Bruckner d'avoir osé ce courageux témoignage.
Ce faisant, vous vous êtes exposé, et certains y ont vu le déballage d'une intimité familiale dont il eût été séant que vous vous absteniez. Je suis, pour ma part, heureuse que vous l'ayez, au contraire, partagée.
Et, vu que je viens d'en faire de même avec ma critique, je m'en excuse par avance auprès des personnes qui, à juste titre, pourraient la juger déplacée.
Fin de ma thérapie.
Commenter  J’apprécie          4412
Les critiques de "Un bon fils" ne sont pas très élogieuses, certains lui reprochent d'être nombriliste et que tout est prétexte pour se mettre en avant. Ce n'est absolument pas comme cela que j'ai ressenti ce récit j'y ai pris beaucoup de plaisir et trouvé très intéressant la façon dont l'auteur s'est construit dans un climat tel que fut le sien. Père antisémite violent et mère soumise. Pascal Bruckner s'est construit en opposition à ce père. Il nous livre dans ce récit son cheminement , ses réflexions. toute sa vie est entachée par ce père qui lui fait horreur. Heureux d'être considéré comme "la défaite" de son père, il est malgré tout "un bon fils" puisqu'il sera présent pour lui jusqu'au bout. Il aurait d'ailleurs fallu de peu pour qu'il le prenne dans ses bras, voilà toute l'ambiguïté. Ce récit donne aussi l'occasion de croiser des personnalités comme Althusser, Barthes, Sartre.
Je n'ai pas eu le sentiment que c'était un livre règlement de compte ou encore un livre gégniard mais plutôt un livre dynamique, positif,constructif. L'épilogue est étonnant...
Commenter  J’apprécie          411
Voilà un père détestable, pour de multiples raisons privées et publiques, qui n'a probablement pas livré les véritables raisons de son antisémitisme (craignait-il d'être reconnu comme juif ?). Voilà un bon fils qui n'est pas attachant pour toutes sortes de motifs. D'abord parce qu'il ne parle que de lui, de ses amitiés prestigieuses citées pour nous faire penser qu'il est leur égal. Ensuite parce que son parcours de jeune bourgeois gauchiste et les pseudo confidences ou confessions sur le caractère libéral de sa pensée n'ont que peu d'attrait (sauf censément pour lui). Le seul élément qui aurait pu être intéressant - la description des rapports conflictuels avec le père - apparaît dépourvu de sincérité et sert encore à l'étalage de la bouffissure du fils. Ecrire sur son père ou sa mère est dans l'air du temps, d'autres auteurs m'ont semble-t-il mieux réussi l'exercice que Pascal Bruckner.
Commenter  J’apprécie          410
"Il est l'heure d'aller dormir. Agenouillé au pied du lit, la tête inclinée, les mains jointes, je murmure à voix basse ma prière. J'ai dix ans. Après un bref recensement des fautes du jour, j'adresse à Dieu, notre Créateur tout-puissant, une requête. Il sait comme je suis assidu à la messe, empressé à la communion, comme je L'aime par-dessus tout. Je Lui demande simplement, je L'abjure de provoquer la mort de mon père, si possible en voiture. Un frein qui lâche dans une descente, une plaque de verglas, un platane, ce qui Lui conviendra.
« Mon Dieu, je vous laisse le choix de l'accident, faites que mon père se tue. »"

Quelle entrée en matière ! Quelle violence !
De quoi s'indigner : quel monstre est donc ce fils ? Mais on va rapidement comprendre que le monstre n'est pas celui que l'on croit.

Enfant, Pascal Bruckner a tout eu : coups et réflexions humiliantes de la part d'un père antisémite, raciste, manipulateur, pervers, violent... Haïssable à tous points de vue.
Comment s'étonner alors que le petit garçon prie tous les soirs pour la mort de celui qui le martyrise ?
Pascal Bruckner est ce que son père a fait de lui. Enfant, il s'est construit contre celui qu'il nomme le Tyran, le Despote, le Souverain, ou le Caractériel ; adulte, il a réussi à prendre du recul et a su avancer dans sa propre vie. Mais que de souffrances pour en arriver là !

Dans cette autobiographie, Pascal Bruckner ne se limite pas au personnage du père et son récit est riche d'événements et de réflexions que j'ai trouvées très intéressantes et qui en font le témoignage d'une certaine époque.
J'ai également été touchée par l'évocation de sa rencontre avec Alain Finkielkraut et de la relation amicale forte qui le lie à tout jamais avec celui qu'il appelle son "frère d'encre".

Arrivé en fin de lecture, on comprend parfaitement la prière du petit garçon des premières pages et l'on ne peut qu'être en totale empathie avec lui.

S'il s'agissait d'une fiction, cet ouvrage serait drôle parce que l'auteur met beaucoup d'humour et d'ironie dans son récit, mais savoir que ce qui est raconté est vrai rend le tout nettement moins amusant.
Comment grandir avec un tel père ?
Entre souffrances physiques et morales, comment se construire ?
Sans parler de la culpabilité.
Oui, culpabilité, car par un effet pervers bien connu les victimes de ce genre de violences ressentent de la culpabilité et se disent consciemment ou inconsciemment qu'elles doivent mériter ce qui leur arrive. Et s'ajoute ici celle de ne pas avoir su protéger sa mère, victime elle aussi.
Terrible. Quel poids énorme sur les épaules d'un enfant !

« Rien de plus difficile que d'être père : héros, il écrase de sa gloire ; salaud, de son infamie ; ordinaire, de sa médiocrité. » Oui, être père est difficile et d'une façon générale, aucun parent n'est parfait. Mais dans l'échelle des notations, le père dont il est question ici se situe tout en bas.
Pascal Bruckner garde certainement des séquelles de ce qu'il a subi, mais il a su se libérer à travers sa vie intellectuelle et "réussir" d'une certaine façon, si tant est que cette expression ait un sens.
Nombre de ceux qui ont vécu les mêmes horreurs que lui n'ont pas un destin aussi favorable, et dans notre société nous devrions faire de la lutte contre l'enfance maltraitée une priorité absolue.
Défendre les plus vulnérables est un impératif moral et l'on ne rappellera jamais assez le 119, numéro de téléphone de l'enfance en danger, vingt-quatre heures sur vingt-quatre, sept jours sur sept.
Commenter  J’apprécie          327
C'est l'histoire d'un fils qui toute sa vie aura souhaité la mort de son père. Un fils qui toute sa vie se sera volontairement mis en marge de la tradition familiale : le respect de l'ordre, des conventions, la haine de l'autre, celle du Juif notamment. Un fils qui s'opposera toute sa vie à un destin pourtant tout tracé : enfant de bonne famille catholique, élevé chez les jésuites, promis à une carrière sans vague et sans relief dans la bureaucratie. Au lieu de cela, ce bon fils sera écrivain, il sera de gauche, aura pour meilleurs amis des philosophes, des Juifs et pire que tout, sera souvent associé à eux, identifié comme romancier juif. Quelle pire bravade, quel pied de nez à la figure paternelle honnie. Ce fils c'est Pascal Bruckner et ce roman autobiographique est une claque inouïe, un cri de haine mais aussi d'amour lancé à un père qui incarnait cette France raciste, traditionnaliste, haineuse, cette bourgeoisie de province étriquée, repliée sur elle-même, fermée au changement. Ce père admirateur du 3e Reich, antisémite notoire et assumé, violent avec sa femme, méprisant avec son fils, et pourtant grand-père adorable, est-ce possible ? Il faut croire.

Au fil de ces centaines de pages, Pascal Bruckner nous livre un récit familial sans concession à travers un prisme mouvant : de gentil garçon très pratiquant et obéissant à l'Homme adulte et bien établi de 50 ans qui pardonne un peu plus les erreurs de son père, en passant par l'ado rebelle 68huitard qui provoque et rejette en bloc son géniteur et tout ce qu'il incarne, ce roman d'une rare puissance est une plongée en apnée au cœur d'un marasme familial, un naufrage annoncé. Une claque littéraire qui provoque et choque, nous laisse KO et vidés, spectateurs incrédules de cette violence sourde, insidieuse et perverse qui incarnera le fil rouge de la vie de Pascal Bruckner. Comme se construire après cela ? L'auteur n'en est pas sorti indemne, cela se sent à chaque page : la souffrance, le sentiment d'être déchiré, apatride au sein de sa propre famille. Et pourtant, au coeur de l'horreur, fruit d'un monstre de haine, surgit un talent tel que celui de monsieur Bruckner fils, humaniste ayant foi en l'autre. Un grand roman pour un grand auteur.
Commenter  J’apprécie          282
Dans la vague des nombreux livres que j'ai pu lire dernièrement sur la relation qu'entretient l'auteur du roman en question avec son père - je pense entre autres Xavier Demoulins ou Alex Taylor- Pascal Bruckner, un des intellectuels français qu'on voit le plus dans les médias ( presque autant que son son grand ami Alain Fienkelkrauft avec lequel il écrivit en 1977 le Nouveau Désordre amoureux et à qui il dédie quelques pages dans ce livre), avec son dernier livre en date un peu ironiquement intitulée UN bon fils, et contrairement aux autres, joue plutot sur la corde non pas "Mon père ce héros", mais plutôt " Mon père, ce tyran".

Même si je ne partage pas toutes ses idées et convictions, Pascal Bruckner fait assurément partie de ces intellectuels brillants qu'on ne se lasse pas d'écouter très attentivement et les rares écrits, romans souvent proches du conte philosophique et méatphysiques (notamment le si brillant "Lune de Fiel", adapté par Polanki dans les années 90) ou essais littéraires ardus, que j'ai lu de lui, m'avaient souvent convaincu .

Toutefois, je ne m'attendais pas à autant aimer ce "bon fils", ce livre oh combien autobiographique dans lequel Pascal Bruckner nous livre à coeur ouvert sa si difficile histoire familiale. Plutôt qu'un règlement de comptes posthume qui aurait mis mal à l'aise, l'auteur raconte avec visiblement la plus grande objectivité et sincérité ce père antisémite et violent, fanatique de l'idéologie nazie.

Bref ce "bon fils "nous prend au dépourvu : le lecteur s'attend à découvrir le portrait d'un père aimant et aimé, et on se retrouve avec la description brut de décoffrage d'un homme tyrannique et antisémite qui revendiquait à qui voulait l'entendre sa haine des juifs, mais aussi des noirs et des magrhebins. Un type pas plus sympathique avec ses proches, qui a humilié physiquement et moralement sa femme pendant 50 ans et qui n'a jamais porté le moindre geste ( et dit le moindre mot) d'amour à son fils, qui malgré cela ne l'a jamais totalement détesté.

Une oeuvre personnelle bouleversante et unique en son genre, parfaitement découpée en 3 parties distinctes : l'enfance de Bruckner avec ce père si abject, sa volonté d'émancipation pendant plus de 40 ans loin de ce paternel, puis face à la vieillesse et la perte d'autonomie de cet homme devenu veuf, la démarche de l'auteur de revenir vers lui et s'occuper de lui ,bien qu'il ne fut pas plus reconnaissant qu'avant.

J'ai particulièrement apprécié le détachement et la distance qui font la force de ce livre, on s'attend à un cri de haine, et on au bout du compte, a une confession qui n'élude certes pas les passages difficiles et les phrases pas évidentes à écrire , mais en même temps plutôt sereine et très intelligemment creusée sur cette relation si particulière entre ce fils et ce père à la fois si facile et si difficile à détester.

Un excellent livre qui prouve une nouvelle fois, et de si édifiante façon, à quel point le rapport à nos parents peut autant influer sur nos comportements et nos choix d'adultes.
Lien : http://www.baz-art.org/archi..
Commenter  J’apprécie          255
Ce n'est pas seulement l'histoire d'un fils C'est l'histoire d'un père. Sur la jaquette de couverture,on voit les deux: le fils , petit encore, affublé de cette culotte bouffante que l'on mettait aux garçons comme aux filles et que l'on appelait barboteuse, coiffé d'un impossible couvre chef qui évoque une kippa mais qui n'en n'est pas une, il équilibre la composition de la photo, dont le vrai centre est le père. Un père jeune, regard clair et cheveux blonds, archétype aryen, au front large et au sourire carnassier. le petit est dans l'ombre, un peu flou, debout et au premier plan il est dominé par le père, assis au second plan. Question de mise au point.En même temps que l'enfant que fut l'écrivain, nous découvrirons donc le père, et la mère de cet enfant-là, absente de la photo, celle qui la prend, peut-être. Et la façon dont il s'est construit au centre de ce couple impossible.
L'ouverture du livre est, si on m'autorise l'expression, une ouverture à la Bruckner. Si vous ne connaissez pas ce musicien, je précise que j'évoque là le bruit et la fureur. Fureur et violence verbale et physique du père. Par chance peut-être, l'enfant commence sa vie très loin de cette fureur-là.Enfance à la montagne, loin des parents, cruauté de la maladie, de l'environnement religieux, et de la vie à la campagne avec ses sacrifices animaux sanglants. Et toujours l'ombre de la guerre, des persécutions, de la déportation. Ainsi que le leitmotiv de l'antisémitisme du père dont la clé semble donnée à la fin de sa vie. Pascal Bruckner a beaucoup de raisons pour parler essentiellement de son père. Pendant non romanesque de Lunes de fiel, ce livre d'apprentissage déshabille cruellement le père, ses colères, sa folie, ses appétits d'ogre et de jouisseur. Il n'oublie pas le ridicule, la médiocrité, les limites de ce tyran domestique toujours prêt à ramper devant l'autorité qui lui est supérieure.Un père qui ne se remet pas d'une chute ou d'une défaite, de deux défaites successives, celle de chacun de ses pays puisqu'il est à la fois d'ascendance française, (huguenote) , et germanique. Un père descendant d'exilés et qui on le pressent demeure lui aussi exilé, et à rebours de l'histoire. Les scènes les plus insupportables impliquent la mère et sa place de victime consentante. le summum de l'insupportable est une autre scène, digne de Popeck, où cette mère catholique, élevée par les religieuses de Notre Dame de Sion, hèle son fils adulte du balcon, afin de lui envoyer , sous les yeux des passants morts de rire, un de ses slips racommodés par ses soins amoureux, avec force commentaires maternels sans que cet homme, réputé pour son indépendance et sa grande gueule, ne proteste ni ne moufte trop, sinon intérieurement. "Je l'aurais tuée. Je lui ordonnai sèchement de se taire". Car il n'y eut pas que le père, haï consciemment , activement, il y eut aussi la mère, adorée, mais qui telle la corde élastique du jokari, le ramène constamment à la misère de son enfance.Mère très aimante,jalouse et intrusive, qui forme un couple adultérin avec son fils tandis que le père parcourt les routes et déserte le foyer en compagnie galante le plus souvent. Que de ténèbres. Et pourtant la lumière est là, elle finit par percer et s'imposer, à travers l'amour des livres, la découverte de quelques mentors intellectuels qui tiendront lieu de substituts paternels à ce fils parricide en pensée et, symboliquement, en acte.
Ce fils qui se décrit, adulte, essentiellement comme un père, et très peu comme un compagnon ou un homme amoureux d'une femme. Pudeur, et aussi point d'identification à son propre père. le deuxième mouvement de la symphonie Bruckner décrit avec beaucoup de sensibilité les années parisiennes d'apprentissage intellectuel de ce petit provincial lyonnais. Par chance sa jeunesse est en phase avec l'époque, gonflée à bloc d'idéaux positifs et libertaires, à l'abri de la prospérité économique et de l'invraisemblable dynamisme de la génération baby boomer, qui crache dans la gueule à papa, et déboulonne l'autorité paternelle tout en recherchant d'autres images paternelles ou autoritaires (le PC, Mao, Castro, etc.) La deuxième chance de Bruckner, il le dit clairement lui-même, est qu'il ne tombe ni dans le panneau de l'embrigadement politique, ni dans celui des honneurs de l'Universitéd'après 68. Ayant raté les concours, il est disponible pour tous les départs et pour toutes les occasions d'écrire. Et il rencontre son alter ego, A Finkielkraut, avec lequel il développe une surprenante relation en miroir, qui eût été mortifère sans leur sagesse et leur intelligence de s'éloigner à temps l'un de l'autre. Dernier mouvement, dernier acte: le déclin et la mort de la mère, à peine esquissés (pudeur et discrétion du fils aimant) crépuscule et disparition presque inattendue, en tout cas intempestive, du père, de ce dieu Wotan du roman familial. Wotan de carton- pâte, mais auquel Pascal Bruckner donne honnêtement toute la place qu'il occupa dans sa propre Bildung, tout en ouvrant rétroactivement une interrogation, par le récit d'une découverte constituant pour lui et pour le lecteur une mise en abyme de tout le récit.
L'écriture de ce livre est soignée, sans affèterie, elle coule comme un torrent, elle a la clarté d'un soir d'été. Elle semble indiquer une réconciliation qui n'est ni un oubli, ni un déni, ni un reniement. Avec le récit de sa vie rattachée à l'enfance, parts d'ombre et de lumières mêlées,sans effusions lyriques,sans auto apitoiement, Pascal Bruckner signe pourtant là un livre qui s'inscrit dans la tradition des plus grands: Gorki, Rousseau, Chessex.. liste non exhaustive.
Commenter  J’apprécie          250




Lecteurs (371) Voir plus



Quiz Voir plus

Les écrivains et le suicide

En 1941, cette immense écrivaine, pensant devenir folle, va se jeter dans une rivière les poches pleine de pierres. Avant de mourir, elle écrit à son mari une lettre où elle dit prendre la meilleure décision qui soit.

Virginia Woolf
Marguerite Duras
Sylvia Plath
Victoria Ocampo

8 questions
1726 lecteurs ont répondu
Thèmes : suicide , biographie , littératureCréer un quiz sur ce livre

{* *}