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Jeanne Burgart Goutal est agrégée de philosophie et professeure de yoga. Depuis une dizaine d'années elle mène une recherche sur l'écoféminisme. Elle en présente les résultats dans cet ouvrage ainsi que les réflexions que cela a suscité en elle. La première partie est consacrée à l'histoire de l'écoféminisme. L'écoféminisme c'est l'idée qu'il y a un lien entre les violences faites aux femmes et la destruction de la nature. Ce n'est pas être à la fois écologiste et féministe : on peut être les deux sans être écoféministe. "Pour les écoféministes, le patriarcat, la domination des femmes par les hommes, est lié à la tentative de dominer la nature. Pour justifier leur exploitation, femmes et nature ont été réduites à des objets, placées dans la catégorie de "l'Autre"; on a nié la connexion de l'humain avec le monde naturel, ainsi que le féminin dans la nature de l'homme". Barbara Epstein Le mot écoféminisme est créé en France en 1974 par Françoise d'Eaubonne mais le mouvement français n'émerge pas alors qu'aux Etats-Unis il y a de nombreuses actions de masse à la fin des années 1970 et dans les années 1980. Aux Etats-Unis, l'idée de nature a des sonorités rebelles et émancipatrices tandis qu'en Europe l'écoféminisme est souvent accusé par les féministes d'essentialiser les femmes en mettant en avant leur lien supposé avec la nature et d'être donc réactionnaire. Cela va avec une méfiance concernant les aspects spirituels de l'écoféminisme : magie, rituels, culte de la Déesse... L'autrice montre qu'en fait les mouvements ou groupes écoféministes à travers le monde (il est question aussi des pays du Sud) sont très divers et elle considère cette absence d'unité comme une richesse. Dans les années 1995-2015, l'écoféminisme est victime de polémiques et attaqué de toutes parts, le mouvement décline. Depuis peu il revient sur le devant de la scène et suscite même une sorte de mode. Après avoir expliqué pourquoi elle ne se reconnaissait pas comme écoféministe, Jeanne Burgart Goutal passe à la pratique en seconde partie : elle va faire des stages chez des écoféministes. Celui sur lequel elle s'étend le plus se déroule à Navdanya, ONG créée par Vandana Shiva qui se réclame clairement de l'écoféminisme, à l'occasion d'un séjour de trois mois en Inde. Avant de partir l'autrice a lu des prises de position très tranchées sur Vandana Shiva. Alors, "Fanatique ou fantastique" ? Sur place, elle ne peut s'empêcher de noter un décalage entre le discours -notamment à destination des occidentaux-et la pratique.En fin de compte elle explique ce hiatus par le contexte -on doit tenir compte de la culture locale- et par le fait que Vandana Shiva a été mal comprise en Occident. Elle a été mal traduite, nous dit-elle, car elle utilise certains mots dans un sens qui lui est propre. Et "maltraiter le langage dominant en utilisant ses mots de travers, c'[est] sans doute de bonne guerre". Il me semble quant à moi que c'est une conclusion un peu trop complaisante. Si je ne suis pas convaincue par Vandana Shiva j'ai apprécié le voyage en Inde de Jeanne Burgart Goutal, sa volonté de comprendre et de nous faire profiter de son cheminement. Avec Jagori, une autre ONG, elle a l'occasion de rencontrer des femmes ou des familles et évolue dans son approche : "je laissais de plus en plus tomber mes propres questions, et passais de plus en plus de temps à me taire et à écouter, surprise et émerveillée non plus de ce qu'elles ne disaient pas et que j'aurais eu l'idée de demander, mais bien de ce qu'elles disaient et que je n'aurais jamais eu l'idée de demander". J'ai donc trouvé plutôt intéressante la lecture de cet essai qui m'a permis de découvrir ce qu'est l'écoféminisme et qui pose des questions qui me semblent d'actualité quand il s'agit de féminisme postcolonial et d'eurocentrisme. Lien : http://monbiblioblog.revolub.. + Lire la suite |