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EAN : 9782072929465
112 pages
Gallimard (07/04/2022)

Note moyenne : /5 (sur 0 notes)
Résumé :
« L’œuvre de Cabral est l’une des plus influentes dans la poésie moderne brésilienne. Il a profondément marqué, par son originalité, par la rigueur poétique et éthique de ses vers, les poètes brésiliens de la seconde moitié du XXe siècle. Écrivain populaire (ses vers ont été mis en musique par Chico Buarque, et Caetano Veloso se réclame volontiers de lui), il est aussi reconnu comme un immense poète par ses pairs et la critique. Nous espérons, avec ce recueil, faire... >Voir plus
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Citations et extraits (9) Voir plus Ajouter une citation
Elle est de fruit, ta texture
et ainsi, concrète ;
une texture dense que la lumière
ne traverse pas.

Sans transparence :
non telle l'eau claire, mais
tel le miel, intense.

Elle est intense, ta texture
mais non aveugle ;
telles les choses qui ont leur lumière
propre, interne.

Et tu as une carnation
identique au miel de la canne
et la lumière brune.

Tu possèdes d'internes
et lumineux cristaux
identiques à ceux de l'air que l'été
utilise en septembre.

Et il y a dans ta peau
le soleil des fruits que
l'été apporte au Nordeste.

Elle est d'un fruit du Nordeste,
ton épiderme ;
elle en a la même carnation dorée,
solaire et joyeuse.

Des fruits mûris
dans le Recife lavé
de ses brises.

Des fruits de Recife,
de leur famille,
tu as le bois ravisseur
qui est bien plus riche.

Et le même dur
moteur animal qui pulse
pareil à un pouls.

D'un fruit du Pernambouc
tu as l'animal,
des fruits presque animaux
et la chair charnelle.

Et aussi ceux
d'une mesure plus juste,
meilleure recette.

Ton enchantement,
c'est ta mesure,
de fruit du Pernambouc,
toujours concis.

Et ton secret,
ton corps, d'autant plus juste
qu'il est tendu.

Tu as d'un fruit cette
taille juste;
pas de tous les fruits,
de ceux du Pernambouc.

Les mangues, les mangabees
de Recife, qui sait
le mieux les dessiner.

Tu es un fruit mesuré,
bien dessiné;
en tout différent de la jacque,
du génipape.

Tu n'es pas une chose aqueuse
ni un fruit que l'on verse
vague et sans forme.
Ton enchantement,
c'est ta mesure,
de fruit du Pernambouc,
toujours concis.

Et ton secret,
ton corps, d'autant plus juste
qu'il est tendu.

Tu as d'un fruit cette
taille juste ;
pas de tous les fruits,
de ceux du Pernambouc.

Les mangues, les mangabes
de Recife, qui sait
le mieux les dessiner.

Tu es un fruit mesuré,
bien dessiné;
en tout différent de la jacque,
du génipape.

Tu n'es pas une chose aqueuse
ni un fruit que l'on verse
vague et sans forme.

Tu es dessinée au crayon
à la pointe fine,
comme la canne à sucre,
qui n'est qu'une ligne pure.

Et qui émerge, exacte,
de la confusion multiple
de sa propre paille.

Tu es aussi élégante
qu'un pied de canne,
qui dévêt sa jambe nue
de l'intérieur de la paille.

Et ta jambe est faite
du même métal sain
que la canne svelte.

Tu possèdes le même métal
de canne, poli et luisant,
et aussi celui de l'oïti,
qui n'est que fibre.

Mais profonde,
tant de fibres à défaire
muqueuse et humide.

De la pitombe, tu possèdes
la qualité muqueuse,
lorsque de ta chair
elle sécrète.
Et aussi de l'ingá,
de sa mousse fraiche à la dent
et au pouce.

Tu n'es pas un fruit fruit
fait pour la dent,
ni un fruit fleur,
pure odeur.

Un fruit complet :
pour tous les sens,
pour le lit et pour la table.

Tu es un fruit multiple,
mais simple, logique;
tu n'as rien de métaphysique
ou de la métaphore.

Tu n'es pas le Fruit
et je ne te vois pas non plus
comme la Graine.

Je ne te vois pas en graine,
future et enceinte ;
et non plus en vitamine,
en de chastes gélules.
En toi je vois seulement
ce qui se savoure,
non ce qui alimente.
Un fruit qui se savoure,
non qui alimente
ainsi, je décris mieux
ton urgence.

Cette urgence
du fruit qui nous invite
à nous fondre en lui.
Tu as l'apparence facile,
engageante,
du fruit très sucré,
qui attire les fourmis.

Et tu as l'attrait
de la sapote et de la sapotille
qui attirent les chauves-souris.
Au fruit, ton attirance
est identique ;
tu as du fruit l'attirance
droite et sans défense.

Toujours si forte
dans la chair et l'omoplate nue
du fruit jeune.
Tu es un fruit à la chair jeune
et à l'âme allègre,
différente de l'oïti-coró
par le piquant.

Et, tamarin,
celui qui te connait
a les dents plus fines.
Tu es un fruit à la chair acide,
chair et âme ;
différente de la papaye,
triste et stagnante.

C'est du nerveux cajá
que tu as le goût
et le nerf à vif.
Tu es un fruit à la chair ardente,
toujours âcre
comme les araçás, les guabirabes,
les maracujás.

Également mangabe,
celui qui te connaît
en est visqueux, gommeux.
Tu n'es pas un fruit que le temps
ou un verre d'eau
lave de notre bouche
comme un rien.

Jamais pitangue,
qui lave la langue
et étanche la soif.
Tu accrois la soif comme
un fruit mûr
qui se corrompt déjà
dans son sucre.

Acide et verte:
mais, celui qui te connait
n'en a que plus soit.
Acide et verte, mais
tu annonces déjà
le sucre mûr que
tu auras un jour.

Et ton charme vient
de la légère saveur de pourri
dans ta chair jeune.
Au goût propre du cajou,
de plage et de soleil,
tu réunis celui de la mangue morbide,
ombre et langueur.

Tu les connais toutes les deux
dans tes contrastes de fruit
du Pernambouc.
Sans doute, tu es vraiment un fruit
du Pernambouc :
le corossol, la mangabe
et certaines mangues.

Elles ont tant de sucre
que même vertes encore elles semblent
déjà corrompues.
Tu es ainsi un fruit vert
et pas tout à fait vert,
c'est ainsi que je te vois
depuis toujours.

Et l'on comprend bien
que certains te disent pourrie et d'autres
te disent verte.
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Poésie, je t'écrivais :
fleur! sachant que
tu es excrémet.
Excrément banal,

qui engendre des champignons
(de rares et fragiles champignons)
dans l'humide chaleur
de notre bouche.

Délicat, j'écrivais :
fleur! (Les champignons,
sont-ils des fleurs? Une espèce
étrange, une espèce

éteinte de fleur, une fleur
pas tout entière fleur,
mais une fleur, une cloque
ouverte dans ce qui a mûri.)

Délicat, j'évitais
le fumier du poème,
sa tige, son ovaire,
ses intestinations.

J'attendais les pures
et transparentes floraisons,
nées de l'air, dans I'air,
comme les brises.

-

Puis, je découvrais
qu'il était permis
de te nommer : fleur !
(Par vos circonstances

identiques ? Vos gentilles
substances ? Vos douces
carnations ? Par les
vergers vertueux

de vos évocations ?
Par la pudeur du vers
-une pudeur de fleur-
par sa délicate

pudeur de fleur,
qui n'éclôt
que lorsque le sommeil
du jardinier l'oublie ?)

Puis je découvrais
qu'il était permis
de te nommer : fleur !
(fleur, une image

à deux pointes, comme
une corde). Puis
je découvrais
les deux pointes

de la fleur; les deux
bouches de l'image
de la fleur la bouche
qui mange le mort

et la bouche qui orne
le mort avec un autre
mort, avec des fleurs,
des cristaux de vomi.
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On assiste dans sa danse
au même processus de l'épi :
vert, enveloppé de paille ;
mûr, presque nu.

On dirait que sa danse
lorsqu'elle est dansée, à mesure
qu'elle avance, la dépouille
du feuillage qui l'habillait.

Pas seulement de la végétation
qui l'habille lorsqu'elle danse
(des jupes feuillues et rugueuses
qu'on appelle au Brésil chita)

mais aussi de cette autre flore
à laquelle ses bras donnent vie,
dense forêt de gestes
à laquelle ils donnent vie et supplice.

En vérité, même si tout
ce qu'elle porte sur elle,
même si, de fait,
cela l'habille toujours,

cela semble perdre peu à peu
son opacité antérieure
et, comme la paille qui sèche,
l'entrouvre peu a peu.

Ou alors, c'est que ce feuillage
devient peu à peu imperceptible :
car, la danse achevée,
bien que ses habits persistent,

l'image que la mémoire
conservera dans son œil,
c'est de l'épi, nu et grandi,
Perçant et svelte, en épi.
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Pourquoi la même pudeur
à écrire qu'à déféquer ?
On n'a pas de pudeur à manger,
à boire, à incorporer,
et souvent il y a plus de pudeur
à demander qu'à donner.
Alors pourquoi celui qui écrit,
si écrire, c'est après tout donner,
évite-t-il d'être entouré de gens
et préfère-t-il s'isoler ?

Ecrire, c'est être à l'extrème
de soi-même, et celui qui
s'exerce ainsi, dans cette
nudité, la plus nue des nudités,
a de la pudeur que d'autres voient
ce qu'il a de grimaces,
de tics, de gestes manqués,
de peu spectaculaire
dans la vision torse d'une âme
au moment même où elle crie son råle.

(Mais le plus curieux
dans la pudeur de l'écrivain
c'est que la pudeur de faire
est une impudeur à publier :
en effet, la pudeur fait alors
que l'on s'exhibe, que l'on se démontre,
même ceux qui n'exercent pas
métier de confesseur
ne le font pas pour s'exposer,
mais pour donner à voir ce qu'il y a.)
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Lorsqu'elle monte au dos de la danse
(est-elle portée ou porte-t-elle ?)
Il est impossible de dire
si elle est la cavalière ou la jument.

Elle a dans sa danse
toute l'énergie tendue
et tout le nerf qu'a un cheval
lorsqu'il se hérisse.

C'est-à-dire : autant de tension
de celui qui monte en selle,
de celui qui monte un animal
et à grand effort le soumet,

comme la tension d'un animal
dominé sous la bride,
qui soutfre d'être commandé
et proteste en obéissant.

Alors, comment affirmer
si elle est jument ou cavalière :
il y a une telle conformité
entre ce qui est animal et ce qui est elle,

entre la partie qui domine
et la partie qui se rebelle,
entre ce qui chevauche en elle
et ce qui est chevauché en elle,

que mieux vaut dire
que toutes deux, cavalière et jument,
sont une même chose
et qu'un seul nerf les innerve,

et qu'il est impossible de tracer
une ligne frontalière
entre elle et la monture :
elle est la jument et la cavalière.
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