++++++ L'ANALYSE SÉMANTIQUE DE MEURTRE +++++++
Née à Dublin en Irlande,
Aifric Campbell, après des études à l'université de Göteborg en Suède, où elle a séjourné comme fille au pair, et à l'université d'East Anglia à Norwich en Angleterre, a travaillé pendant 13 ans comme banquière chez Morgan Stanley, la fameuse banque d'investissement de New York, et où elle a été la toute première femme à être promue au rang de directrice des opérations boursières.
Aifric Campbell est par ailleurs diplômée en linguistique et en psychothérapie et l'auteure de 3 ouvrages et de nombreux articles.
Cet ouvrage-ci constitue une oeuvre de fiction, mais inspirée par un fait réel : le meurtre jamais élucidé du mathématicien, philosophe et organiste Richard Montague, trouvé étranglé dans sa demeure de Los Angeles le 7 mars 1971, à l'âge de 40 ans.
Vu sa formation et sa carrière, l'intérêt de l'auteure pour ce Montague et sa sinistre fin est évidemment compréhensible, bien qu'elle ne soit pas la seule, 2 autres auteurs ont fait de même :
Samuel R. Delany et
David Berlinski.
Aifric Campbell nous présente un psychanalyste né en 1948 aux États-Unis, Jay
Hamilton, qui s'est établi à Londres en 1971, où il reçoit et conseille des personnes fortunées qui, en proie à des difficultés psychologiques, lui ont été recommandés par leur médecin généraliste.
Ce Jay a eu un père déserteur qu'il n'a pas vraiment connu et un frère aîné,
Robert, qui de 18 ans son majeur, a en fait exercé le rôle et l'exemple du père absent.
Professeur de philosophie linguistique à l'université californienne de Los Angeles (UCLA),
Robert est mort assassiné dans des conditions mystérieuses et
Jay était le premier sur la scène du crime.
Ainsi, l'auteure réalise un parallèle entre l'authentique Richard Montague (1930-1971) et le fictif
Robert Hamilton.
Est-ce que le psychanalyste de sa création le gagnera-t-il sur les détectives professionnels pour finalement résoudre l'affaire Montague ? "That's the question" !
Cette question n'a pas empêché l'auteure pour autant de remercier explicitement l'inspecteur José Ramirez de la police de L.A., chargé de l'enquête-Montague, pour sa contribution aimable à son projet.
Comme il s'agit d'un thriller psychologique, je ne puis dire davantage sur l'intrigue sans risque d'efflleurer le dénouement de l'histoire, ce qui serait impardonnable envers les lectrices et lecteurs futurs.
Ce que je peux dire, en revanche, c'est que ce roman déborde largement les limites d'un simple thriller. La lecture implique toutefois un peu d'exercice du cerveau, puisque l'auteure se réfère à des personnalités tels
Sigmund Freud,
Noam Chomsky,
Alan Turing etc.
Les thèmes abordés ont trait à la psychanalyse, la psychiatrie, la logique, la linguistique, la sémantique et la syntaxe.
Une question intéressante est la relation entre l'assistance psychanalytique et le recours aux médicaments pour traiter des maux de nature mentale.
Ne vous effrayez pas de ces termes, je vous assure qu'
Aifric Campbell réussit à les intégrer dans son récit sans que le suspense en souffre.
Il y a aussi les histoires des gens qui viennent consulter
Jay pour leurs problèmes et qui contribuent au récit global, comme Cora
Miller par exemple qui souffre de ne pas pouvoir mettre au monde un enfant, mais qui avant son mariage s'est faite avorter et l'interprétation que
Jay réservé à cet aveu.
Quoique le contexte ne se prête guère à l'humour, certaines anecdotes sont cependant plutôt marrantes, comme un psychiatre londonien qui au cours d'un dîner remarque : "Savez-vous combien d'hommes me paient pour traiter leur épouse seulement pour ne pas avoir à l'écouter eux-mêmes ?"
À propos du génial décodeur d'Enigma (la machine de code secret naval nazi) et l'inventeur de l'ordinateur,
Alan Turing (1912-1954), je me permets de vous renvoyer à mon billet du livre de
David Leavitt "The Man Who Knew Too Much" (l'homme qui en savait trop - non traduit) du 20-04-2017.
Le style d'
Aifric Campbell frappe par sa précision, qui est celui d'une mathématicienne ou devrais-je dire d'une banquière ?