Le rire de Zakchaios
ZAKCHAIOS
3.
Et la foule t’abandonne
Des estafettes circulent
Le cortège est annoncé
Depuis si longtemps
Qu’on devine au loin
Un nuage de poussière
Qu’on perçoit des secousses
Des rumeurs des pleurs
Des rires des hoquets
Plutôt des approbations
Des pleurs de mères
On sent aussi dans l’air
Des parfums de musc
Des aigreurs de lait caillé
La molle senteur du pain
Qui vient de cuire
Mais toi collé à l’arbre
Rendu arbre toi-même
Tu es l’oiseau posé
Devant la meurtrière
L’esclave dénudée
Porte dans la main
Un pot de parfum
Puis elle oint la femme
Abandonnée à ses rêves
Elles se sont allongées
Rendues invisibles
Heureux sont les oiseaux
Penses-tu dans ton œil
D’oiseau ouvert sur elles
Nul tambour ne te rappelle
Tu es oiseau tu es chez elle
Le cortège est arrivé
Devant la foule
L’Homme la bénit
Il te voit dans l’arbre
Il ramasse une figue
Il t’appelle te sourit
Tu ne veux rien entendre
Ce monde est un désert
Extrait 7
Un peu de lumière en ce monde
Serait une épaule chaude et fragile
Il est naïf de croire à son surgissement
Espérons quand même quand l’espoir
A délaissé le temps des hommes
Espérons qu’ils restent debout
Les ombres vaines des rocs des fossiles
Que nous sommes devenus s’agitent
Toujours dans la bourrasque d’or
Il n’y a plus de triomphe ailé sur le destrier
Il n’y a plus d’acclamations des femmes
Les portes des villes sont rongées par les vers
Un peu de lumière parvient quand même
À faufiler ses veinules dans le silence
De l’instant sauvé par les couleurs par le fil
Ténu qui nous relie aux autres hommes
Par la vérité par l’exacte inscription
D’une joie qui s’enfonce jusqu’à la garde
Le bruit du galop (I)
À Bernard Noël
Extrait 11
À jamais suspendu
Aux livres aux lèvres
Qui me disent les secrets
D’un monde qui n’est plus
Je marche dans mon rêve
Me cogne le crâne
Ricoche d’un mur à l’autre
Troue le plafond
Je revois si loin déjà
Un avenir dépassé
De formes humaines
Que mes mains étreignent
Vaines dans le vide
Se relèvent des montagnes
Dans les fumées
Jaunes des hivers
Pour étouffer l’air
…
Petits secrets
à Fabio Scotto
extrait 9
Les nuages ceux qui flottent
Dans les poèmes aimés
Se retrouvent aujourd’hui
Accrochés aux monts aux aulnes
Et nourrissent un songe
Bienveillant posé sur le monde
Le vent les pousse le temps
Se fracture sous nos yeux
Entre le surgissement et la paresse
Du signe découragé qu’adressent
Les anciennes amours
Les taches de lumière
Rehaussent l’image
Des sourires espiègles
Il n’y a plus de combat
Avec l’ange plus d’ardeur
Plus de rage seul l’instant
Déposé dans l’abandon
Peut faire jaillir le sens
Dans le départ immobile
Le rire de Zakchaios
CLEOPHAS
3.
L’homme se tient debout
Il s’est approché de vous
Ton ami sèche ses larmes
Que nous veut cet étranger
Il est maintenant l’heure
Du repas du soir
Comment ne pas l’inviter
Tu frappes dans les mains
La table est dressée
L’homme roule dans sa main
Les boules de farine
Qu’il humecte d’un peu d’eau
Le poignet ensanglanté
Te ramène au monde cruel
Aux femmes dévastées
A la lance de Longus
Au fiel qui brûle les lèvres
Tu le regardes cet homme
Tu secoues ton ami
Abîmé dans un songe
Vos yeux s’ouvrent
Lui vous regarde avec amour
Mais aussi avec l’ironie
Bienveillante posée
Sur des enfants qui jouent
Tu ignores bien sûr
Que tu viens d’ouvrir
Une scène interminable
Qu’occuperont la Quête
De l’absolu la chasse
Inspirée des mots du ciel
Et les visions du dormeur
C’est bien l’Homme devant vous
Tu ne peux le veux le refuser
Il est venu des morts
Te prier de dire aux hommes
Il ôte son vêtement
Il vous bénit et disparaît
Il s’efface dans le soleil