Loin de son univers draconique d'Angélica Brise, Minuit nous propose ici une histoire « ordinaire ». Par « ordinaire », comprendre qu'elle se déroule dans le monde réel, sans magie ni créatures fantastiques, juste des jeunes filles dont les chemins vont se croiser.
Elles sont quatre enfants à l'aube de l'adolescence et vous ne saurez d'elles que ce qu'elles voudront bien dévoiler, même leurs noms se dissimuleront derrière des pseudonymes.
Tout commence par Chloé. Lorsque sa mère obtient une promotion envahissante qui l'envoie de l'autre côte de l'Atlantique, la fillette n'a d'autre choix que d'aller vivre – pour un an - chez son père séparé de sa mère. Autant dire que Chloé n'est pas ravie, sa seule consolation est d'emmener son chien Spéculos. Elle doit donc quitter amis et sa maison pour déménager chez un paternel plus préoccupé par les livres et son travail (critique littéraire) que par la vie réelle et les interactions avec autrui, dont sa fille.
Néanmoins , elle est à la campagne et proche d'une forêt. Aimant la nature, elle décide donc de l'explorer. Peu à peu elle y pénètre un peu plus profondément jusqu'à découvrir un immense saule pleureur et l'étrange fille qui en a fait sa résidence de loisirs (?). Elle s'est surnommée Louve et après un temps de méfiance et quelques biscuits pour l'amadouer elle racontera sa vie à Chloé - ou plutôt sa vie imaginaire. Intriguée, amusée et même séduite, Chloé s'inventera alors elle aussi une vie et prendra le surnom de Chouette. C'est le début d'une grande amitié.
Plus tard, deux autres fillettes d'à peu près le même âge se joindront à elles et selon le même rituel de secrets et de vies rêvées, elles prendront les sobriquets de Rainette et Luciole.
Vous ne trouverez pas dans ce roman un grand mystère à résoudre, un secret bien gardé ou un complot à déjouer, mais simplement une histoire de nature et d'enfants pimentée de quelques expéditions rocambolesques au coeur de la forêt ou une farouche opposition aux chasseurs et donc quelques frayeurs justifiées. Il faudra y ajouter quelques récits inventés et livrés à ses amies par Chouette qui pourtant déteste les livres.
Ce rejet est-il une opposition à son père dont le temps est dévoré par la lecture qu'elle soit pour son travail ou son plaisir ? Peut-être ? En tout cas, si le roman s'appuie grandement sur les péripéties des quatre enfants, Minuit n'en oublie pas de faire évoluer la relation de Chloé et de son père. La voisine, Madame Charbonnier, aura là son rôle à jouer et peut-être les livres aussi. Quoi de plus naturel de traiter ce sujet pour une auteure de talent qui pourrait et devrait prendre un jour sa place dans toutes les bibliothèques ?
Les filles de la forêt est un livre tendre. La fraîcheur de la jeunesse y souffle tout autant que le vent dans la canopée verdoyante ou la brise qui fait onduler l'eau des rus. Une innocence vivifiante se glisse dans le récit servi par une maîtrise du texte et du scénario. L'humour discret de Minuit s'entrelace dans l'histoire et ajoute une touche de sourire à une ambiance déjà forte agréable.
S'il s'agit d'un roman jeunesse tout public, il est plaisant à lire à tout âge si peu que l'on veuille bien se replonger dans la simplicité perdue de nos années d'enfance. Une bouffée de bien-être.
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