Nous sommes l'incendie

«  Leurs visages se confondaient dans l'obscurité grandissante , mais ils étaient jeunes et vieux , noirs, blancs , bruns et jaunes , un échantillon brut de la ville , réuni par cette femme agaçante , contrariante . Ils étaient en colère et elle faisait une cible facile : la fille raciste d'une tueuse raciste , un point de mire pour leur ferveur vengeresse. » .

«  Los Angeles : cette ville du bonheur, de tolérance , de progrès et d'amour du prochain ,était aussi une ville qui ignorait , affamait et tuait ses habitants . Pas étonnant n'est - ce pas , qu'elle gronde et frémisse comme un volcan sur le point d'exploser . Par ce qu'elle était humaine ,et qu'il y avait une limite à ce que les humains pouvaient endurer . »

Deux citations de ce récit inspiré de faits réels que l'auteure retrace avec infiniment de sensibilité , les tensions exacerbées entre communautés à Los Angeles .
En 1991 , Ava Matthews est assassinée sous les yeux de son petit frère Shawn , durant les émeutes et le feu de la contestation au coeur. de la ville.

Son crime ? Être noire .

Shawn en portera les stigmates toute sa vie, on le retrouve en 2019, il a fait de la prison après avoir appartenu à un gang , depuis il s'est rangé , a une femme infirmière et une petite fille , exerce le difficile métier de déménageur ,à la merci de longues journées et de lourdes charges mais il a la confiance de ses employeurs …
L'auteure met en place deux familles , deux histoires dont celle de Shawn ,qui verront leurs destins liés tout au long de leurs existences , leurs espoirs anéantis , leurs perpectives sombres, leurs quotidiens brisés.

Élevée dans une famille Américaine d'origine coréenne, Grâce Park se sent parfaitement intégrée dans la société américaine .
Au point de reprocher à sa soeur Miriam de s'engager contre le racisme .
A quoi bon faire des vagues quand leur communauté n'est pas concernée?
Un drame familial va lui faire perdre toutes ses illusions.
Alors qu'un nouveau crime raciste embrase Los Angeles,les destins de Shawn et de Grâce vont se croiser de la manière la plus inattendue .

L'auteure nous conte l'ampleur du phénomène du racisme systémique aux États - Unis .
L'intrigue est surprenante et permet d'avoir des points de vue différents , de nuancer tout ce qui arrive , de donner une dimension vraie , à ces histoires familiales croisées.

Elle alterne judicieusement les points de vue de Shawn et de Grâce, utilise les réseaux sociaux , explore leur influence nuisible, néfaste , celle des médias et de la police ,aborde avec empathie , sans jamais prendre parti les douloureuses questions de l'impunité , de l'injustice , les blessures non cicatrisées, les non - dits, les secrets , le pardon et la rédemption .Les personnages , nombreux, sont attachants , minutieusement décrits avec leurs faiblesses , jamais dans la caricature .

Port d'armes, gangs , racisme , injustice crasse envers la communauté noire ,importance des liens familiaux face au racisme , traumatismes , justice à deux vitesses : la ségrégation est toujours bien présente aux États - Unis .

Un roman sombre, profond et émouvant, bien écrit , qui fait réfléchir une fois de plus à cette Amérique gangrenée par les crimes racistes ..
J'ai l'impression de l'avoir déjà lu tellement nombre d'auteurs américains que je ne citerai pas ont abordé ce problème jamais résolu, en fait .
Combien d'ouvrages déjà lus et explorés à ce propos ?
C'est désespérant …..
Une note d'espoir à la fin : «  le scintillement de l'espoir.
La renaissance : le rameau d'Olivier ,l'arc en ciel ,les hommes de bien épargnés pour rebâtir le monde » .

Ce que j'ai ressenti:

« S'il y avait une chose qui semblait lier tous ces gens, c'était leur familiarité avec le malheur. »

Deux familles, une similitude: le racisme systémique. La famille Matthews et la famille Park, vont trouver leurs destins liés, tout au long de leurs vies. Leurs perspectives, leurs espoirs, leurs quotidiens: brisés. Tout est feu, flammes, incendies. Tout est violences, discriminations, colères.

Avec cette fiction, nous prenons l'ampleur du phénomène qui embrase les États-Unis: l'injustice structurelle envers les minorités. Steph Cha, nous raconte le meurtre raciste de Ava Matthews en 1991, et les répercussions sur ces deux familles, trente ans plus tard. Parce qu'on ne se sort pas d'un drame, aussi facilement. Il y a toujours des conséquences à ces actes de violences et ces crimes ignobles. du malheur, qui s'ajoute au malheur, qui ramène encore plus de malheur, qui engendre encore plus que plus de malheur, qui détruit des vies. Et ça recommence. Indéfiniment. Les colères, les discriminations, les meurtres. Un ourobouros.

« Je pense que nous devrions célébrer sa vie, sinon elle deviendra une simple morte, une statistique. »

Avec ce livre, on prend conscience du contexte politique et social américain, et des circonstances de la mort tragique de Ava. Ce n'est pas simplement, une victime, un chiffre, une statistique, c'est une histoire. Une histoire inspirée de faits réels, que Steph Cha, nous retrace avec beaucoup de sensibilité et d'empathie. Une histoire avec des personnes qui souffrent, se débattent, luttent, agissent à leurs échelles pour tenter d'améliorer un système dysfonctionnel. Des personnes touchées par le drame, pulvérisés de l'intérieur, démunis aussi face à ce problème de société dévastateur. Il est vraiment temps de voir les mouvements de ces hommes et ces femmes qui veulent un monde plus égalitaire. Il est vraiment temps, d'entendre leurs revendications d'entraide, de fraternité, de reconnaissance. Nous sommes l'incendie, c'est une colère contenue, réfléchie, et engagée contre la haine raciale. C'est du feu, mais un feu actif, vaillant, inspirant. Nous sommes l'incendie, c'est l'espoir d'un monde meilleur, plus inclusif, plus relié, plus humain. Pour que plus jamais, on est à lire de tels drames, de tels traumatismes, de telles histoires malheureuses, qui se répètent encore et encore.

« Peut-être était-ce juste la façon dont fonctionnait le monde: les gens oubliaient des vérités atroces tout le temps, ou du moins ils oubliaient de s'en souvenir. Après tout, qui avait envie de penser à des choses affreuses? »

Je suis heureuse que certains, se souviennent. Que certains, n'oublient pas. Que certains agissent, écrivent, militent, fassent bouger les choses. J'ai été très touchée par cette histoire et la démarche de l'autrice d'exposer les deux points de vues du drame pour laisser notre propre émotion faire son chemin et nous permettre de comprendre dans son ensemble, les causes et les conséquences à plus ou moins long terme, d'un meurtre raciste. Parce que la haine est une chose affreuse et meurtrière, qu'elle fait chaque jour des ravages, ici ou ailleurs, il faut absolument en parler, la rendre visible, la contextualiser, la mesurer, pour qu'enfin, des actions puissent être menées. Qu'enfin justice puisse être faite. Mais surtout que, ce phénomène de société disparaisse. Nous sommes l'incendie. Je pense que nous nous devons de l'être et de faire ce devoir de mémoire. Merci Steph Cha de vous être souvenue de Latasha Harlins.
Lien : https://fairystelphique.word..

Violence, haine, gang, racisme, injustice… Autant de mots qui pourraient qualifier le quotidien de Shawn. Quand sa soeur Ava est tuée sous ses yeux, dans une petite épicerie de quartier, son monde s'écroule. Qui est cette femme qui lui a tiré dans le dos ? Pourquoi a-t-elle échappé à la prison ? Quel avenir un homme noir peut-il espérer dans une Amérique où règne la peur de l'autre ?

Steph Cha signe avec Nous sommes l'incendie un roman tristement d'actualité. L'Amérique est bien loin d'être un pays de liberté, de melting-pot, de justice. Les différences effraient, l'incompréhension engendre la violence. La couleur de peau est un avantage ou un inconvénient selon le quartier où vous vous trouvez. Les gangs font la loi. Et la justice ne vaut que pour les plus forts…

Dans le roman de Steph Cha, chaque facette de cette Amérique se trouve incarnée par un personnage. Et on enchaine les pages avec l'envie de les découvrir, de les comprendre, de les entendre.
Leurs mots ne sont que cris, leurs larmes ne sont que colères. Ils n'ont pas le temps au chagrin, au pardon…

Quand le monde des victimes et des bourreaux se croisent, c'est le choc. Aucun ne trouve sa place, rien est aussi simple, tout s'entremêle. Qu'il s'agisse de la peur, de la fierté, du mépris ou du rejet, c'est la violence qui triomphe. La justice n'a pas sa place, tout est à fleur de peau.

Pourtant, il faut vivre, aimer, grandir. Quel repère, quel cadre, quelle limite donner pour que le monde change ? Et le peut-il encore ? le veut-il vraiment ?

Nous sommes l'incendie est un vibrant hommage à tous ceux qui souffrent dans l'ombre, qui cherchent le pardon ou le repentir… Tous ceux qui espèrent qu'il est encore possible d'atteindre un meilleur…

Nous sommes l'incendie

Ce livre nous embarque au sein de tensions entre communautés à Los Angeles. En 1991, un jeune fille noire de 16 ans est assassinée sous les yeux de son frère, Shawn qu'on retrouve en 2019. Shawn a fait de la prison et s'est désormais rangé a une femme et une petite fille.
En 2019, on rencontre également Grace américaine de parents Coréeens. Elle travaille dans la pharmacie familiale.
C'est un drame familial qui va rapprocher Grace et Shawn, deux individus qui vivent dans des milieux bien différents .
Un livre que j'ai commencé sans vraiment savoir où j'allais et au bout de quelques pages, tout prend car la plume est fine, tout est bien ciblé. L'intrigue est surprenante et la construction permet d'avoir des points de vue différents, de nuancer les événements, de donner toute sa dimension aux histoires familiales qui se croisent. On alterne entre le point de vue de Grâce et celui de Shawn.
L'autrice amène parfaitement les revirements quand il le faut pour relancer l'intrigue tout en amenant la réflexion sur les thèmes de ségrégation, les tensions entre communautés, l'utilisation des armes et des liens familiaux.
Elle utilise brillamment les réseaux sociaux, met en scène leur pouvoir d'envenimer les choses et l'influence du déchainement des médias sur les enquêtes de la police.
Un roman riche et un écriture tout aussi pointue associée à une intrigue parfaitement menée et des personnages à la psychologie bien détaillée, rendent ce livre absolument captivant !

Je me suis jetée sur ce roman américain avec la quasi-certitude que j'allais l'aimer. Et je ne me suis pas trompée.

Nous sommes l'incendie (2022) est le quatrième roman -et le premier traduit en français- de l'autrice américaine d'origine coréenne Steph Cha (1986). Après avoir publié une trilogie policière composée de Follow Her Home (2013), Beware Beware (2014) et Dead Soon Enough (2015), Steph Cha se penche dans son nouveau roman sur le destin d'une famille noire américaine tragiquement marquée par les inégalités et les injustices raciales.
(...)
En mars 1991 à Los Angeles, une adolescente noire de seize ans, Ava Matthews, est froidement tuée par une épicière coréenne sous les yeux de son petit frère Shawn qui en portera les stigmates toute sa vie. En juin 2019, alors qu'un énième crime raciste embrase Los Angeles, Miriam Park, une jeune trentenaire américaine d'origine coréenne s'engage ouvertement contre le racisme au grand dam de sa soeur cadette Grace qui ne se sent absolument pas concernée par les revendications de la communauté noire américaine. Jusqu'au jour où elle découvre un terrible secret qui vient remettre en question son existence toute entière.

Steph Cha s'est inspirée de l'histoire vraie de Latasha Harlins (1975-1991) pour dresser le portrait d'une Amérique gangrenée par les crimes racistes et une justice à deux vitesses. Une justice très peu regardante lorsqu'il s'agit des membres de la communauté noire, une justice prompte à condamner très -souvent trop- sévèrement ceux qu'elle considère être des criminels tout en fermant délibérément les yeux lorsqu'ils sont les victimes.

En alternant les époques et en choisissant de se placer successivement du côté de deux familles issues de deux communautés minoritaires, l'une afro-américaine, l'autre américaine d'origine coréenne, Steph Cha a le grand mérite de livrer une réflexion globale et nuancée sur les causes et les conséquences -autant à court qu'à moyen et long terme- d'un meurtre raciste. Elle montre ainsi comment ce crime odieux peut des décennies plus tard encore porter à conséquences et briser des vies.

Avec sensibilité et empathie, elle aborde les douloureuses questions de l'injustice et de l'impunité, dit les blessures jamais cicatrisées, les erreurs et les traumatismes familiaux, le poids des non-dits et des secrets. le pardon et la rédemption impossibles. Sans juger, elle raconte l'adolescence difficile, l'absence de perspectives d'avenir, la délinquance, les gangs, la violence puis la prison. La réinsertion puis la rechute. Enfin, elle évoque l'immigration coréenne aux Etats-Unis, la difficile intégration et le poids des traditions.

Nous sommes l'incendie est un roman douloureux, profondément révoltant mais non moins porteur d'une lueur d'espoir. A lire!

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