L’agonie du docteur Pirusse n’a pas duré dix minutes. Dix minutes interminables pendant lesquelles nous avons assisté, impuissants, à ce spectacle affreux d’un homme livré à d’atroces douleurs, étouffant, écumant, se tordant comme un ver de terre jusqu’à en mourir…
J’ai déjà imaginé d’innombrables morts, lorsque j’écrivais des romans policiers, mais jamais encore je n’avais vécu un tel événement en direct. J’ai l’œsophage qui fait un double nœud…
J’ai l’impression de me trouver dans un mauvais rêve. Pas vraiment un cauchemar, mais un de ces rêves tristes et pénibles, un peu angoissants, dans lesquels on se sent exilé dans un monde qui nous est étranger et dont on ne sait pas comment sortir.
— Monsieur Ferdine, comment écrit-on un bon livre ?
Est-ce que je le sais, moi, comment on écrit un bon livre ! Ça ne m’est jamais arrivé. C’est comme les idées ! Je n’en ai pas, d’idées, pas plus que de message. L’ennui, c’est que je ne peux pas l’avouer, ça ne ferait pas très professionnel. Alors, chaque fois, je dois inventer. Parce qu’en plus, je n’ai pas de mémoire et je ne peux même pas répéter les mêmes mensonges !
J’ai l’impression de me revoir moi-même, lorsque j’avais son âge. Cette impression maladive d’être constamment pris dans un piège fatal, je l’ai souvent éprouvée dans ma jeunesse.
C’est incroyable, tout de même, ces vieillards qui passent leur temps à se détester mais qui ne peuvent pas s’empêcher de se réunir à tout propos ! On dirait qu’ils ne peuvent vivre qu’en se haïssant…
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Laurent Chabin lit un extrait de Le canal de la peur